Après avoir chanté devant 200 millions de téléspectateurs à l’Eurovision, Bilal Hassani reprend ses repères. Rencontre avec un jeune homme bien dans sa peau qui, à 19 ans seulement, fait preuve d’une solide maturité.
Son titre Roi a porté au-delà des frontières un message d’amour, de respect et de bienveillance. Avec son album Kingdom et une tournée en préparation, le chanteur et YouTubeur est sur tous les fronts. De passage en Lorraine récemment, il nous a accordé un entretien.
Comment vous sentez-vous après l’Eurovision ?
Je me sens super bien. Je suis un peu triste que ce soit fini car c’était une aventure incroyable. J’ai rencontré des gens que j’adore et un peu comme dans une colonie de vacances, peut-être que je ne les reverrai jamais. En tout cas, j’ai passé un moment assez fou. Je commence à reposer les pieds sur terre, à reprendre mes repères et mes habitudes.
Quel est votre meilleur souvenir ?
Ce sont les rencontres artistiques, que ce soit avec Marika Prochet, ma metteure en scène, Julia Spesser, ma chorégraphe et mes deux danseuses, Lizzy Howell et Lin Ching Lan. Je les ai rencontrées à Tel Aviv pour cette aventure et j’espère vraiment que l’on va se revoir. Elles sont devenues des copines. Je retiens aussi les rencontres faites avec les candidats des autres pays et je pense à Mahmood pour l’Italie, à Duncan pour les Pays-Bas et qui a gagné.
Que pensez-vous de sa victoire ?
Déjà c’est un garçon adorable, vraiment gentil. On sentait pendant la semaine qu’il se passait quelque chose autour de sa chanson. On l’avait un peu tous en tête et c’est un très beau titre. Sa victoire était assez évidente pour tout le monde.
De nombreux artistes vous ont soutenu, Aya Nakamura, -M-, Chimène Badi… Cela vous a touché ?
Oui bien sûr. Cela m’a fait très plaisir. J’ai aussi été très surpris de voir que Shy’m avait fait un post Instagram le jour de l’Eurovision pour me soutenir. Elle a pris une photo de ma tête et a écrit un très beau message. Ce sont des choses assez impressionnantes pour moi car ce sont des artistes que j’admire.
Parlons de votre album Kingdom. Il est très dansant. C’était voulu dès le départ ?
Je fais les choses selon mon humeur et depuis pas mal d’années, la mienne est assez joviale. J’aime danser, retrouver mes potes et m’éclater avec eux. J’ai ramené beaucoup d’éléments pop et dance dans l’album. Il y a aussi une certaine complexité d’harmonies, un peu plus RnB car ce sont des influences musicales que j’ai depuis tout petit. J’ai vraiment mélangé tout ce qui me fait kiffer.
On découvre des textes assez personnels. Était-ce une façon de livrer vos états d’âme ?
Avant que ces textes ne deviennent des chansons, ils étaient des poèmes. J’ai toujours écrit et j’ai toujours aimé le faire pour m’exprimer. Je suis certes extraverti mais je cache aussi beaucoup ce que je ressens. Je n’arrive pas à le mettre en phrases lors d’une conversation, dire que je suis triste, content et pourquoi. Un poème, une chanson sont plus simples pour moi. C’est un peu comme un pont pour m’exprimer. Je raconterai toujours mes histoires ainsi.
Est-ce qu’un titre comme Jaloux est une réponse en musique aux « haters » ?
Je ne réponds jamais aux autres quand il s’agit de quelque chose de négatif. Dans ce cas des « haters », qui représentent le négatif maximum, je ne m’adresse pas à eux mais à moi-même. Je me dis de ne pas devoir les calculer, que ce sont tous des jaloux et que je ne dois pas les écouter. Ce n’est pas quelque chose que j’applique toujours car il m’arrive de les écouter quand ils me disent que je ne chante pas bien, que je suis nul…, mais à chaque fois que je chante ce morceau, c’est pour moi un rappel au fait que je ne dois pas les prendre en compte. En plus, ils ne méritent pas autant d’attention.
Avez-vous eu l’impression que ce disque a été réalisé rapidement ou qu’il est la concrétisation d’un long processus ?
C’est l’aboutissement de quelque chose de long et que le public n’a pas vu. Avant « Destination Eurovision », je n’étais pas reconnu par grand monde. J’avais mes followers sur les réseaux sociaux et pour eux, l’album n’a pas été fait rapidement car cela fait très longtemps qu’ils l’attendent. Depuis deux ans, je sortais des titres, que je partageais sur mes stories, des moments où j’écrivais, où je composais… Je suis arrivé à un premier rendez-vous avec mon label et j’avais 200 démos. On a gardé dans ce disque beaucoup de ces éléments préparés pendant ces années.
C’est un premier album assez riche, avec quinze titres. Avez-vous un préféré ?
En ce moment, je dirais que c’est Basic car je commence à le faire en live et je le trouve vraiment très cool.
C’est le prochain single ?
Le nouveau single est Jaloux depuis très peu de temps donc on va continuer à le faire vivre encore un peu (Rires). Il le mérite car c’est un titre dansant, qui a un bon message et qui me plaît beaucoup.
Est-ce que vous avez eu peur pendant l’Eurovision que le message que vous portez prenne plus de place que votre musique ?
Non car le morceau est très fort, mais il fallait que le message le soit aussi car c’était mon objectif. La musique est comme un vaisseau. Dans celui-ci, il y a le message et le vaisseau doit aller jusqu’au destinataire pour livrer le message. Mon intérêt était d’utiliser mon morceau pour me présenter et exprimer ce que je voulais. Quand la chanson est sortie le 4 janvier dernier, je me suis rendu compte que le message me dépassait complètement et qu’il atteignait des gens d’horizons très différents. De plus, j’ai vu qu’il pouvait les porter et les aider à se sentir plus forts.
Vous préparez une tournée. Comment l’appréhendez-vous ?
J’ai vraiment hâte. Je pense que ce sera vraiment cool et ce qui est très positif est que j’adore travailler, il y a beaucoup de préparations, de détails à voir, de choses à contrôler car j’aime tout contrôler (Rires). J’aime regarder, superviser et c’est vraiment propre à ceux qui sont du signe de la vierge. Je pense que ce sera une expérience très enrichissante.
Quel est selon vous le public qui viendra vous voir en concert ?
Je pense qu’il y aura des parents qui vont emmener leurs enfants, des adultes également qui m’ont découvert à l’Eurovision et qui ne connaissent que Roi et j’espère aussi que certains curieux vont se procurer des billets pour le spectacle sans vraiment me connaître. Je pense que les gens pourront ainsi découvrir qui je suis vraiment car on me donne une 1h30 sur scène avec mes titres.
Et votre nom en lettres rouges sur l’Olympia ?
Je ne me rends pas compte. Je pense que le jour où je vais me pointer devant l’Olympia et que je vais voir ça, je vais faire un malaise. C’est fou… De plus, ce sera le tout premier concert de ma tournée. Il n’y en a même pas un ou deux avant, je commence directement avec cette salle.
Vous faites un peu de moins de vidéos sur YouTube. Est-ce par manque de temps ?
Oui un peu, mais je continue quand même. Je suis en train d’essayer de mettre en œuvre des choses. On a aussi fait un documentaire réalisé par Camille Barné et diffusé sur France 2. C’était un très bon travail et j’ai trouvé très cool de le faire. Peut-être que je vais faire en sorte que l’on puisse suivre sur YouTube mon quotidien de façon plus régulière.
Bien avant l’Eurovision, certains vous ont découvert grâce à vos vidéos, notamment une où vous présentez votre frère et malgré vos personnalités très différentes, il y a beaucoup de respect entre vous. C’était une façon de livrer un message avec lui ?
C’est ce que je me suis toujours dit. Je ne montrerai jamais ma famille quand il n’y a pas d’intérêt. Je voulais montrer que mon frère est un mec à l’opposé de moi. Il est très masculin, ne partage pas forcément mes goûts mais on existe, on vit ensemble et on existe à travers un amour inconditionnel qui vient de la famille. Parfois, des familles se brisent pour des différences que ce soit au niveau de la sexualité ou encore les goûts des uns et des autres. Je voulais montrer qu’il existe des familles très différentes mais qui s’aiment énormément. Je fais passer là aussi un message et à la façon dont j’aime le faire, avec joie et de manière solaire.
Comment vous voyez-vous dans 5 ou 10 ans ?
Je ne sais pas. J’aimerais déjà continuer à faire de la musique, des albums, des concerts… J’aimerais aussi me tourner vers d’autres choses mais toujours dans l’artistique. J’adorerais écrire une comédie musicale. J’en ai une en tête. C’est un sujet original avec des chansons originales. Depuis Starmania, cela ne ne s’est pas vraiment fait, soit on a eu un sujet venu de l’Histoire et des chansons nouvelles, soit un spectacle original mais avec des reprises. J’ai envie de proposer autre chose.
Entretien avec Nikolas Lenoir