Dieu, Jésus et Marie ont fait d’Alberto leur champion pour empêcher l’avènement du diable. Dans un délire mystique, ce schizophrène de 47 ans a tué celle qu’il croyait être un démon.
L’apocalypse est en marche. Les démons sont parmi nous sous leur forme humaine. Alberto pense être investi de la mission divine de les anéantir. Il est même carrément convaincu d’être le bras armé de Dieu et tel un chevalier, il est parti en croisade contre Satan et ses suppôts. Une croisade qui l’a mené face à la justice des humains dans le cadre d’un procès débuté vendredi passé et qui doit se poursuivre toute cette semaine face à la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg.
Au nom de Dieu et de la Sainte Trinité, cet Andalou de 47 ans s’est livré dans la matinée du 22 décembre 2022 à une boucherie dans l’appartement du 46, rue Anatole-France à Luxembourg-Bonnevoie qu’il occupait en colocation avec deux autres hommes. Il a tué la compagne d’un de ses colocataires à coups de couteau avant de la démembrer, de la décapiter et de la dépecer partiellement avec des ustensiles de cuisine qu’il avait été acheter dans un supermarché juste après le meurtre. Un hachoir de 30 centimètres et une moulinette notamment.
À son retour, il s’était attaqué à un de ses colocataires en le poignardant au thorax. L’étudiant, gravement blessé aux mains après avoir empoigné la lame pour sauver sa vie, avait réussi à s’enfuir grâce à l’intervention d’un voisin et à prévenir la police. Arrivés sur les lieux, les agents avaient découvert une scène d’horreur qui contrastait avec le calme affiché par son auteur. Alberto semblait les attendre avec son sac à dos dans lequel il avait rangé une Bible et une statue de la Vierge Marie.
Alberto se pensait l’élu, il est juste spécial. Vendredi, il avait expliqué aux juges et à l’assistance ne pas avoir tué une femme, mais Lucifer. Certains n’iront pas par quatre chemins et le traiteront de fou ou de monstre. Lui est persuadé, comme il l’a écrit à une amie, que Dieu prouvera le contraire au monde. L’hidalgo est en fait schizophrène paranoïaque en proie à un délire mystique. Il est malade et pourrait être déclaré irresponsable de ses actes. Quatre-vingt-quinze pour cent des personnes atteintes de cette forme de schizophrénie le sont, a avancé le procureur hier matin.
Confession et eau bénite
Le prévenu aux faux airs de Pedro Almodóvar sous pilules roses, ne semble pas conscient de ce qui se joue face à lui. Hier matin, un expert en toxicologie a confirmé qu’Alberto, comme il l’avait avoué à la police, avait arrêté de prendre une partie de son traitement quelques jours avant les faits. Une enquêtrice de la police technique a décrit la scène de crime et l’appartement et l’enquêteur principal a résumé tout son travail pour parvenir à boucler le dossier. Il a notamment illustré la descente aux enfers du prévenu grâce, entre autres, aux messages retrouvés sur son smartphone.
Le matin des faits, Alberto n’avait plus dormi depuis trois semaines. Chaque nuit, Jésus lui avait commandé d’empêcher l’apocalypse. Ses voisins étaient des démons qu’il devait éliminer pour le salut de l’humanité. La Vierge Marie lui était même apparue pour lui rappeler sa mission avant qu’il ne s’en prenne à son colocataire. Le 18 décembre 2022, il a confié à «sa petite-amie qui vit en Colombie» avoir «rêvé être une araignée qui collectait les âmes», a rapporté le policier. «Son délire augmentait au fur et à mesure des messages.» Et son interlocutrice n’a rien fait pour le ramener à la raison.
La veille des faits, il lui écrit qu’il doit aller se confesser, ainsi que chercher de l’eau bénite et des bougies consacrées pour se préparer au combat. À une autre amie, il a demandé de s’occuper de la statue de la Vierge Marie s’il venait à lui arriver quelque chose. Alberto sera entendu cet après-midi au sujet de son acte. Le 16 juillet 2017, déjà en proie à un délire mystique, il avait attaqué trois personnes ce qui lui avait valu d’être interné en psychiatrie à Venise pendant une dizaine de jours.
En décembre 2022, ce père divorcé de deux filles, vivait de manière autonome dans la chambre qu’il louait dans la colocation après avoir passé du temps en internement psychiatrique puis dans un logement thérapeutique. Son état était stabilisé, il travaillait en tant que plongeur dans un atelier protégé et il semblait conscient de devoir prendre un traitement à vie. Son éducateur à l’atelier protégé sera également interrogé cet après-midi pour tenter de mieux cerner le très pieux et très illuminé Alberto.
Assis sur le banc des prévenus, Alberto donne l’impression d’être dans un ailleurs merveilleux, illuminé par des chérubins préraphaélites. Il a placé son salut en Dieu et en son avocat, Me Scheerer, qu’il appelle son «ange gardien».