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Emploi : la galère pour embaucher en Lorraine


Brian, 20 ans, vient d'être embauché chez Cuisine Grandidier à Rémilly. C'est un panneau posé sur l'enseigne qui l'a poussé à postuler (Photo : Lionel Hannewald / Républicain Lorrain).

De plus en plus de patrons se plaignent des difficultés pour embaucher, en Lorraine, où chacun y va de sa méthode pour trouver des employés.

Un panneau sur l’enseigne. En grand, énorme presque : «NOUS EMBAUCHONS». À Rémilly, près de Metz, Denis Grandidier accumule les heures et les week-ends travaillés. «Même le 14 juillet, on était là, avec mon épouse.»
La voix tremble, la fatigue se lit sur le visage. «Toute l’entreprise est sous tension, chacun cumule les heures supplémentaires, ça ne peut plus durer comme ça.» À Rémilly, Cuisines Grandidier est une institution. L’histoire d’un menuisier qui a pris le virage de la PME, passant de 5 à 35 salariés en dix ans, modernisant les ateliers devenus une industrie robotisée où se fabriquent sur place des cuisines sur-mesure. Les carnets de commandes sont pleins jusqu’en mars. «On va de l’avant, on fait des investissements, on a une reprise et derrière pas la main-d’œuvre. Pôle emploi ne m’envoie personne.»

Une bouteille à la mer
Alors, il y a eu ce panneau. Comme une bouteille à la mer. En une semaine, plusieurs personnes se sont présentées. Deux ont été embauchées. Un poseur confirmé, un ancien de Mobalpa au chômage depuis plusieurs mois. Et un jeune sans formation. Preuve que le problème est plus profond, moins simple qu’une histoire de chômeurs soi-disant fainéants. Brian, 20 ans, touchait 180 euros de chômage.
Hébergé à Rémilly, il est venu le jour où l’affiche a été posée. Sans permis, sans formation, une rupture familiale qui a fait avorter son projet de CAP boulanger, des remplacements en maisons de retraite. «J’étais inscrit à Pôle emploi, mais je n’ai eu aucune proposition. J’ai envoyé des lettres de candidature mais sans réponse.»
Que faire? Ce travail, monteur de meubles, prend des allures d’aubaine à cinq minutes à pied de chez lui. Ça lui plaît, «même s’il y a beaucoup de choses à retenir».

Besoin de recrutements
S’il n’y avait pas eu ce panneau, jamais il n’aurait eu l’idée de venir chez Grandidier. Les chômeurs ne savent pas où se trouvent les emplois. Les chefs d’entreprise ne savent pas où chercher. «J’ai été très bien accompagné par la Chambre des métiers et la Région pour gérer ma croissance, mes investissements. Mais pour le recrutement, je suis seul et ne sais pas comment faire, à qui m’adresser», se désole Denis Grandidier.
«Je ne suis qu’un artisan.» L’entreprise, aujourd’hui, a encore besoin de recruter cinq personnes : maintenance et commande numérique, un poseur, une personne pour la pose de quincaillerie et des poignées en atelier. «On peut former en interne, prendre en apprentissage mais pour la maintenance, là, urgemment, j’ai besoin de quelqu’un de confirmé.»
«À Rémilly, comme partout, le problème n’est pas que chez moi. La boulangère se plaint de ne pas pouvoir prendre de vacances, faute de remplaçant. BMW n’a pas assez de mécaniciens. À Dieuze, les escaliers Somme manquent de poseurs. Partout, tout le monde demande à recruter. On ne comprend pas ce qui se passe.»

Laurence Schmitt (Le Républicain Lorrain)

Problème de logiciel chez Pôle Emploi ?

Au début de l’année, Pôle emploi Grand Est se réjouissait de la hausse annoncée des intentions d’embauche : +16,8 % dans le Grand Est. Près d’un quart des établissements disait vouloir recruter, niveau jamais atteint depuis 2010, mais près de la moitié redoutait de ne pas trouver. Voilà qui se confirme. La croissance est là et bien là. Les entreprises ont souvent investi et réorganisé leur système de production et voilà que les bras ne sont pas là. Ça panique.

Loin de faire l’unanimité
Pire, avec trois millions de chômeurs au compteur, ça s’énerve et Pôle emploi en prend pour son grade. Mais ça n’est pas le fonctionnaire, généralement parfait bouc émissaire, qui est montré du doigt. Mais le logiciel! L’algorithme en place, tant pour les demandeurs d’emploi que les entreprises qui recrutent, est loin de faire l’unanimité. Une histoire de petites cases à cocher qui ne collent plus avec les métiers en cours, l’évolution des entreprises ou le profil de moins en moins linéaire des demandeurs d’emploi. Flagrant dans les métiers du digital qui, au bas mot, concernent une soixantaine de professions différentes bien loin des stéréotypes de l’informaticien ou développeur. Les chefs d’entreprise s’arrachent les cheveux et ne savent pas où trouver les compétences. L’intelligence artificielle du logiciel ne semble pas encore assez intelligente. «Pôle emploi ne m’envoie personne» est une phrase tant entendue. Inquiétant. De son côté, l’administration dit aller à la rencontre des entreprises, pour conserver encore un peu d’humain dans ce monde informatisé et conçoit des programmes spéciaux. C’est ce qui se passe pour Alsapan (lire ci-contre), mais encore faut-il que l’entreprise en question soit référencée dans les fichiers Pôle emploi ou qu’elle se fasse connaître. Trop d’employeurs, PME, artisans, se disent perdus, seuls, sans armes et sans référent.

LS