Face au défi de la «fast fashion», le Luxembourg accueillera la semaine prochaine sa cinquième «Fashion Revolution Week» pour dénoncer les abus de l’industrie de la mode.
Nous l’avons vu au cours des dernières semaines, la surconsommation de textiles, et plus particulièrement de vêtements, est un problème majeur mondial qui touche aussi le Luxembourg. Une majeure partie des déchets textiles du pays est en effet vendue sur le marché de l’occasion à l’étranger (lire notre épisode 5) et contribue à la pollution massive mondiale.
Un triste constat qui a poussé le Luxembourg, il y a quelques années, à participer au mouvement international «Fashion Revolution Week». Depuis 2017, le Grand-Duché s’engage ainsi aux côtés de 88 autres pays lors d’une semaine dédiée au mois d’avril pour dénoncer les abus liés à l’industrie de la mode.
Ce mouvement est né en 2013, à la suite de l’effondrement des ateliers du Rana Plaza au Bangladesh, le 24 avril. Ce bâtiment de huit étages abritait plusieurs ateliers de confection travaillant pour diverses marques internationales de vêtements, comme Primark ou encore Mango : il s’est effondré, causant la mort de 1 134 personnes. Des consignes d’évacuation données la veille, après l’apparition de fissures, avaient été ignorées par les responsables des ateliers.
«Ce triste événement est très lié à notre surconsommation de vêtements», explique Ana Luisa Teixeira, membre de Caritas et participante de la «Fashion Revolution Week» au Luxembourg. «Il y a toujours plus de pression à produire davantage de vêtements et cette catastrophe nous rappelle ô combien cela peut être dangereux.»
À travers la «Fashion Revolution Week», le mouvement cherche ainsi à s’engager en faveur d’une industrie textile plus éthique et des modes de consommation plus responsables sur les plans environnemental et social. L’événement rassemble associations et ONG partenaires, économistes, chercheurs et professionnels du textile pour des rencontres et des ateliers ouverts au public et destinés à imaginer ensemble les actions à mener, qu’elles soient citoyennes ou politiques.
«L’idée est de montrer qu’il y a des humains derrière cette surconsommation, que vos achats, alors que vos garde-robes sont déjà pleines, ont un impact humain aussi derrière. On ne veut pas vous faire culpabiliser, mais on essaie de thématiser le problème en montrant des solutions», souligne Ana Luisa Teixeira. Si en 2017 et 2018, le Luxembourg avait sensibilisé le public à travers des flashmobs, puis en 2019 avec une exposition photo, cette année, l’association Rethink your clothes propose trois ateliers à suivre du 18 au 24 avril.
Un «Lunch talk» aura ainsi lieu le 21 avril à 12 h 15 chez Friendship Bangladesh, dans la capitale, en compagnie de membres du mouvement international «Fashion Revolution». Un atelier de surcyclage (upcycling) se tiendra le même jour à 18 h au Casino et un vide-dressing aura lieu le samedi 23 avril sur la place du Théâtre à Esch-sur-Alzette, avec de nombreuses associations.
«Nous avons constaté un vif intérêt pour l’upcycling ces dernières années. Nous avons de plus en plus de demandes pour ce type d’atelier, pour la couture également, et ce, quelles que soient les catégories d’âge», se félicite la coordinatrice des programmes de Caritas.
Trouver des alternatives
L’édition mondiale 2022 de la Fashion Revolution Week aura pour thème «Money Fashion Power», une façon de dénoncer «un cycle toxique de surconsommation» créé par les grandes marques et détaillants de l’industrie du vêtement, au détriment des droits fondamentaux des travailleurs et de la protection de l’environnement. Pour Orsola de Castro, cofondatrice et directrice créative de Fashion Revolution, il s’agit «d’exposer les profondes inégalités et les abus sociaux et environnementaux dans les chaînes d’approvisionnement de la mode» et promouvoir de «nouveaux designers et penseurs inspirants qui défient le système avec des solutions et des modèles alternatifs», peut-on lire dans un post Instagram de Fashion Revolution France.
Un événement porté par les slogans #WhoMadeMyClothes et #WhatsInMyClothes qui entendent replacer l’humain et la planète au centre des considérations de l’industrie textile.
Trois questions à se poser durant cette «Fashion Revolution Week»
Les créateurs de ce mouvement poursuivent depuis neuf ans leur travail de sensibilisation sur les réseaux sociaux afin de toucher notamment la jeune génération. À l’occasion de cette «semaine de la révolution de la mode», ils posent trois questions, simples, pour faire entendre leur propos :
1. La personne qui a confectionné vos vêtements gagne-t-elle un salaire décent?
2. Combien avez-vous payé pour *insérer votre vêtement préféré ici*? Et combien vaut-il pour vous?
3. À quoi ressemblerait le monde si les marques restauraient les systèmes au lieu de les épuiser?
Les six épisodes de notre dossier complet
Cet épisode est le dernier consacré à notre série sur les déchets textiles au Luxembourg. Pour rappel, dans l’épisode 1, vous avez découvert que l’équivalent de 95 t-shirts étaient jetés chaque minute dans le pays. Dans l’épisode 2, nous vous avons emmené à la découverte du centre de tri national, le Spëndchen, qui tente de recycler le plus possible localement. L’épisode 3 vous a fait découvrir le surcyclage luxembourgeois façon Benu. L’épisode 4 vous a permis d’avoir une vision plus philosophique de vos rapports aux vêtements : consommer moins ne vous rendrait-il pas plus heureux? L’épisode 5, enfin, était consacré à comprendre comment fonctionne l’export des 275 tonnes de déchets textiles luxembourgeois sur le marché de seconde main à l’étranger, avec l’association Jongenheem.
La question des déchets textiles ne peut être exhaustive en seulement six épisodes. Mais cette série n’aura eu d’autre prétention que celle de nous faire réfléchir, collectivement, à notre consommation de vêtements et à son impact sur le monde.