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Entre Rome et Paris, la partie de ping-pong se poursuit


Dans une lettre adressée au journal Le Monde, le vice-Premier ministre italien Luigi Di Maio a dénoncé les «recettes ultralibérales» appliquées en France par «des partis de droite comme de gauche». (photo AP)

Le vice-Premier ministre italien Luigi Di Maio a défendu vendredi sa visite à des « gilets jaunes » français, à l’origine d’une crise sans précédent entre deux pays fondateurs de l’UE qui risque de perdurer jusqu’aux élections européennes de mai.

Dans une tribune adressée au quotidien français Le Monde, Luigi Di Maio, le chef du Mouvement 5 étoiles (antisystème), a dénoncé des « recettes ultralibérales », appliquées par « des partis de droite comme de gauche et (qui) ont précarisé la vie des citoyens ». « C’est pour cette raison que j’ai voulu rencontrer des représentants des ‘gilets jaunes' » mardi, s’est-il expliqué, évoquant ainsi la fronde sociale qui secoue la France depuis plusieurs semaines.

«Nous, nous sommes zen»

Visant directement Emmanuel Macron, élu sur la promesse d’un « ni droite ni gauche », le dirigeant italien a ironisé sur « ces partis qui se disent ‘nouveaux’ mais sont en réalité le fruit d’une tradition ». « Nous, nous sommes zen. Si le gouvernement français se met en colère contre le gouvernement italien, je ne crois pas que ce soit opportun », a-t-il ajouté, bravache, à l’occasion d’un déplacement à Roccaraso, dans le centre-est de l’Italie.

En réponse à cette rencontre, qu’ils ne cautionnent pas, une vingtaine de « gilets jaunes » français et italiens se sont rassemblés vendredi à San Remo, dans le nord de l’Italie, pour défendre « l’Europe des peuples ».

Le ministre de l’Intérieur et chef de file de l’extrême droite italienne, Matteo Salvini, d’ordinaire prompt à la surenchère vis-à-vis de la France, s’est contenté de son côté d’inviter son homologue français Christophe Castaner à aller discuter des « dossiers en cours ».

Le gouvernement français lance une nouvelle pique

L’exécutif français n’a pas été en reste sur le front des piques malgré la volonté affichée de sauvegarder « l’amitié avec l’Italie », partenaire clé dans la construction européenne. « Les petites phrases de Luigi Di Maio et Matteo Salvini n’ont pas empêché l’Italie d’entrer en récession économique » fin 2018, a riposté le porte-parole du gouvernement français, Benjamin Griveaux, brocardant « la lèpre nationaliste et les populismes ».

Le gouvernement italien ferait mieux de « s’occuper de sa population » plutôt que des Français, a suggéré la ministre des Affaires européennes, Nathalie Loiseau. La France a voulu siffler « la fin de la récréation » en rappelant son ambassadeur, Christian Masset, et prendre in fine l’opinion italienne à témoin. « On ne peut pas laisser un pays partenaire de l’UE dire que la France affame l’Afrique avec le franc CFA ou tenir des propos subversifs contre un gouvernement démocratiquement élu », souligne un haut responsable diplomatique français. Paris espère aussi que la poussée de fièvre transalpine fasse « réfléchir dans l’opinion, les partis politiques, les institutions » en Italie.

L’ambassadeur français «va retourner en Italie»

Paris réfute toutefois toute logique d’escalade. « On espère qu’il n’y aura pas de ‘next step’ (NDLR : prochaine étape). L’ambassadeur est à Paris pour consultations. Il va retourner en Italie », poursuit la source diplomatique citée. Le gouvernement français s’attend toutefois à d’autres coups d’éclat des deux chefs de file et rivaux du gouvernement populiste italien d’ici aux Européennes.

« Il y aura peut-être encore des moments difficiles (…) Il faut s’y préparer », note-t-on à Paris en soulignant les enjeux de politique intérieure liés au scrutin. Emmanuel Macron compte aussi de moins en moins sur le président du Conseil italien, Giuseppe Conte, chez qui il espérait trouver un partenaire constructif face à l’attelage Salvini/Di Maio. « Il y a une vraie déception française vis-à-vis de Conte (…) Ils ont compris assez vite que c’était vraiment une marionnette, qu’aujourd’hui il n’y a pas de Premier ministre à la tête de cette coalition baroque », commente Sébastien Maillard, le directeur de l’Institut Jacques-Delors.

AFP