Le président du Syvicol, Emile Eicher, se désole de voir des conseils communaux installés d’office, faute de candidats en nombre suffisant. Ce désintérêt de la vie politique l’inquiète.
Le Syndicat des villes et communes luxembourgeoises (Syvicol), présidé par le député-maire de Clervaux, Emile Eicher (CSV), défend les intérêts des élus locaux et les aide aussi à s’adapter à toutes les nouveautés qui viennent grossir le nombre déjà conséquent de leurs missions.
Les candidats à une vie minimaliste attendent beaucoup de la réglementation concernant les tiny houses. Les communes sont-elles prêtes à les accueillir?
Emile Eicher : Les tiny houses ne sont pas prévues dans la plupart des PAG (plans d’aménagement général) des communes, donc il faut d’abord les modifier. La ministre a proposé des modifications plutôt ponctuelles et un cadre légal pour faciliter la réglementation communale sur ces terrains qui permettent la construction de tiny houses.
Concrètement, quelles seront les conditions pour l’installation de ces micromaisons?
Il faudra répondre à un minimum de qualité, c’est-à-dire qu’on ne pourra pas mettre des conteneurs en guise de tiny house. La ministre est en train d’établir une liste de critères à respecter, dont la taille, arrêtée à 50 mètres carrés. Il faudra un permis de construire sur base d’une réglementation spécifique pour ce type d’habitat que l’on pourra trouver aussi bien sur un terrain privé que public.
La colocation est aussi appelée à se développer, les communes sont-elles plutôt favorables à ce type de logement?
Cela s’adresse surtout aux grandes communes, là où la colocation est davantage demandée par des étudiants ou des jeunes qui n’ont pas les moyens d’acheter ou de louer trop cher. La colocation est déjà admise dans les villes, elle reste peu demandée dans le milieu rural où il y a moins de possibilités d’emploi.
Avez-vous fait des avancées concernant la réforme de l’impôt foncier lors de vos dernières entrevues avec la ministre?
Oui, tout ce qui est à l’extérieur des PAG, donc les zones vertes, ne sera pas soumis à l’impôt foncier. Le but de cette taxe est d’encourager les propriétaires à construire sur leur terrain et de louer leurs appartements vides. Le problème réside dans la mise en place d’un registre de ces logements vides et qui n’existe pas dans plusieurs grandes villes comme Luxembourg, par exemple. Il nous faut un cadastre vertical et selon la Ville de Luxembourg il faudra au moins cinq ans pour le réaliser, alors que la loi entre en vigueur dans trois ans. Pour certaines communes, il s’agit d’un challenge. D’autres sont mieux organisées comme Pétange, Esch-sur-Alzette a déjà bien avancé, Differdange a terminé au bout de deux ans avec d’importants moyens humains.
La question du cumul des mandats se pose à chaque élection. Le sujet est-il souvent abordé au Syvicol?
C’est toujours une discussion et nous défendons toujours l’idée de donner plus de poids politique au Syvicol dans la procédure législative. Nous demandons ce qui existe déjà dans d’autres pays, c’est-à-dire d’être consulté pour tous les domaines dans lesquels les communes sont impliquées. Il y a déjà une évolution favorable et on le voit au nombre d’avis que l’on a émis depuis 2018. De 12 avis remis en deux ans, nous sommes passés à 60 pour la seule année 2022. Il y a une circulaire de juillet 2019 qui demande aux ministères de nous consulter, mais il n’existe aucune obligation légale et c’est ce que nous souhaitons, au même titre que les chambres professionnelles.
Qu’est-ce que la digitalisation a changé dans le fonctionnement d’une commune?
J’ai coutume de dire que toute la vie a changé depuis la pandémie du Covid-19. Avant, nous travaillions toujours avec des méthodes traditionnelles et cette crise a lancé une dynamique que l’on n’aurait pas imaginée être possible, comme le télétravail. On nous a toujours répété que ce n’était pas envisageable pour le personnel communal parce qu’il y avait trop de données sensibles qu’on ne pouvait pas exporter à la maison, qu’il fallait toujours être à la disposition de nos concitoyens et pour cela, être en poste à l’hôtel de ville. Pourtant, en quelques jours, tout a changé et tout devenait possible, avec un peu de créativité.
Depuis cette crise, qu’est-ce qui a encore changé sur le plan communal?
La question qui s’est posée avec les deux crises, la pandémie et la crise énergétique, c’est celle de la résilience des communes. Le sont-elles et comment? Le ministère de l’Intérieur a créé un groupe de travail sur ce thème avec la participation de 45 communes et je serais vraiment content de voir toutes les communes y prendre part. On a vu pendant les inondations que la coopération entre les communes a été bien gérée par le CGDIS et il faut se montrer plus efficace dans tous les domaines de la résilience. Nous avons des responsabilités partagées.
La coopération est une chose, les fusions une autre, et le nombre de communes ne diminue guère. Le sujet fait-il toujours débat?
Le Syvicol était toujours favorable aux fusions de communes. Je ne peux qu’encourager les élus à prendre contact avec ceux qui ont réalisé une fusion et de s’informer. Il y a certainement des problèmes à régler au début, mais on devient beaucoup plus compétent en offrant des services qu’une petite commune ne peut pas se permettre. S’il y a des questions sur les fusions, nous y répondons volontiers. Il y avait un service qui existait au ministère pour accompagner les candidats à une fusion, et c’est dommage qu’il ne soit plus en place. Il a été remplacé par une consultation.
Il arrive parfois qu’un élu démissionne d’un parti en cours de mandat, faisant ainsi chavirer une majorité. Le mandat doit-il appartenir au parti selon vous?
La Chambre des députés connaît le même problème et c’est très délicat. Personnellement, j’estime que si on ne peut plus soutenir la ligne politique de son groupe, il faut en tirer les conséquences et céder sa place.
Je dois dire que la recherche de candidats n’a jamais été aussi difficile que cette année
Que penser de ce manque d’engouement pour la vie politique?
Je dois dire que la recherche de candidat n’a jamais été aussi difficile que cette année. Quand je vois que certaines communes ne vont même pas procéder à une élection, le conseil étant installé d’office, je trouve cela fondamentalement douteux. Je trouve, personnellement, que l’on ne peut pas trouver une légitimité sans vote. Même si l’on a le même nombre de candidats que de postes, il faut aller voter, ne serait-ce que pour donner à la population la possibilité de désigner les candidats qu’elle veut voir au premier rang.
Il y a déjà 4 % de l’électorat qui ne respecte pas la loi, mais aucune amende n’a été infligée depuis 1964
La faible participation des étrangers aux élections communales vous inquiète-t-elle?
Je vois des grands problèmes chez les jeunes surtout, car ils ne sont pas motivés. La politique est-elle si éloignée de leurs attentes et de leurs préoccupations? Je l’ignore. Le vote doit-il être obligatoire? Oui, il faut qu’il le soit, surtout dans une petite communauté comme la nôtre. Je pense que les jeunes électeurs luxembourgeois ne seraient pas plus motivés que les jeunes étrangers de se rendre aux urnes, donc c’est important de conserver ce caractère obligatoire sinon tout un groupe ne serait pas représenté et ce n’est pas démocratique du tout. Il y a déjà 4 % de l’électorat qui ne respecte pas la loi, mais aucune amende n’a été infligée depuis 1964. Il ne faudrait pas que ce chiffre augmente en toute impunité.