Greenpeace a mené une nouvelle enquête mystère pour évaluer la durabilité des produits financiers au Luxembourg. Le greenwashing est bel et bien toujours de rigueur.
Comme l’an passé, Greenpeace a mené une enquête mystère pour évaluer la qualité du conseil en matière d’investissements respectueux du climat et la qualité des produits financiers proposés au Luxembourg. Durant les mois d’août et septembre, 15 clients mystère se sont donc rendus dans les différentes branches de cinq institutions de la place financière : la Banque internationale de Luxembourg, la Spuerkeess, la banque Raiffeisen, BGL BNP Paribas et ING Groep. Il ressort des 22 entretiens menés par ces clients que les conseillers bancaires manquent de compétences en matière d’investissement durable, mais aussi que les produits recommandés n’ont pas véritablement d’impact positif mesurable, que ce soit au niveau de l’environnement ou de la société.
Greenpeace a en effet analysé plusieurs des fonds qui ont été proposés par les conseillers et «notre étude a révélé que pratiquement aucun ne tenait ses promesses d’impact. La plupart n’investissent que dans des titres déjà disponibles sur le marché secondaire et ne génèrent donc pas d’impact environnemental ou social mesurable supplémentaire», a expliqué le Dr Martin Granzow, expert financier de Nextra Consulting GmbH et auteur du rapport, au cours d’une conférence de presse hier.
Quant aux connaissances du personnel bancaire, elles «laissent à désirer» : un produit sur trois a été promu comme ayant un impact positif, alors que cela ne figurait même pas dans ses objectifs. Un tiers seulement des clients mystères ont été interrogés sur leurs préférences en matière de durabilité au moment de fixer un rendez-vous de conseil. «Le conseiller n’était absolument pas préparé pour répondre à mes préoccupations», témoigne l’un d’entre eux. Or la directive MiFID II, entrée en vigueur il y a un an, oblige à prendre en compte le thème de la durabilité dans le conseil en investissement.
«Il faut avoir de la chance pour tomber sur un conseiller formé à ces questions», a commenté Martin Granzow, qui recommande aux banques de «former leur personnel sur l’impact des produits afin d’éviter les fausses promesses». «Les banques doivent assurer une expertise professionnelle en matière de conseils d’investissements durables», insiste-t-il. «J’imagine qu’il y a un manque de connaissances à cause du coût que cela peut représenter de former convenablement le personnel sur ce sujet. Peut-être estiment-elles aussi que ce ne serait pas assez rentable de mettre en avant des produits durables», suppose l’expert financier, qui précise : «Ces derniers mois, les investissements durables sont certes moins rentables que les investissements conventionnels, car le secteur énergétique a fait d’énormes profits avec les différentes crises. Mais sur le long terme, les investissements durables performent bien.» «De toute façon, il est dans l’intérêt de la banque de respecter le désir du client et de le conseiller efficacement si celui-ci décide d’investir dans le durable, peu importe les gains», estime Martina Holbach, chargée de campagne Finance durable chez Greenpeace Luxembourg.
Le gouvernement appelé à faire preuve d’autorité
Pour Martina Holbach, les résultats de l’enquête témoignent une fois de plus du greenwashing pratiqué par les banques, une pratique à laquelle «ni les banques ni le législateur ne semblent vouloir mettre un terme». Or cette attitude «entame la confiance dans les placements durables», estime la chargée de campagne. La publicité mensongère pourrait en outre être préjudiciable pour les banques et les fournisseurs de fonds : des associations de consommateurs pourraient saisir la justice, comme cela a été le cas en Allemagne. «Ces produits sont proposés à l’international, or des pays comme la France, l’Allemagne ou la Scandinavie ont déjà un arsenal législatif plus strict pour réguler la publicité des investissements durables», prévient Martin Granzow. En attendant la future directive européenne – en cours de discussion – qui vise à lutter contre le greenwashing et à apporter plus de transparence sur le marché, mais dont l’application risque de prendre beaucoup de temps.
«Le Luxembourg est très fier de sa « place financière verte ». Mais les autorités doivent faire cesser le greenwashing et réguler tout cela», fulmine Martina Holbach. «Greenpeace Luxembourg demande aux banques et aux fournisseurs de fonds de s’abstenir de faire des promesses et de plutôt communiquer sur les effets positifs et négatifs des activités des entreprises présentes dans leurs portefeuilles.» Quant au nouveau gouvernement, «il doit prendre en considération ces questions plus sérieusement que le gouvernement précédent».