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[Élections européennes] Raymond Remakel : «Il faut élargir le Parlement européen aux citoyens»


En fauteuil depuis une trentaine d’années, Raymond Remakel est particulièrement engagé sur la question du handicap, notamment au niveau associatif. (Photo: fabrizio pizzolante)

Après de bons résultats aux élections communales et législatives, le Parti pirate espère continuer sur cette même dynamique aux européennes. Avec l’ambition d’ouvrir un peu plus les institutions aux citoyens.

Ce ne sont pas les visages les plus connus du parti que l’on retrouve sur les affiches des pirates pour ces élections européennes. Les trois députés élus en octobre dernier à la Chambre, Sven Clement, Marc Goergen et Ben Polidori, préfèrent se concentrer sur leur mandat national plutôt que de partir au Parlement européen.

C’est donc Raymond Remakel, 60 ans, qui a pris la tête de la liste composée de Lucy Agostini, Nadine Do Carmo Freitas, Starsky Flor, Rebecca Lau et Vincenzo Turcarelli. Militant depuis de nombreuses années, ce comptable à la retraite compte bien faire des pirates une alternative aux grands partis.

Commençons par la liste. Les grands ténors des pirates sont absents au profit de personnalités moins médiatiques.

Raymond Remakel : C’était un choix honnête envers nos électeurs. On avait demandé à nos trois députés s’ils étaient partants pour les européennes. Ils ont tous les trois dit non parce qu’ils ont reçu un mandat lors des dernières élections nationales pour aller à la Chambre des députés et qu’ils veulent le respecter.

On a alors fait le choix, simple en fait, de créer une nouvelle liste avec des têtes peut-être moins connues, mais toutes disponibles pour aller à Bruxelles ou à Strasbourg.

N’avez-vous pas peur de manquer de visibilité ?

Évidemment, on sait qu’on n’a pas les grandes têtes de notre parti qui pourraient ramasser des voix. Mais on n’aurait pas pu être les pirates et rester sur notre philosophie tout en mettant des têtes sur la liste qui n’auraient de toute façon pas voulu aller au Parlement européen.

Quel résultat espérez-vous pour ce scrutin ?

On vise un siège. Mais bon, le score final, c’est l’électeur qui va le décider le 9 juin. Évidemment, on sait qu’on ne part pas en favori dans ces élections-ci.

Avec les communales puis les législatives, les pirates sont sur une bonne dynamique et ont gagné des sièges. Est-ce que celle-ci peut continuer sur les européennes ?

Normalement, elle va continuer. Quand je regarde un peu mes réseaux, à chaque élection, effectivement, la visibilité des pirates est beaucoup plus grande. D’ailleurs, tous les ans, on a plus d’adhérents que l’année précédente. C’est un bon signe qui prédit encore un bel avenir pour les pirates.

Quelles sont les grandes lignes de votre programme ?

C’est d’abord un peu plus de participation citoyenne. C’est-à-dire, comme pour la philosophie de notre parti, aller de la base vers le haut. On veut faire la même chose avec les citoyens, qu’ils aient leur mot à dire et pas seulement lors des élections.

Pour cela, on veut créer au Parlement européen un e-tool pour que les gens intéressés puissent donner leur avis sur les projets de loi. Il faut élargir le Parlement européen aux citoyens. On veut également créer plus de référendums pour que les gens puissent s’exprimer.

D’ailleurs, dans notre programme électoral, on souhaite aussi que le président de la Commission européenne soit élu lors des élections européennes, ce qui n’est malheureusement pas le cas aujourd’hui.

Ensuite, on veut proposer des solutions nouvelles face aux industries qu’on a perdues. On veut redynamiser l’énergie renouvelable, je pense au soleil ou au vent, mais on exclut le nucléaire.

On veut également réimplanter des secteurs essentiels pour l’Europe, comme le pharmaceutique, pour qu’on soit moins dépendant de pays tiers. Il faut créer nos médicaments ici pour les distribuer en Europe

On voudrait aussi créer une citoyenneté européenne. Les gens qui le souhaitent pourraient obtenir un passeport européen qui leur donnerait un sentiment d’appartenance plus fort. Mais ça demande que l’on change certains traités.

l reste aussi encore beaucoup à faire pour harmoniser les règles de travail. On veut créer un droit de la famille, c’est-à-dire que les familles aient les mêmes droits lors du mariage, du divorce, au niveau des enfants mais aussi pour le partage des responsabilités.

Enfin, on est contre le contrôle des conversations sur les téléphones, que ce soit sur WhatsApp ou les réseaux sociaux. Nous voulons le secret postal au niveau des smartphones. Si on écrit un e-mail, on veut qu’il soit entre le destinataire et nous, pas qu’il soit d’office lu par une machine puis traité selon des mots-clés.

La transparence, c’est la base

Pour revenir sur la démocratie participative. Vous pensez pouvoir la généraliser alors que beaucoup de gens ne sont pas intéressés par l’Europe ?

C’est par là qu’on veut commencer. Il y a effectivement des gens qui ne sont pas très intéressés par l’Europe. Mais il faut poser la question : pourquoi? Simplement parce qu’ils n’ont pas leur mot à dire, et c’est ça qu’on veut modifier.

Sur la plateforme des pirates, il est possible de communiquer avec le parti pour dire ce qu’on pense ou ce qu’on veut changer. Pour l’Europe, il serait pertinent que ceux qui s’intéressent à certains projets de loi puissent donner leur avis. Et avec ça, on crée une appartenance du citoyen à l’Europe.

Un autre sujet lié à la démocratie participative, c’est la transparence qui est importante pour les pirates.

On pratique la transparence. Vous l’avez vu ici au Luxembourg, on n’a pas hésité à aller devant les juges pour obtenir l’accès aux contrats signés par le gouvernement. Actuellement, au Parlement européen, les pirates veulent voir le contenu exact des échanges d’Ursula von der Leyen lors des contrats pour les vaccins contre le covid. La transparence, c’est la base, on ne peut pas avoir la confiance des citoyens si on n’est pas transparent avec eux.

Vous êtes personnellement assez engagé sur les questions de handicap. Est-ce que c’est quelque chose que vous voudriez porter aussi au Parlement européen si vous étiez élu ?

Oui, bien sûr. Ça fait trente ans que je suis bénévole dans le secteur du handicap. C’est quelque chose qui est fortement ancré en moi. Si je suis élu, je mettrai un grand accent là-dessus. Prenons, par exemple, la carte européenne du handicap.

On est content qu’elle existe, mais malheureusement, elle n’est pas bien faite. Si une personne handicapée avait été impliquée dans le processus, elle serait certainement différente. Elle prévoit des entrées gratuites réduites, un accès prioritaire, des guides audio en braille…

Tout ça, c’est très bien, mais le problème, c’est que les avantages diffèrent d’un pays à l’autre. Et si vous voulez visiter un musée, parfois, vous n’avez pas de rampe d’accès pour les personnes à mobilité réduite; par contre, elles ont le droit à une entrée gratuite. Mais qu’est-ce qu’elles en font de cette entrée?

Quel est le positionnement du Parti pirate. Marc Goergen avait parlé dans nos colonnes d’un supermarché de la politique. Mais le fait d’être ni de gauche, ni de droite est souvent critiqué par vos adversaires.

Le Parti pirate est un parti ouvert. On fait de la politique autrement que les autres, sans tomber dans les extrêmes. Ça, c’est très important. On est au milieu et je pense que c’est pas mal. Notre parti a été créé il y a quelques années et on a beaucoup de gens de gauche et de droite, donc on possède des forces des deux côtés.

Regardez par exemple les partis de gauche : dès qu’il y a une proposition qui vient de la droite, ils se ferment. Nous, on pense qu’on a besoin d’une politique ouverte où l’on peut écouter les deux côtés. On nous reproche de tourner avec le vent, mais ce n’est pas vrai.

Un des enjeux de cette élection, c’est la montée des partis nationalistes et de l’extrême droite qui représentent pour certains une alternative. Est-ce que les pirates pourraient récupérer ces électeurs ?

Les gens qui votent pour les extrêmes sont souvent déçus des grands partis. Donc, ils veulent montrer qu’ils ne sont pas d’accord. Mais ça ne veut pas dire qu’ils adhèrent à l’ADN des partis d’extrême droite. Et c’est à ces gens-là qu’on veut dire « Pensez aux pirates, on est une alternative. Vous pouvez voter pour nous et montrer aux grands partis politiques que vous n’êtes pas d’accord. Votre vote sera bien utilisé. Et vous aurez la certitude que vous n’avez pas soutenu une mouvance d’extrême gauche ou d’extrême droite.«