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Elle ouvre son magasin dans le quartier Gare : «Moi j’aime bien ce quartier»


Eda Tafilaku a ouvert son magasin Look Tic Chic au 9, avenue de la Gare et bénéficie d’un espace de 299 m2 pour exposer ses vêtements d’outlet. (Photo : editpress/hervé montaigu)

Après un pop-up réussi, Eda Tafilaku a inauguré son magasin de vêtements Look Tic Chic au 9, avenue de la Gare, et ce, malgré l’image du quartier et l’incompréhension de son entourage.

Quiconque rentre dans le magasin Look Tic Chic, au 9, avenue de la Gare à Luxembourg, est accueilli par un large sourire et la bonne humeur contagieuse de sa gérante Eda Tafilaku. Encore plus ce mercredi 5 juin, jour de l’inauguration officielle de cet outlet de vêtements qui fait figure de rayon de soleil dans le ciel gris du quartier Gare. Ici, les inaugurations se font rares par rapport aux fermetures qui se suivent, la dernière en date étant la boucherie Emo le 25 mai dernier. Selon la Ville, 83 cellules commerciales sont inoccupées, tandis que certains logements se vident aussi de leurs habitants, fatigués par les problèmes d’insécurité, d’insalubrité et de trafic de drogue dans le quartier.

Un contexte que n’ignore pas Eda Tafilaku, mais qui est loin d’être aussi alarmant et véridique selon elle. «Les gens sont traumatisés par le quartier Gare et cela est bien dommage parce que ce n’est pas comme on le dit. Il faut mettre de la positivité sur ce quartier», assure-t-elle. D’origine albanaise – et luxembourgeoise depuis trois ans –, la gérante de Look Tic Chic est récente dans le quartier, mais en est déjà une fervente défenseuse. Avant de lancer son magasin, Eda Tafilaku tenait un pop-up store à deux pas, au 15, avenue de la Gare. Sur place pendant 11 mois, elle a pu tâter le terrain sans jamais rencontrer l’un des problèmes récurrents que l’on prête au quartier : «Je suis plus ici que chez moi et il ne m’est jamais rien arrivé, je n’ai jamais eu de casse ni de problème avec des personnes sans abri ou qui font la manche.»

«Tu es complètement folle»

L’ouverture de son magasin dans la même avenue traduit son attachement au quartier. «En tout cas, c’est bien d’avoir eu le courage de vous lancer parce que ce n’est pas facile, ici», la félicite Isabelle, une cliente venue découvrir cette nouvelle enseigne. Lors de l’installation, Eda Tafilaku a surtout dû se confronter aux réactions de son entourage face à son choix, d’autant plus qu’elle occupait alors un poste de comptable pour une fiduciaire. Faire le grand saut dans le commerce au quartier Gare n’avait donc rien de rassurant. «Tout le monde me disait : « Ce n’est pas bien là-bas, il faut y réfléchir deux fois.«  Même mon patron de la fiduciaire m’a dit : « Mais tu rigoles, tu es complètement folle, il ne faut pas faire cela« 

Malgré ces avertissements, le temps semble désormais lui donner raison. Un succès qui revient aussi à la Ville et l’Union commerciale de la Ville de Luxembourg (UCVL) qui ont soutenu son projet depuis le pop-up. Après avoir déposé une candidature pour louer une boutique éphémère auprès de la Ville, Eda Tafilaku a été retenue et a obtenu de précieux soutiens. Pour chaque pop-up, «nous analysons leurs besoins, où ils en sont dans leur business plan, s’ils ont besoin d’accompagnements administratifs» explique la directrice de l’UCVL Anne Darin, présente lors de l’inauguration. Puis, des conseils en matière de communication, de matériel, de marketing ou encore de législation sont donnés. Du côté de la Ville, cette dernière soutient financièrement les commerçants en proposant un loyer accessible, entre 650 et 2 250 euros selon la situation.

Le soutien des clients

Une fois le pop-up réussi, l’essai a donc été concrétisé par le lancement d’un magasin fixe dans un local trouvé avec le soutien de la Ville. Une véritable réussite pour le premier commerce d’une ex-comptable dans le quartier Gare, en sachant qu’en moyenne «un commerçant sur quatre ouvre un commerce après un pop-up», confie Anne Darin. Concernant l’emplacement de Look Tic Chic, «cela démontre qu’avec des produits qui correspondent à des attentes de la clientèle, c’est tout à fait possible de s’installer quartier Gare». Et cette inauguration est loin d’être un coup de publicité pour redorer l’image du quartier. «Les commerçants ne sont pas des philanthropes, on ne s’installe pas quartier Gare pour s’installer quartier Gare, ils ont besoin de vivre», affirme la directrice de l’UCVL.

«En tout cas, moi j’aime bien le quartier Gare», revendique fièrement Eda Tafilaku. Désormais accompagnée de son fils, salarié à plein temps, et de deux stagiaires, elle espère  «avoir plus de succès qu’avant». Depuis deux semaines, la belle histoire suit son cours et de nouveaux clients se mêlent aux habitués qui fréquentaient déjà le pop-up et qui ne cessent de la féliciter. «C’est grâce aux clients que j’ai eu envie de rester» dit-elle, reconnaissante. Face au contexte économique et la morosité ambiante autour du quartier Gare, «il faut venir nous aider, nous apporter du soutien. Même juste un petit mot, cela nous fait plaisir.»