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Esch : la rue de l’Alzette cherche un nouveau souffle


Ces dernières décennies, les cellules vides se sont multipliées, mais la ville espère régler le problème grâce à la gestion locative commerciale.

Jadis florissante, la rue de l’Alzette a perdu une bonne partie de sa vitalité. Face à ce problème, la commune a décidé de se doter de nouveaux outils. Pour un résultat qui se fait encore attendre.

Longue de plus de 900 mètres, elle est la plus grande rue piétonne du Luxembourg. Si elle conserve aujourd’hui une certaine vitalité, la rue de l’Alzette, à Esch, n’a plus le même éclat que par le passé. Concurrencée par les grandes zones commerciales puis l’essor du commerce en ligne, elle a vu les boutiques historiques et familiales déserter peu à peu ses grands immeubles du début du XXe siècle. Aujourd’hui, plus d’une quinzaine de cellules ont baissé le rideau. «Je suis ici depuis 20 ans et ça a beaucoup changé, soupire Fabienne Giovagnini, responsable de la parfumerie Paris 8. Il y a eu beaucoup de fermetures de commerces et c’est bien dommage.»

Mais depuis l’arrivée de la coalition CSV-DP-déi greng en 2017, reconduite aux dernières élections communales, la Métropole du fer tente une nouvelle stratégie pour revitaliser son centre historique. Baptisé Claire (Concept local d’activation pour la revitalisation commerciales d’Esch), ce dispositif a pour but de mettre en lien des commerçants avec les propriétaires de locaux vides. «En 2017, nous avons constaté que la rue de l’Alzette n’allait pas trop bien, c’était d’ailleurs l’un de nos sujets de campagne, se remémore Pim Knaf, échevin à l’Économie. On a alors créé un département économique indépendant.»

La commune est ensuite allée visiter d’autres villes pour s’inspirer de leurs concepts avant de se lancer dans un état des lieux des différents propriétaires et de ce qu’ils demandaient comme loyer. «L’idée était de rencontrer ces gens, de les connaître pour pouvoir les mettre en rapport avec d’éventuels investisseurs ou commerçants.» Claire est alors créée pour offrir plusieurs instruments afin de redynamiser la rue commerciale en perte de vitesse.

Un nouvel outil : la gestion locative commerciale

Les pop-up stores (voir encadré) ont fait partie des premières mesures, tout comme l’Escher blog, servant à promouvoir les magasins existants, ou encore la bourse des locaux inoccupés (un site internet qui permet de voir quelles sont les surfaces commerciales disponibles ainsi que leurs caractéristiques). Dans la même idée, afin de mettre en avant les espaces à louer tout en masquant les vitrines vides, des vitrophanies ont été appliquées sur certaines devantures pour préciser la surface des cellules ainsi que la manière dont il est possible de les agencer.

Quelque temps après, une prime aux nouveaux commerces, qui peut aller jusqu’à 25 000 euros, a été mise en place suivie, à l’inverse, d’une taxe sur les locaux vides. «Le ministère des Affaires intérieures doit encore l’approuver, car le prélèvement de taxes est contrôlé de manière plus méticuleuse.» Une fois celle-ci validée, la ville pourra imposer les propriétaires qui laissent leurs locaux à l’abandon, soit en ne les mettant pas sur le marché, soit en demandant des loyers prohibitifs. «Cela contribue à dévaloriser l’image de la ville.»

Depuis quelques semaines, un nouvel outil s’est ajouté à cet arsenal : la gestion locative commerciale. «À ce stade, elle ne concerne que la rue de l’Alzette et non les rues transversales», prévient Christian Bettendorff, chef du département des affaires économiques. Votée en conseil, celle-ci débloque un budget permettant à la ville de louer des locaux afin de les sous-louer derrière à un prix plus attractif. «Nous allons intervenir comme intermédiaire en prenant en charge une partie du loyer sur une période limitée», précise Pim Knaf. D’un côté, le propriétaire bénéficiera avec la commune d’un partenaire fiable, de l’autre le commerçant ne paiera que les deux tiers du loyer pendant un an, puis cinq sixièmes l’année suivante avant d’en régler la totalité directement au propriétaire lors de la troisième année. Huit cellules ont été identifiées comme pouvant bénéficier de la gestion locative commerciale, mais le budget alloué ne pourra en prendre en charge que trois ou quatre. «Ce sont surtout des locaux avec des très faibles aménagements à faire», ajoute Christian Bettendorff.

Les commerçants intéressés devront déposer une candidature et seront départagés par un jury, incluant l’opposition communale, qui choisira le meilleur projet pour la ville. La proposition devra répondre à certains critères, notamment sur ce dont Esch a besoin. «Beaucoup de monde réclame un magasin de sports.» Les magasins de chaussures reviennent aussi dans la bouche de plusieurs commerçants. Certains locaux peuvent être mis à la disposition d’associations, c’est le cas en ce moment pour l’ancien Sephora qui accueille une exposition de Caritas. À défaut de commerce, cela permet au moins d’animer un espace vide et de générer du flux.

«Devenir un lieu de rencontre»

L’intervention de la ville comme entremetteuse peut prendre des formes variées selon les situations. «On peut avoir un porteur de projets qui vient et on essaye selon son business plan de canaliser ses idées et de l’accompagner dans le processus, indique Christian Bettendorff. Souvent, nous les aidons à chercher des locaux adaptés, mais parfois, nous intervenons quand il y a des problèmes de mise en conformité.» La vétusté et le non-respect des normes de sécurité sont souvent l’une des raisons pour lesquelles un bien ne peut plus être loué. Si la ville ne peut agir directement dessus, elle tente de trouver des solutions avec les propriétaires en leur expliquant ce qu’ils devraient faire.

À l’aube de ce nouveau mandat, la ville semble récolter les premiers fruits de Claire. «Cette année, nous avons conclu une affaire avec la nouvelle salle de fitness qui a ouvert récemment, ainsi que deux autres contrats», détaille Dylan Soarez, chargé du développement économique. Mais de l’aveu des commerçants eux-mêmes, les changements peinent à se faire sentir. «Il n’y a plus grand-chose ou presque. Après le covid, beaucoup de magasins ont fermé», se désole Sandra Fernandes, vendeuse chez Paprika. «On manque de beaucoup de choses», ajoute Fabienne Giovagnini. Tous reconnaissent que les loyers sont bien trop chers, la gestion locative commerciale arrive donc à point nommé selon certains. «On peut aussi entamer des négociations avec les propriétaires quand le loyer est trop élevé. Mais on ne peut jamais être sûr du résultat», rappelle Christian Bettendorff.

Si la bonne volonté et les idées ne manquent pas, la rue de l’Alzette n’est donc pas encore sortie d’affaire. Mais la solution est peut-être de proposer un projet différent à cette artère historique. Si elle ne peut plus forcément faire face aux nouvelles habitudes de consommation, elle peut trouver un nouveau rôle. Une idée qui trotte dans la tête de Christian Weis. «Il faut faire abstraction de cette idée que le centre d’Esch pourra rester le même qu’il y a 20 ou 30 ans, reconnaît le bourgmestre. On n’aura plus jamais une rue avec que des magasins, mais je pense que la rue de l’Alzette peut devenir un lieu de rencontre où on passe tout simplement son temps.»

À travers le projet Claire, Christian Bettendorff, chef du département des affaires économiques, peut aider les commerçants à s’installer rue de l’Alzette en les mettant en lien avec des propriétaires.

Tester le marché grâce aux pop-up stores

Devenus incontournables dans les grandes villes et les centres commerciaux, les pop-up stores ont fait leur arrivée à Esch. Le but est de permettre aux petites entreprises de tester un produit, mais aussi d’aider de plus grosses à réaliser des études de marché. Deux modèles sont proposés : l’un à court terme, pouvant durer jusqu’à 12 semaines, l’autre longue durée, de 6 à 9 mois. L’idéal est évidemment que le commerçant reste ensuite dans le centre-ville, aux commandes de sa propre boutique. En ce moment, c’est Miranda Vânia avec son entreprise d’articles pour bébés et de décoration faits main, Baby Sweetness, que l’on retrouve dans le local. «Mon objectif est de faire connaître ma marque et de réaliser des statistiques sur mes prix. Je peux aussi rencontrer des gens et faire connaissance!» Pour elle, la location d’un pop-up store est une bonne alternative face aux loyers trop chers du centre-ville. Mais elle n’exclut pas un jour de s’installer plus durablement. «Je vais encore essayer le Belval Plaza avant.»

À ses côtés, Marianne Ries et sa boutique de décoration, Marianne’s Deco shop, est une habituée du pop-up store : «Je suis déjà venue l’année dernière et cette fois, je reste douze semaines.» Pour elle aussi, les loyers sont trop élevés. «Il faut trop investir», regrette-t-elle.

À la recherche de grandes enseignes

Pour trouver de nouveaux porteurs de projets, l’équipe de Christian Bettendorff participe régulièrement à des foires de franchiseurs comme le Marché international des professionnels de l’implantation commerciale (Mapic) à Cannes. La commune a alors la possibilité de discuter avec des grandes marques afin de les inciter à venir dans la Métropole du fer. «Nous n’en avons pas encore eu. Soit parce que nous n’avons pas la masse critique, soit à cause d’un pouvoir d’achat moyen peu élevé», regrette Pim Knaf. «Et il y a une difficulté supplémentaire, ajoute Christian Bettendorff. On doit encore trouver aussi le franchisé, la personne qui va investir dans la franchise.» Ces enseignes sont pourtant des locomotives qui attirent une large clientèle susceptible de continuer ses achats dans d’autres commerces plus locaux.

Un commentaire

  1. Marcel Goeres

    Qu’on remplace enfin ces horribles lampadaires qui font mal aux yeux et qui créent une ambiance de dissymétrie