Créé il y a un an et demi, le club de rugby d’Esch gagne en effectif. Une équipe ultra-motivée qui s’entraîne par tous les temps.
La nuit est déjà tombée et le terrain d’entraînement de la Jeunesse d’Esch brille de tous ses projecteurs. Mais en ce jeudi soir, les fans de ballon ovale ont remplacé les footballeurs. Créé il y a un an et demi, le Rugby Club d’Esch, surnommés les Furets, s’entraîne deux fois par semaine avec une assiduité déconcertante dans laquelle on décèle aussi pas mal de folie. Rien ne semble les arrêter, pas même cette mi-janvier où l’hiver a décidé de faire son grand retour. Malgré la neige qui recouvre le terrain et un thermomètre plaqué aux alentours des -5 °C, une quinzaine de gaillards, dont certains en short, s’activent sur le terrain.
Un joli effectif quand on sait qu’il n’y a même pas deux ans, les rangs des Furets se comptaient sur les doigts d’une main : Joël, Jim et Luigi. C’est avec ces trois-là que l’idée d’une équipe du rugby eschoise a vu le jour. Comme beaucoup de grands projets, celui-ci est né dans un bar, un soir d’août 2022. «On s’est retrouvé pour boire un verre à Esch, se souvient Joël, le coach. On discutait rugby et on se disait que ça manquait d’équipe dans le sud du Luxembourg.» Quelques mois plus tard, en novembre, le premier entraînement a lieu au parc Um Belval avec 5-6 joueurs. «Mais ensuite, durant l’hiver, on n’était que trois à jouer.»
«Une vingtaine de gugusses !»
Très vite, heureusement, le club va prendre de l’ampleur. La mairie leur met à disposition deux terrains, celui de l’US Esch Lallange pour les entraînements du lundi et celui de la Jeunesse pour la session du jeudi. De quoi leur offrir des conditions plus adaptées qu’à leur début. «Quand on jouait dans le parc, c’était à l’arrache, raconte Jim. On venait en van avec le matériel, puis on traçait nous-mêmes des lignes.»
Si les conditions actuelles restent toujours un peu spartiates, elles ont tout de même aidé le club à se structurer. Les terrains synthétiques leur permettent même de s’entraîner toute l’année, peu importe les conditions météo. «Aujourd’hui, on a une vingtaine de gugusses, presque 30 !, se réjouit Joël. Il y a même quelques femmes, c’est important.» Assez nombreux pour former une équipe, les rugbymen sont toujours à la recherche de nouveaux talents quel que soit leur horizon. «On a besoin de tous les gabarits. Beaucoup d’anciens footballeurs nous ont rejoints. Ceux qui sont venus ne sont jamais repartis.»
On prend quand même vraiment cher sur le terrain
Habitués à devoir partager le terrain avec la Jeunesse d’Esch, les Furets peuvent profiter, ce jeudi soir, d’un espace de jeu plus conséquent. Face à la neige, les footeux ont déclaré forfait. Les entraînements ont permis à chacun, pour la plupart débutants, d’apprendre les bases du rugby ainsi que ses règles. Les gestes ne sont pas encore dignes des professionnels, mais la petite équipe a déjà bien progressé en quelques mois. «On a plus galéré avec les oppositions, reconnaît Jim. Mais il y a eu une montée en niveau. Aujourd’hui, ça ressemble à du rugby.»
Premiers tournois au printemps
Il faut reconnaître que dans un pays où les valeurs de l’ovalie ne sont pas extrêmement ancrées, la concurrence n’est pas nombreuse. «Nous sommes la troisième équipe de seniors», rappelle Joël. Le Luxembourg compte effectivement plusieurs équipes de jeunes, mais les adultes restent sous-représentés avec seulement des structures à Luxembourg et à Walferdange. Aucun tournoi ni championnat n’existent actuellement au Grand-Duché, obligeant les équipes à jouer en Allemagne ou en Belgique. «C’est assez compliqué d’organiser du rugby à XV.» Mais les Furets comptent bien faire évoluer les mentalités. Déjà reconnus par la Fédération luxembourgeoise de rugby (FLR), ils disputeront leurs premiers tournois, au printemps, de l’autre côté de la frontière. «Ce sera vraiment le premier match pour beaucoup. Mais ça va être génial, ça va arriver très vite.»
Quelle que soit l’issue de ces premières confrontations, le but pour les Furets restera de passer un bon moment et de partager cette aventure entre potes. «On s’en fiche de savoir qui va marquer les autres. On est là pour jouer ensemble et emmener le ballon. On trouve rarement ça dans d’autres sports.» Bien sûr, même sans faire de match, la fameuse troisième mi-temps est déjà de la partie dans les plannings de l’équipe. Les Furets se retrouvent souvent en-dehors des entraînements lors de «sorties extra-sportives» comme l’explique si bien Joël. Une façon pour le moins élégante de dire «sortir et faire la fête». «Mais c’est important aussi, parce qu’on prend quand même vraiment cher sur le terrain.»
Pourquoi les Furets ?
«C’est toujours la première question qu’on nous pose !», s’exclame Joël. Il faut avouer que le furet n’est pas la première mascotte à laquelle on pense pour une équipe de rugby. Le mustélidé s’est pourtant rapidement imposé dans l’esprit des trois fondateurs. «On voulait un animal du coin, on ne se voyait pas s’appeler les Sharks d’Esch.» Il y avait bien les sangliers, mais le surnom était déjà réservé par les basketteurs de Wiltz. Intelligent et sympathique, le furet est alors arrivé dans les débats et n’est plus reparti. «Aujourd’hui, on nous appelle plus les Furets que le Rugby Club d’Esch, même à la fédération.» L’animal a même intégré le logo du club, lui aussi rapidement établi par l’équipe. «Il est beau, notre logo, moi, je ne veux plus jamais y toucher.»
Le club de trois copains
SI l’on dénombre désormais plus d’une vingtaine de Furets, tout a commencé avec seulement trois spécimens. C’est l’amitié entre Joël, Jim et Luigi qui a servi de fondations aux premières bases du club. Joël est celui qui a initié le mouvement. «Moi, j’ai découvert le rugby à la fac, raconte-t-il. Puis j’ai joué à Walferdange jusqu’au covid.» Prof de sport de Luigi au lycée, des années auparavant, il a été le premier à lui mettre un ballon ovale dans les mains. «Quand on s’est retrouvé y’a deux ans, il m’a proposé de refaire du rugby, ajoute Luigi. Je me suis dit pourquoi pas et depuis je suis mordu.» Mais des trois gaillards, celui qui est complètement tombé dedans, c’est bien Jim. «Je jouais au foot, mais j’ai pris du poids», explique-t-il. Le rugby semblait tout indiqué, surtout pour celui qui aimait «mettre des coups» de son propre aveu. Désormais, il ne rate plus un match du championnat français, le Top 14 comme la Pro D2, et arbore aussi bien un tee-shirt du Stade toulousain qu’un bonnet du RC Toulon. Des choix vestimentaires qui lui valent quelques moqueries. «Moi, je ne cautionne pas !», rigole Joël.