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Emmanuel Macron, un chamboule-tout dans le paysage politique français


Ancien banquier d'affaires chez Rothschild, le candidat de 39 ans, pour la première fois face à des électeurs, promet un "renouvellement" profond de la vie politique. (photo AFP)

Produit du système qui se veut « anti-système », conformiste et audacieux à la fois, « ni de droite, ni de gauche », Emmanuel Macron, arrivé en tête du 1er tour de la présidentielle française, a bouleversé en quelques mois le paysage politique au point de se hisser dimanche au second tour de l’élection présidentielle.

Il arrive en tête du premier tour et, face à Marine Le Pen, les sondages lui promettent déjà l’Élysée. Ancien banquier d’affaires chez Rothschild inconnu il y a trois ans, ministre de l’Economie deux ans durant, héritier et parricide de François Hollande, le candidat âgé de 39 ans, pour la première fois face à des électeurs, promet un « renouvellement » profond de la vie politique, à la tête d’un grand mouvement du centre.

Education bourgeoise chez les jésuites à Amiens, nez dans les livres auprès de sa grand-mère directrice de collège, c’est un élève modèle mais aussi rebelle, quand il s’agit de défier les conventions pour épouser Brigitte Trogneux, sa professeure de français au lycée, de 24 ans son aînée.

Avec Sciences-Po Paris, un diplôme de philosophie, l’ENA promotion Sedar-Senghor puis l’Inspection générale des finances, il a attiré l’oeil de ses premiers mentors politiques: Jacques Attali en 2007; puis François Hollande, qui le nomma secrétaire général adjoint de l’Elysée en 2012 et le propulsa à Bercy à l’été 2014.

Mais c’est autant son cursus que ses « intuitions », alors qu’il n’a que « cinq ans de boutique en politique », selon l’expression d’un rallié de droite, qui impressionnent dans son premier cercle comme chez ses adversaires.

« Je pense que Macron a eu l’intuition, précisément parce qu’il était extérieur à la vie politique traditionnelle, que les partis de gouvernement avaient créé leurs propres faiblesses, avaient perdu leur propre attractivité, étaient, pour reprendre un vieux mot, usés, fatigués, vieillis », confiait récemment François Hollande.

Par exemple, « il a eu cette intuition de créer En Marche! quand il a élaboré sa loi » adoptée par 49-3 à l’été 2015, se souvient le député PS Richard Ferrand.

C’est en défendant ce texte fourre-tout, qui va de l’extension du travail du dimanche à la libéralisation du transport en autocar, qu' »il a constaté les scléroses du pays », souligne ce soutien de la première heure, secrétaire général du mouvement lancé le 6 avril 2016.

« Son plaisir, c’est de jouer »

À la tête de sa petite entreprise politique, siglée de ses initiales, qui revendique aujourd’hui 250.000 adhérents, sans obligation de cotisation, Emmanuel Macron a affiché de plus en plus ostensiblement ses ambitions, avec un fervent meeting fondateur à La Mutualité le 12 juillet 2016 devant 3.000 personnes, puis en quittant le gouvernement le 31 août.

« Ses intuitions correspondent aux défis de notre époque », insiste Richard Ferrand. « Rappelez-vous ce qu’il a dit à La Mutualité: pourquoi reste-t-on attaché à un modèle qui a fait 6 millions de chômeurs et 10 millions de pauvres ? »

Dans cette perspective, le trentenaire veut à la fois « libérer » et « protéger », en refondant « un modèle social dépassé » tout en « réarmant les individus ».

Un programme jugé flou par ses détracteurs, qui raillent sa propension à articuler dans la même phrase deux idées contradictoires, sans toujours éviter le jargon « techno ».

Son ascension a aussi été scandée par des déclarations polémiques, des « erreurs » qu’il « assume », comme lorsqu’il avait jugé en février que la colonisation avait été un « crime contre l’humanité ».

Alors qu’il était ministre, il avait aussi choqué en qualifiant « d’illettrées » les employées d’un abattoir, ou bien en répondant à des grévistes en tee shirt qui lui reprochaient son costume, que « la meilleure façon de se payer un costard, c’est de travailler ».

Avec son ascension dans les sondages, Emmanuel Macron, regard bleu et sourire accroché au visage, s’est laissé gagner par la ferveur des réunions publiques, s’attardant sur scène, se délectant des « Macron président! », au point que ses adversaires moquent des attitudes « christiques ».

Lui répond en prônant la « bienveillance » et refuse de faire siffler ses concurrents en meeting.

Mais s’il n’est pas élu dans deux semaines, ses intentions profondes restent énigmatiques.

« Macron, son plaisir c’est de jouer, c’est pas de gagner. Le jour où il aura perdu, il s’en fout, il passe à autre chose », assurait à l’automne un membre du gouvernement.

Lui jure qu’il gardera les commandes d’En Marche! et un oeil sur l’avenir. Et en même temps qu’il ne sera « plus en politique dans 20 ans ». Paradoxal ?

Le Quotidien / AFP