Atteint de schizophrénie, le prévenu interprète les choses différemment et y répond parfois de manière disproportionnée. Jusqu’à être accusé de tentative de meurtre sur un inconnu.
Il a dû le toucher au niveau des marches des pompes funèbres», a assuré vendredi un nouveau témoin qui s’est souvenu avoir vu le prévenu faire plusieurs allers-retours en voiture à travers l’avenue Grande-Duchesse-Charlotte à Dudelange avant de foncer tout droit sur sa victime. L’homme qui promenait son chien en est absolument certain, contrairement aux témoins entendus jeudi après-midi par la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. «Il a freiné au dernier moment. Cela a suffi à ne pas le percuter de plein fouet. La victime s’est appuyée avec les mains contre le capot pour faire un bond en arrière.»
Le déroulement des faits se précise, mais on ne sait toujours pas où exactement l’impact a eu lieu. Le prévenu ne s’en souvient plus non plus très bien. «J’ai imaginé que Daniel m’avait insulté. Je suis schizophrène», a expliqué le jeune homme de 26 ans hier. «Je me suis arrêté à son niveau pour lui demander de répéter avant de reprendre ma route. J’ai fait deux ou trois allers-retours en tirant sur le frein à main. C’était pour lui faire peur. J’ai freiné, sans doute trop tard, mais je l’ai touché malgré tout.»
Le jeune homme est accusé de tentative de meurtre. Les faits remontent au 28 août 2023. À l’époque, il ne prenait plus son traitement et se serait senti menacé par cet inconnu croisé pour la première fois quelques jours plus tôt.
Pour le procureur, malgré le manque de cohérence des témoignages, une chose est certaine, «le prévenu a dû freiner très fort». Le magistrat a écarté la tentative de meurtre et demandé au tribunal de retenir les coups et blessures avec incapacité de travail. Invoquant l’article 71-1, il a requis une peine de 16 mois de prison et s’est prononcé en faveur du sursis probatoire avec obligation de certifier de son traitement de manière mensuelle au service d’exécution des peines. Le procureur craint une récidive. En juin et en septembre derniers, le jeune homme a à nouveau tenté de renverser des passants avec sa voiture.
Persuadé qu’on se moquait de lui
Le prévenu était également convoqué comparaître dans le cadre d’une affaire correctionnelle. Le 13 décembre 2023, il a menacé de mort et de décapitation un entraîneur de fitness avec un couteau. «Je l’avais rencontré la veille pour la première fois. Il s’était mêlé d’une discussion privée en prétendant que nous disions n’importe quoi», s’est souvenue la victime présumée.
«J’avais des hallucinations. J’étais persuadé qu’ils s’étaient moqués de moi. Que toute la salle de sport se moquait de moi», raconte le jeune homme qui prétend avoir sorti la lame de son couteau de sa poche – sans jamais le dégainer complètement – quand il se trouvait à quelques mètres de l’entraîneur. «J’étais à 3 mètres de lui. Je ne mens pas, vous n’avez qu’à consulter les images de vidéosurveillance.»
La distance n’atténue pas la menace, a assuré le procureur avant de requérir une peine de 10 mois de prison à son encontre, assortie elle aussi du sursis probatoire sous conditions.
Son avocat, Me Stroesser, a plaidé en faveur d’un sursis simple dans les deux cas et a demandé au tribunal de faire application de l’article 71-1 en faveur de son client. Il a dépeint un jeune homme fragile sur le plan émotionnel en proie à des crises de paranoïa au moment des deux faits qui lui sont reprochés. Un jeune homme qui a une perception différente des choses, mais qui n’a jamais eu l’intention de tuer quiconque.
«J’ai parfois l’impression que des gens à côté de moi me parlent alors qu’en fait ce n’est pas le cas. Je m’imagine des choses qui n’existent pas», a encore indiqué le prévenu pour s’assurer d’être bien compris des juges. «Toute ma vie, je vais devoir boire des médicaments.» Le jeune homme et sa famille ont déjà préparé un plan d’attaque pour lui permettre de vivre le plus normalement possible dès sa libération : des rendez-vous réguliers chez un psychiatre, un emploi dans un atelier protégé et un soutien sans faille pour l’aider au quotidien, a dévoilé le jeune homme qui a voulu être le plus transparent et honnête possible.
Le prononcé est fixé au 6 février.