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Esch : cafouillages dans l’inventaire du patrimoine


Le bourgmestre d’Esch-sur-Alzette n’a pas indiqué dans son PAG tous les immeubles et les ensembles protégés. Ça pose un problème au directeur de l’INPA. (Photo : archives lq/isabella finzi)

Pour l’inventaire du patrimoine, qui doit être réalisé commune par commune,d’ici à une bonne dizaine d’années, les méthodes sont discutables. Le premier couac concerne le bourgmestre d’Esch.

Une récente petite polémique entre le directeur de l’Institut national pour le patrimoine architectural (INPA, anciennement le Service des sites et monuments nationaux), Patrick Sanavia, et le bourgmestre d’Esch-sur-Alzette, Georges Mischo, rappelle au bon souvenir de la loi sur le patrimoine votée en février dernier par les députés.  Le directeur reproche à la commune d’Esch d’avoir fait mention de 790 bâtiments classés dans son dernier plan d’aménagement général (PAG), alors que l’INPA en recense 23 dans son inventaire.

Pour illustrer son propos, Patrick Sanavia, qui s’exprimait dans les colonnes du Wort, cite la rue Würth-Paquet qui mérite d’être protégée comme ensemble architectural, mais qui ne semble pas l’être du tout, selon lui. Le député-maire d’Esch-sur-Alzette, Georges Mischo, n’a pas tardé à lui répondre au micro de RTL radio, pour dire que sa commune n’avait pas classé 790 bâtiments, mais près de 3 600 au total, sauf que tous n’apparaissent pas dans le PAG, mais dans l’une des sept catégories retenues par la commune, comme les monuments nationaux ou les ensembles dignes d’être conservés. Selon lui, la rue Würth-Paquet en fait partie. «Tous ne sont pas protégés dans le PAG», reconnaît le bourgmestre.

Un « filet de sécurité »

Voilà qui ne va pas arranger la réalisation de l’inventaire unique que compte mettre en place le ministère de la Culture dans les dix ans à venir. L’avocat spécialiste en droit immobilier Me Georges Krieger avait fortement critiqué le projet de loi sur son blog, en commençant par se demander pourquoi, depuis 1983, date du début des opérations de classement, les autorités n’avaient pas réussi à faire le tour des constructions réellement dignes de protection.

En attendant, la nouvelle loi instaure un régime transitoire dit «filet de sécurité» visant à éviter qu’un bien susceptible d’être classé ne soit démoli avant qu’un inventaire du patrimoine architectural ne soit validé par règlement grand-ducal pour une commune déterminée. Tout propriétaire d’un bien classé «construction à conserver» par le plan d’aménagement général d’une commune est obligé de signaler au ministère de la Culture tout projet de démolition totale ou partielle, ou de transformation du bien, jusqu’à l’adoption d’un inventaire du patrimoine architectural pour ladite commune.

 » les droits des administrés ne cessent de se réduire « 

Même si un bien n’est pas repris comme construction à préserver dans le PAG d’une commune, le ministre se réserve le droit de recourir à une procédure de classement individuel jusqu’à l’adoption de cet inventaire. Plus généralement, cette nouvelle procédure réglementaire prive les propriétaires des immeubles concernés du bénéfice de la procédure administrative non contentieuse. Pour les propriétaires, cela signifie qu’ils ne recevront plus l’information préalable, par courrier recommandé, de l’existence d’un projet de classement et n’auront plus la possibilité de faire valoir leurs observations avant la prise de décision.

«Le choix de procéder à des classements « à la pelle » par le biais d’actes réglementaire ne surprend cependant guère alors que les droits des administrés ne cessent, ces dernières années, de se réduire au profit de pouvoirs toujours plus libres et plus étendus de l’État et ses administrations», regrettait Me Krieger quand le projet de loi a été présenté.

Privé de subventions

«La transition d’un système de classement individuel à une procédure règlementaire est extrêmement préjudiciable du point de vue des droits des propriétaires des biens dont le classement est envisagé ou qui sont repris dans un secteur protégé d’intérêt national», insistaient, à leur tour, Me Di Stefano et Me Martin sur leur site.

Le directeur de l’INPA, qui critiquait la façon de faire du bourgmestre d’Esch, rend attentif à un autre point. Les immeubles qui ne sont pas protégés dans les règles de l’art ne peuvent pas être éligibles à des subventions de la part du ministère. L’immeuble doit donc, selon Patrick Sanavia, être mentionné dans le PAG pour bénéficier d’une protection, donc d’une éventuelle subvention.

Tout n’est pas encore très clair et la simplification administrative ne semble pas avoir complètement fonctionné dans ce domaine. Les juridictions administratives avaient relevé que la nouvelle loi, qui instaure des secteurs protégés d’intérêt national, non intégrés dans les PAG, introduit une innovation «a priori incohérente avec la volonté affichée de sécurité juridique accrue et, en tout état de cause, contradictoire avec la recherche de simplification administrative».