Poursuivi pour avoir vidé les comptes d’une nonagénaire à Esch entre fin 2015 et février 2017, un quadragénaire était convoqué mercredi devant le tribunal de Luxembourg.
Ils se sont rencontrés à l’église. Madame avait certaines difficultés à descendre les marches, raconte-t-il. Elle aurait accepté son aide, avant qu’il n’emménage un peu plus tard chez elle. Sauf que quand il est entré dans sa vie, la retraitée a multiplié les retraits d’argent. Aujourd’hui, elle lui réclame près de 42 000 euros au titre du préjudice matériel. C’est début novembre 2016 que la filleule de la nonagénaire a porté plainte à la police.
Depuis plusieurs mois, la retraitée ne payait plus son loyer. La situation était alarmante, si l’on suit les dépositions du policier qui s’est emparé du dossier : «Madame n’avait plus que 4,39 euros en banque!» Le service de soins à domicile et l’office social d’Esch-sur-Alzette avaient également commencé à se poser des questions à l’époque. Des démarches auprès du juge des tutelles avaient été entamées.
Il ne cache pas avoir été avec elle quand elle se rendait à la banque
«Je suis innocent. J’ai toujours fait ce que Madame me demandait. Elle avait peur d’être seule et d’être tuée quand elle se rendait en Ville», s’est défendue, mercredi matin, le prévenu Gabriel M. (40 ans) à la barre de la 18e chambre correctionnelle. Poursuivi pour abus de faiblesse, il conteste avoir profité de la vulnérabilité de la nonagénaire. Le quadragénaire originaire de Roumanie explique avoir été nourri et logé au domicile de la retraitée, âgée à l’époque de 93 ans. En échange, il l’aurait accompagnée lors de ses promenades. Il ne cache pas avoir été avec elle quand elle se rendait à la banque, mais elle n’aurait jamais retiré plus de 2 000 euros.
L’enquête policière avait non seulement mis au jour de nombreux retraits d’argent. Lors de la perquisition au domicile, à la recherche de factures pouvant justifier toutes ces dépenses, la police était également tombée sur un virement de 1 000 euros pour un avocat que Gabriel M. avait consulté. Enfin, il était apparu que la nonagénaire avait rédigé un testament olographe dans lequel elle désignait le jeune homme comme légataire universel.
Les faits reprochés au prévenu ne s’arrêtent pas là. Après que la nonagénaire avait été mise sous sauvegarde de justice – cette mesure impliquait qu’elle n’avait plus le contrôle sur ses comptes en banque – Gabriel M. lui aurait fait ouvrir fin janvier 2017 un nouveau compte dans un autre établissement bancaire pour toucher sa rente de vieillesse. Elle aurait été sur le point de lui accorder une procuration. Mais l’employé de la banque avait refusé. De l’avis du parquet, c’est également à cause de Gabriel M. que la nonagénaire n’a jamais consulté le neurologue désigné par le juge des tutelles.
Montres et champagne Moët & Chandon
La situation de la nonagénaire se serait améliorée une fois que Gabriel a disparu de sa vie, rapporte le policier. C’était en février 2017 lors de son arrestation dans le cadre d’une autre affaire. Outre l’abus de faiblesse, le quadragénaire est également poursuivi pour une série de vols. Le parquet lui reproche d’avoir dérobé en 2016 une vingtaine de montres Hugo Boss d’une valeur totale de 9 000 euros dans plusieurs bijouteries ainsi que trois bouteilles de champagne Moët & Chandon dans un supermarché.
Me Pim Knaff a plaidé l’acquittement : «Il n’y a aucune preuve que mon client s’est enrichi : on n’a pas trouvé d’argent liquide chez lui ni de transfert de Western Union.» Pour le parquet, l’infraction de l’abus de faiblesse est toutefois bien établie. «Il ressort clairement du dossier que cette femme de 93 ans présentait une certaine vulnérabilité», a martelé sa représentante en se référant au rapport d’expertise évoquant une «victime facile à manipuler et à escroquer».
«Il a tiré un sacré profit de la situation», a-t-elle conclu avant de requérir quatre ans de prison et une amende contre le quadragénaire qui se trouve actuellement en détention préventive. Vu son absence de repentir et son casier judiciaire, elle s’oppose à ce que la peine soit assortie d’un sursis. Me Marc Lentz, qui représente la victime, s’est constitué partie civile. Il réclame près de 42 000 euros au titre du préjudice matériel et 2 000 euros pour le préjudice moral.
Prononcé le 21 juin.
Fabienne Armborst