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Esch au cœur de la finale Portugal-France


Supporters de la Seleção ou des Bleus, les Eschois racontent leur amour du maillot. (Photos Hubert Gamelon)

La finale de l’Euro va se jouer comme un derby fraternel entre le Portugal et la France, ce dimanche. Avec en toile de fond, le creuset des peuples qu’est Esch-sur-Alzette.

Esch-sur-Alzette ne pouvait pas rêver mieux : avec 35% de la population portugaise (85% dans les rues les plus au sud de la commune), le match de foot contre le voisin français s’annonce relevé. Supporters des Bleus ou de la Seleção, les Eschois racontent leur amour du maillot.

Joao : la valise morale de l’immigré

490_0008_14622616_finaleuro1Nous avons croisé Joao, 60 ans, dans le vibrant quartier des Terres Rouges. Premier port d’attache des immigrés depuis plus d’un siècle, voici l’Ellis Island d’Esch-sur-Alzette. C’est ici que l’on s’oublie pour s’ancrer dans une nouvelle vie. Mais le voyageur emmène toujours un peu de terre sous ses souliers, qui se mêle à la terre rouge, et qui nous donne envie de pleurer. Le vague à l’âme, saudade, prend alors le dessus.

Ça fait bientôt 30 ans que Joao vit au-dessus du Fortuna, fameux bar rescapé de la sidérurgie. Dixit les anciens, il y avait « au moins 20 cafés » dans la rue Bausch à la grande époque. Le zinc est devenu sa deuxième maison. Il nous faut un traducteur pour poser les questions. Mais le regard bleu azur du maçon parle tout seul. Joao espère que « l’homme aux nattes », Renato Sanches, va emballer le match. Il regardera la finale avec ses amis du café sur deux télés, avec des grillades à volonté. En pensant très fort à son pays, qu’il n’a pas revu depuis six ans, « pour des questions de temps », dit-il, usé par les années sur les chantiers. Le Portugal éternel de l’ancienne génération vibre encore dans ce quartier le plus à la frontière de la ville.

Café Stage :«Ronaldo va sortir le match»

490_0008_14622621_finaleuro6On est surpris en entrant dans le bar de la rue du Canal, car Joao tient le comptoir du haut de ses 18 ans. Flanqué de ses potes Fabio et Carlos, il annonce la couleur : « Ronaldo va sortir le match de sa vie. » Les trois amis préparent une soirée d’anthologie. « Les bières à un euro, l’écran géant, la musique… tout ! » Le parcours chaotique du Portugal ? « Ça s’appelle de la gestion de match », sourit Carlos, en étude de mécano au lycée de Longwy.

Ici, le drapeau lusitanien flotte partout. Fabio, 16 ans, fraîchement débarqué du Portugal, se fait un plaisir de l’expliquer : « Le vert est la couleur de l’espoir, le rouge d’un chef important qui a perdu la vie pour la patrie (NDLR : révolte républicaine de 1891) . Le blason au milieu, c’est plus compliqué à raconter. » Le français du jeune homme est presque parfait. « J’ai appris en quatre mois, en m’y mettant à fond. » L’un des murs du bar est tapissé d’un drapeau luxembourgeois. « Il le faut, pour éviter le racisme. » À part Fabio, qui souhaite retourner au pays un jour, la bande se sent ancrée au Grand-Duché. « On peut mener des projets ici, au Portugal, la vie est très rude. »

Evan : il veut le maillot de Griezmann

490_0008_14622618_finaleuro3Quand on croise Evan, 4 ans, avec sa maman sur la place du Brill, le bambin montre son numéro 9 dans le dos. « En fait, c’est le 7 qu’il me faudrait. » Celui d’Anthony Griezmann, meilleur buteur des Bleus avec six réalisations. Evan est persuadé que «Grizi» va encore frapper…

« Mon enfant est franco-luxembourgeois , explique sa maman. Dimanche il y aura du monde à la maison, j’espère qu’il ne sera pas déçu. » Pour la photo, Evan se met à courir à la façon d’un joueur qui vient de marquer. Déjà une petite star !

 

Carlos : «La France, quelle équipe !»

490_0008_14622617_finaleuro2Sacré personnage ce Carlos ! Vingt-huit ans, la double nationalité luxembourgeoise (« mon pays, qui me permet de réaliser mes rêves ») et portugaise… mais question foot, à 100% Bleu ! « C’est depuis France 98, Zidane, Desailly… j’ai un neveu qui s’appelle Zidane vous savez ?

» Entraîneur de Cabo-Lux, une équipe de Capverdiens, Carlos est un fin limier du football. « Les Bleus sont au top, solides en défense et capables de se projeter rapidement en contre-attaque. » Carlos évoque un état d’esprit « résolument optimiste des Français, notamment des médias, qui tranche avec le passé ».

En attendant ce dimanche soir, il continuera à porter fièrement son maillot bleu, avec une élégance toute africaine : coupe nickel, épaules carrées, sourire d’acier…

Hubert Gamelon