Accueil | A la Une | [En coulisses] Dans l’ombre des députés

[En coulisses] Dans l’ombre des députés


Juristes, informaticiens, agents administratifs... ils sont nombreux à travailler pour la Chambre des députés. (Photo Fabrizio Pizzolante)

Aux côtés des élus, 163 personnes travaillent quotidiennement au sein de la Chambre. Peu connues du grand public, elles jouent un rôle clé dans le fonctionnement de l’institution.

L’institution est connue de tous les Luxembourgeois, même sans forcément s’intéresser à la politique. Au 19 de la rue du Marché-aux-herbes, la Chambre des députés représente le cœur du pouvoir législatif au Grand-Duché et contrôle l’action du gouvernement. Mais l’image des 60 députés réunis pour débattre des textes de loi à adopter est loin de résumer l’ensemble du Parlement. Derrière les élus, on retrouve une multitude d’agents sans qui la Chambre ne pourrait fonctionner. Ces 163 personnes, 79 femmes et 84 hommes, s’activent quotidiennement au sein de l’administration et jouent un rôle essentiel, chacune à leur niveau, dans le bon fonctionnement de la démocratie luxembourgeoise.

Au plus près de la salle où débattent les députés et le gouvernement, dans une pièce juste à côté, se cache ainsi l’un des bureaux les plus importants : le service des séances plénières. Composé de trois personnes, celui-ci s’occupe de la préparation et du bon déroulement des séances publiques.

Préparation minutieuse

Quand un texte est prêt, il est mis à l’ordre du jour sur décision de la Conférence des présidents (composée comme son nom l’indique du président de la Chambre et des présidents des différents groupes politiques). «À ce moment-là, nous informons les élus et nous préparons un calendrier prévisionnel, explique Magda Santos, chargée de l’encadrement des séances plénières. Nous confirmons ensuite la date de la séance dans les semaines suivantes.»

En attendant, le service prépare les documents nécessaires pour les députés ainsi que le dossier du président avec notamment les temps de parole de chaque intervenant. «On écrit mot pour mot ce qui sera dit en séance publique.» Le texte soumis au vote est, lui aussi, préparé.

«Savoir s’adapter»

Le jour J, il faut ensuite contrôler le bon déroulement de la séance. «Nous vérifions notamment que les députés sont bien présents. S’ils ne sont pas là, ils doivent nous transmettre une excuse. Sinon, cela aura un impact sur leur indemnité.» Le service des séances plénières doit aussi vérifier chacun des votes électroniques avant que la loi ne puisse être adoptée définitivement. Le service est donc au cœur du processus législatif, une place de choix pour Magda Santos, passionnée par la politique. «On est au contact des députés. En plus, on ne fait pas tout le temps la même chose.»

Mais le poste est aussi particulièrement chronophage. «Il faut savoir s’adapter et ne pas s’attendre à des horaires de bureau. On doit également être capables de gérer le stress, parfois il y a 3 000 choses qui se passent en même temps en séances plénières.» Pas de quoi pour autant donner envie à Magda Santos d’échanger sa place. «On est privilégiés, c’est une chance de travailler pour le Parlement et de passer tous les jours par la salle des séances plénières pour aller à son bureau.»

Passage obligé par les commissions

Avant d’être débattus puis soumis au vote, les propositions (issues des députés) et projets (issus du gouvernement) de loi doivent d’abord passer par la case commission. C’est là que le service de Carole Closener intervient. Situé dans l’immeuble en face du bâtiment historique, c’est l’un des plus grands services de la Chambre. Il est composé de 23 personnes dont 16 administrateurs. «Ce sont des universitaires, des juristes, des économistes, d’anciens journalistes…», énumère la responsable. Les profils sont divers et leur permettent de prendre en charge une ou deux commissions selon leurs thématiques. «Ils sont épaulés par 7, et bientôt 8, assistants.»

C’est une chance de passer tous les jours par la salle des séances plénières pour aller à son bureau

Au début de chaque législature, la nouvelle Chambre répartit les députés dans une vingtaine de commissions selon leurs intérêts. «Elles doivent refléter la composition du gouvernement (santé, culture, défense, mobilité…).» Quand un projet de loi est déposé, il doit obligatoirement passer par la commission correspondante. Celle-ci nomme un rapporteur et analyse le texte qu’elle peut ensuite amender. «La commission se réunit plus ou moins une fois par semaine et établit un état des travaux.»

Durant tout ce processus, les administrateurs sont chargés d’accompagner les élus dans leur travail. «Ils sont là pour les convoquer et assistent à toutes les réunions. ll y a un tas de choses à organiser et il faut gérer toute la documentation relative à l’instruction.» Une nouvelle cellule scientifique, créée il y a deux ans, édite des notes de recherches afin d’aider les députés dans leur travail (voir encadré).

Une cellule scientifique au sein de la Chambre

Il n’est pas toujours facile pour les députés de voter un texte de loi quand certains sujets, particulièrement complexes, demandent des connaissances bien spécifiques. Depuis septembre 2021, la Chambre a donc mis en place une cellule scientifique. À la demande des députés, des commissions, des groupes et sensibilités politiques ou du secrétaire général, cette dernière peut effectuer des recherches sur différents thèmes et émettre ensuite un document de synthèse.

La cellule se compose actuellement de huit personnes, chacune disposant d’une expertise dans les sciences juridiques, naturelles ou humaines ainsi que dans les domaines de l’économie et de l’environnement. Pour compléter cette équipe, un réseau multidisciplinaire, rassemblant des spécialistes de plusieurs pays, vient en aide aux membres de la cellule qui s’engagent à présenter le consensus scientifique de manière transparente, indépendante et critique.

Le service a déjà publié des notes de recherche sur l’effort de défense du Luxembourg, l’intérêt d’une nouvelle loi de financement pour le contournement de Bascharage ou encore les liens entre la taxe carbone et la réduction des gaz à effet de serre.

Au fur et à mesure, le texte de loi se construit, nourri par les débats mais aussi par l’avis d’autres commissions ou de personnes et d’institutions extraparlementaires comme le Conseil d’État. «Selon les avis, le travail avance plus ou moins vite.» Une fois finalisée, la loi revient à la Conférence des présidents qui décide alors de la soumettre en séance plénière. Comme la Chambre, chaque commission peut aussi contrôler l’action du gouvernement. «Chacune est libre de convoquer les ministres selon l’actualité.»

Face à la multiplicité et la complexité des sujets, le service des commissions a besoin de nombreux profils différents. «Nous avons beaucoup recruté au cours des derniers mois, maintenant nous sommes plutôt en phase de stabilisation», affirme Carole Closener, elle-même juriste de formation. «Avant je travaillais pour une grande banque française, mais j’ai eu envie de changer d’horizon. C’était un travail intéressant mais stressant.»

Comme pour le service des séances plénières, avec qui ils travaillent de concert, les administrateurs sont au centre des discussions. Même si leur travail se fait plus en amont, il est tout aussi important puisqu’il aide à façonner les futures lois.

Une institution toujours plus transparente

Si beaucoup de ces petites mains restent inconnues du grand public, la Chambre elle-même et son fonctionnement peuvent paraître opaques. Au fil du temps, le Parlement s’est néanmoins ouvert, par exemple en diffusant en direct les débats sur son site internet. Une transparence qui gagne peu à peu les autres composantes de la Chambre. «Jusqu’à très récemment, le travail des commissions n’était pas rendu public, pas même le procès-verbal», rappelle Carole Closener.

Depuis quelques mois, les choses ont changé et certaines commissions sont filmées et retransmises en direct. «Cela a nécessité énormément de préparation.» Trois salles de réunion ont été équipées de caméras afin de capter cette facette du travail des députés, moins médiatique mais pourtant cruciale.

De quoi donner un peu plus de travail aux services techniques déjà bien sollicités tout au long de l’année (lire ci-dessous). Mais l’effort en vaut la peine s’il permet de rapprocher la Chambre des députés, parfois intimidante, de ses citoyens. Encore plus, s’il aide à mettre un peu en lumière toutes ces têtes qui participent à leur niveau au bon fonctionnement de la démocratie.

Des services techniques toujours sur le pont

Pour répondre aux besoins des députés et des membres de l’administration, la Chambre a besoin d’une infrastructure informatique solide et sécurisée. Elle emploie donc un grand nombre de techniciens devant être les plus réactifs possible. Responsable du help desk, Ricardo Fernandez est en première ligne en cas de problème. «Nous ne sommes pas un help desk normal, précise-t-il. Nous offrons un service VIP.» Chargé du support informatique, le service peut intervenir sur de nombreuses tâches comme aider un élu qui a oublié le mot de passe de son compte mail ou résoudre un problème sur le portail interne. «Il arrive qu’on aille directement chez les députés ou dans les fractions.» L’équipe s’occupe aussi de la maintenance des installations audiovisuelles, utilisées pour les retransmissions en direct.

Présent à tous les niveaux, le service doit être au courant de tout ce qui se passe, et surtout de tout ce qui ne va pas. «On nous sollicite à tout moment de la journée et même plus. Les appels au help desk sont toujours renvoyés vers le téléphone d’un des agents.» Et même pendant les périodes de congés des députés, leur travail ne s’arrête pas. «On profite des moments plus calmes pour s’occuper de la maintenance des équipements.» Les tâches sont donc multiples pour cette petite équipe de six personnes mais qui peut apporter sa petite contribution au fonctionnement du Grand-Duché. «Ce n’est pas quelque chose de commun de travailler au Parlement», reconnaît Ricardo Fernandez.

Du Palais grand-ducal à la Chambre des députés

Le Parlement n’a pas toujours siégé dans le bâtiment actuel. Quelques années après l’indépendance, en 1839, la Constitution de 1841 met en place une Assemblée des États, l’ancêtre de la Chambre des députés. Composée de 34 députés, celle-ci siège alors à l’hôtel de Gouvernement, l’actuel Palais grand-ducal, avant de déménager dans l’hôtel de ville de la capitale. L’édifice de la rue du Marché-aux-herbes voit le jour en 1860. Les maisons Wirtgen, Baustert, Hernandez et Heynen sont détruites pour faire de la place à un nouveau bâtiment. En 1881, il est agrandi pour offrir des tribunes plus spacieuses.

Au fil des décennies, la Chambre connaîtra de nombreuses modifications qui l’amèneront à sa forme actuelle à la fin des années 90. En parallèle, l’administration du Parlement s’installe dans les bâtiments adjacents tandis que les différents groupes politiques prennent place à proximité dans des locaux mis à la disposition par la Chambre.

PUBLIER UN COMMENTAIRE

*

Votre adresse email ne sera pas publiée. Vos données sont recueillies conformément à la législation en vigueur sur la Protection des données personnelles. Pour en savoir sur notre politique de protection des données personnelles, cliquez-ici.