Quelques minutes pour se plaire, pas pour former un couple, mais une cohabitation entre deux générations. C’est l’enjeu du speed dating du 19 mai alors que les étudiants ont de plus en plus de mal à se loger.
L’objectif n’est surtout pas que l’étudiant se substitue à un aide-soignant ou un infirmier», insiste Nikole Kaserová, présidente de la délégation des étudiants. «C’est d’ailleurs ce qui nous a plu dans l’ASBL Cohabitage. Ils ne sélectionnent pas toutes les personnes âgées qui désirent héberger un étudiant. Il faut qu’elles soient suffisamment autonomes.» Pour l’association, un étudiant ne doit pas faire plus que ce qu’il ferait pour l’un de ses grands-parents. Il peut rendre service, mais cela ne doit pas devenir une charge qui l’empêcherait de se concentrer sur ses études. C’est dans la convention.
Les étudiants ont de plus en plus de mal à trouver un logement, «c’est une vraie galère», souligne la délégation des étudiants qui a voulu trouver une alternative en se rapprochant de l’ASBL Cohabitage. Celle-ci accompagne les jeunes et plus de 65 ans dans un projet de cohabitation gratuit pour l’étudiant ou avec des frais de participation allant de 100 à 300 euros. Pour les plus jeunes, c’est une aubaine dans un marché compliqué et «une expérience de vie». Pour leurs aînés, c’est la garantie d’avoir une présence agréable qui parfois «permet aux plus âgés un maintien à domicile», précise Moussa Seck, chargé de direction de l’ASBL.
Pour accélérer la formation de binômes, les deux parties ont eu l’idée d’un speed dating qui aura lieu le jeudi 19 mai. Une manière plus originale de faire connaissance, de voir si le feeling passe et de casser les appréhensions de ceux qui ont encore des réticences, sans engagement. La manifestation se tiendra dans les locaux de l’université à la Maison des arts et des étudiants.
«Les étudiants sont confrontés à des difficultés majeures depuis cette année. L’administration de l’université demande aux étudiants bachelors de quitter leur logement pour les céder à d’autres. En conséquence, depuis trois semaines, nous avons eu une cinquantaine de demandes», explique le représentant de Cohabitage. C’est ce contexte qui a mobilisé rapidement les membres de l’association et acteurs de la vie estudiantine en lançant cet évènement inédit.
Pour la représentante de la délégation étudiante, la situation est particulièrement dure pour ceux qui n’obtiennent pas une place dans une résidence universitaire. «Ils sont alors en concurrence avec les jeunes actifs et même s’ils ont des contrats de travail, ce ne sont que de petits jobs.» Autant dire que leurs dossiers ne sont pas prioritaires. «Dans le marché privé, les prix sont beaucoup trop chers même avec une bourse, spécialement pour ceux qui étudient près de la capitale.»
Beaucoup de seniors à convaincre
Pour Moussa Seck, cette solution devrait se développer davantage : «La majorité des retraités vivent dans des logements sous-exploités. C’est le cas de 77 % des personnes de plus de 65 ans. Il y a environ 120 000 retraités et au moins 60 000 d’entre eux sont concernés, puisqu’ils ont des chambres meublées inoccupées. Cela veut dire que l’on pourrait avoir beaucoup, beaucoup plus de cohabitations.» Encore faut-il convaincre les plus âgés de partager leur demeure et ce n’est pas simple. «Il y a déjà beaucoup d’étudiants inscrits, une cinquantaine, et peu de seniors», regrette Moussa Seck. «C’est eux qu’il faut pouvoir convaincre. Souvent, ils ont peur de perdre leur culture, leur intimité.» Tout est pourtant fait par l’association pour les rassurer en s’astreignant à un rôle d’intermédiaire.
Si la délégation étudiante met en haut de la liste quelques élèves prioritaires, «comme une jeune Russe qui a peur de devoir retourner dans son pays avec la guerre en Ukraine si elle ne retrouve pas un logement», raconte Nikole, cette solution n’est pas un hébergement d’urgence.
«Il y a moins de 5 minutes, j’ai encore reçu un appel d’un étudiant qui voulait une place en urgence. Nous avons refusé, lance Moussa Seck. Il y a beaucoup d’étapes à respecter avant même la mise en relation. Il faut compléter un formulaire sur notre site internet, présenter des pièces d’identité, s’ensuit une rencontre au bureau.» Plusieurs dossiers sont présentés aux futurs hébergeurs et après une première mise en relation, une semaine test durant laquelle le jeune dort chez son potentiel futur colocataire est organisée. Si tout se passe bien, c’est seulement à ce moment qu’une convention d’hébergement est signée.
«La mise à disposition du logement dure en moyenne 9 mois même si en général les cohabitations s’étalent plutôt sur 3 ans», poursuit le chargé de direction. «Tout se passe bien en général, nous n’avons jamais eu de cas de vol par exemple et tout le monde en ressort enrichi.»
Les colocataires restent souvent en contact au-delà de leur cohabitation. Forcément des liens se créent, certains ont été invités aux mariages de leurs protégés. D’autres en entrant dans la vie active continuent de visiter ceux que l’association appelle affectueusement leurs «mamies ou papys».
Dix minutes pour aller droit au butPresque 50 binômes créés depuis 2017
Le speed dating intergénérationnel se tiendra dans les locaux de l’université à la Maison des arts et des étudiants à Esch-sur-Alzette, le jeudi 19 mai, de 14 h à 17 h. Chaque rencontre entre un étudiant et un propriétaire est fixé à 10 minutes, pour aller droit au but. L’occasion aussi pour les deux associations partenaires de jouer leur rôle informatif et d’aide aux logements. Le speed dating sera précédé d’une conférence autour de l’importance des relations intergénérationnelles dans le parcours de vie. La conférence sera animée par les Pr et Dr Anna Kornadt et Isabelle Albert de l’université de Luxembourg.
Des rendez-vous plus aboutis seront ensuite organisés pour poursuivre le processus de mise en relation.
Les personnes souhaitant participer doivent s’inscrire avant le 18 mai. Contact par tél. au 28 77 43 98 ou contact@cohabit-age.lu.
L’ASBL Cohabitage promeut le développement de l’habitat intergénérationnel. L’un offre une chambre meublée, l’autre de sa présence. Cette cohabitation est accompagnée par l’association qui assure la formalisation, le suivi et la médiation si nécessaire. L’association a permis la cohabitation de 48 binômes depuis sa création en 2017. L’association a créé sa première résidence intergénérationnelle en 2018 permettant de loger dix ménages dont trois personnes âgées et sept jeunes. L’ASBL développe également la gestion locative sociale depuis 2021.
«Au départ, nous étions focalisés sur un public de jeunes et puis nous nous sommes ouverts à d’autres profils, notamment aux personnes réfugiées avec la crise de 2018. Maintenant, on revient à nos origines en se recentrant sur les étudiants», explique Moussa Seck, chargé de direction pour l’ASBL.
Une fois les binômes créés, l’association continue de suivre de près les cohabitations pour qu’il n’y ait pas de rupture de la convention d’un côté comme de l’autre. Elle essaye d’appeler toutes les semaines et rend visite aux binômes environ tous les 15 jours. «Il y a quelques semaines seulement, nous avons dû stopper une cohabitation à Luxembourg car la personne qui hébergeait était devenue trop dépendante et les demandes faites à l’étudiant dépassaient son rôle. C’était trop lourd pour lui. Il lui était demandé de faire la cuisine et de tondre la pelouse, mais aussi de surveiller la prise de médicaments et certaines fois il devait la relever lorsqu’elle tombait.»
Le covid a brisé beaucoup de binômes
Quand on parle de cohabitation entre des personnes âgées et de jeunes étudiants, on image forcément que la pandémie a eu un impact sur le succès de l’opération et a plongé ou replongé de nombreuses personnes, plus ou moins jeunes dans la solitude. «Cela a été une catastrophe. Une quinzaine de binômes se sont séparés par peur des contagions pendant le confinement. 2021 est une année terrible pour nous C’est aussi pour cela que nous organisons cet évènement, pour relancer le dispositif», indique le chargé de direction de l’ASBL Cohabitage, Moussa Seck.