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Emploi : «Les travailleurs LGBTIQ+ sont comme tout le monde»


Vingt stands d’entreprises et associations étaient présents à l’abbaye de Neumünster pour échanger sur l’inclusion en milieu professionnel. (photo Hervé Montaigu)

Premier salon de l’emploi queer au Luxembourg, le Rainbow-Career-Day mêle enthousiasme mais aussi certaines insatisfactions.

«On a beaucoup plus de personnes qu’attendu. Il y a aussi beaucoup de non-membres de la communauté», se réjouit Sebastian Krug, le créateur du Rainbow-Career-Day. «Je suis très content que ce soit aussi rempli pour une première fois.» Pour sa première édition au Luxembourg, le salon s’est tenu à l’abbaye de Neumünster, à Luxembourg.

Jeudi, entreprises et candidats s’y sont retrouvés durant cinq heures pour un salon pas tout à fait comme les autres. L’objectif ? Créer un espace de rencontre inclusif entre employeurs et membres de la communauté LGBTIQ+. Le salon revendique une lutte contre les discriminations et il n’en a pas établi une lui-même : «C’était un événement ouvert, on ne pouvait et ne voulait pas restreindre les entrées à la communauté.»

À son stand, l’ADEM, partenaire institutionnel, revendique également cette lutte contre les discriminations. «On a invité les demandeurs d’emploi pour qu’ils aient l’occasion d’être candidats auprès des recruteurs présents», explique Sam, présent sur le stand. «Et je pense que ça va dans le bon sens. Les travailleurs LGBTIQ+ sont comme tout le monde : il n’y a pas de distinction à faire. La seule distinction valable pour un travailleur, ce sont ses compétences et son savoir-faire.»

Du côté de Post, on parle aussi d’un «salon comme les autres». Alexandre, responsable du recrutement, retient qu’il a eu des candidatures «sans stigmatisation ni différenciation (…), comme le slogan d’une célèbre marque : « venez comme vous êtes »». L’entreprise, affirme-t-il, est venue «avec une volonté d’inclusion», mais il note que «personne jusqu’à présent ne s’est signalé comme membre de la communauté». Résultat, parmi les visiteurs, des profils variés, parfois sans lien direct avec les questions LGBTIQ+. Une ouverture assumée, mais qui fait aussi débat.

«Un événement utile, mais encore imparfait»

Pour Eli, qui préside l’association des étudiants LGBT+ de l’Uni, Prizma, ce flou est un problème. Eli, doctorant, à cheval donc entre les études et l’emploi, voit dans le Rainbow-Career-Day «un événement utile, mais encore imparfait», où environ 10 à 15 % des participants étaient des membres de la communauté LGBTIQ+. Mais l’événement a réussi deux choses : «Mettre en lien la communauté avec des recruteurs qui se disent safe et friendly, et permettre d’éduquer et de dialoguer sur les problèmes rencontrés.» Conclusion : «L’avoir fait est une bonne chose».

Une nuance tout de même : «C’est une chose de s’afficher ici comme soutien de la communauté, c’en est une autre de traduire ça par des actes dans l’entreprise.» Trop souvent, «ce n’est pas le cas». Et ces actes, justement, seraient pourtant simples, comme «ne pas laisser passer certaines remarques, par exemple». Ce genre de jugements «prend de l’énergie, une énergie qu’on ne peut pas mettre dans le travail».

Eli dit avoir recueilli, lors du salon, des témoignages de personnes victimes de harcèlement, de discrimination, voire ayant subi un licenciement en raison de leur orientation sexuelle. Si Eli rapporte ces récits, c’est pour souligner que l’inclusion ne réside pas dans le fait d’«avoir un stand arc-en-ciel», mais se mesure dans le quotidien des entreprises.

«Ne pas pouvoir être soi-même»

C’est justement sur ce terrain professionnel que plusieurs associations présentes voulaient sensibiliser : parmi elles, Rosa Lëtzebuerg. Laurent, son représentant, affirme que le salon a représenté un «bon mélange» réunissant «des membres de la communauté et beaucoup de personnes venues simplement s’informer».

Un signe encourageant, selon lui, témoignant d’une curiosité grandissante du grand public. Il a pu apprendre à ce public la dure réalité vécue par les personnes de la communauté dans le milieu professionnel, à savoir «ne pas pouvoir être soi-même, devoir se cacher». Il regrette les mauvais comportements au travail à l’égard des personnes LGBTIQ+, «car c’est quand même là où on passe le plus clair de son temps».

D’autres associations, comme Cigale et Ideal (Inclusion, Diversity, Equality, Awareness, Learning), étaient présentes. Laetitia et Ophélie, qui y œuvrent au quotidien, voient dans le salon une occasion d’échanges utiles, mais elles formulent tout de même un reproche. «Cigale aide chaque jour des personnes de la communauté à faire face aux discriminations», expliquent-elles, tandis qu’«Ideal travaille avec les entreprises pour les aider à mettre en place un cadre favorable à l’inclusion». Elles regrettent toutefois d’avoir vu environ «moins d’un sixième» de visiteurs appartenant à la communauté et surtout «beaucoup de gens venus déposer des CV pour nos associations», confient-elles avec un sourire quelque peu amer.