L’ancien ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn, indique qu’il y a plusieurs raisons possibles à la montée de l’extrême droite, mais qu’il faut maintenant se battre pour le projet européen.
Il a été le doyen des ministres des Affaires étrangères à Bruxelles, où il a côtoyé ses partenaires européens pendant vingt ans. Il estime que tous ceux qui ont œuvré pour l’Europe, au cours de ces deux dernières décennies, peuvent garder la tête haute. «Cette montée de l’extrême droite était prévisible», reconnaît Jean Asselborn, l’ancien ministre socialiste, aujourd’hui retraité. «Mais ce n’est pas une réaction à une crise. Cette montée de l’extrême droite ne vient pas des pays de l’Est, mais des pays fondateurs de l’Union, même au Luxembourg dans une moindre mesure», observe-t-il.
Le siège décroché par l’ADR n’est pas une surprise, le parti l’avait vu lui échapper de peu il y a cinq ans. Sans compter que les membres du parti alternatif réformateur ne sont pas considérés au Luxembourg comme des extrémistes eurosceptiques, mais comme des populistes affiliés au groupe politique européen des Conservateurs et réformistes européens. Le Rassemblement national de Jordan Bardella, lui, pointe au PID, le parti Identité et Démocratie qui réunit les droites nationalistes. L’eurodéputé Fernand Kartheiser, de l’ADR, est arrivé en 15e position nationale. Dans les six meilleurs élus, il y a trois socialistes.
«On a montré notre capacité à réagir rapidement»
Le succès de ces droites nationalistes «est difficile à expliquer rationnellement», selon Jean Asselborn. Il y a bien eu deux grandes crises que l’UE a dû gérer, «mais il ne faut pas oublier que les recherches sur les vaccins ont été menées en Europe», rappelle-t-il, et que «chaque Européen a pu se faire vacciner».
Puis il y a eu le plan de relance «NextGeneration EU» postcovid dans lequel les Européens ont accepté d’investir plus de 800 milliards d’euros pour «sortir plus forts de la pandémie», comme le soulignait la Commission européenne. «C’est pour améliorer la transition numérique, transformer nos économies, pour l’écologie et notre résilience. Nulle part ailleurs, des aides aussi importantes n’ont été consacrées au redressement après la crise.»
L’ancien ministre s’interroge : «Qu’est-ce que l’Europe a fait de mal ici?». Idem pour la guerre en Ukraine : «On a montré notre capacité à réagir rapidement en ce qui concerne les sanctions, les aides, mais on peut toujours dire que ce n’est pas assez», déclare Jean Asselborn.
«Ne pas baisser les bras»
Et la crise migratoire dans tout ça? «Ce n’est pas seulement une réaction à l’arrivée plus massive de migrants, c’est aussi une réaction contre tout ce qui se rapporte aux mouvements LGBT et, surtout, c’est une réaction contre l’establishment», analyse Jean Asselborn. Il ajoute que les Européens «ont peur de perdre leur identité et leurs avantages».
Malgré ces résultats peu encourageants pour le projet européen, l’ancien ministre des Affaires étrangères refuse de sombrer dans le pessimisme. «Il ne faut pas baisser les bras, ni accepter ce qu’il s’est produit et encore moins accepter l’idée que l’UE est morte», dit-il. À contrecœur, il admet que ceux qui veulent détruire l’Europe «ont un langage clair» alors que ceux qui veulent la défendre, ceux qui aspirent à l’intégration européenne, «ceux-là savent que même les grands États ne peuvent résoudre les grands problèmes seuls».
Européen convaincu, Jean Asselborn se met à imaginer les grandes familles politiques pro-européennes former une coalition, entre PPE, socialistes, Verts et libéraux. «Je suis sans doute un idéaliste, mais ils ont une large majorité au Parlement et il faut trouver une coalition qui soit capable de se mettre d’accord quant au fond.»
«Il faut se battre»
Il est tout naturellement opposé à toute négociation «directe ou en coulisses» avec ceux qui ne sont pas pro-européens. «Il faut dire aux populistes que ça ne marche pas!» Et il n’y aura pas de coalition sans les socialistes en Europe. «Il faut se battre!», encourage-t-il avec force.
Enfin, Jean Asselborn se réjouit du résultat obtenu par le LSAP, qui améliore son score de près de 10 %. «Le problème pour nous, socialistes, qui sommes le deuxième parti au Parlement européen, c’est que nous avons un nombre très limité de chefs d’État et de gouvernement», reconnaît-il.
Quant au poste de commissaire européen, promis à Christophe Hansen par la coalition CSV-DP, il n’est pas encore certain qu’il le décrochera. Nicolas Schmit, Spitzenkandidat des socialistes en Europe, a de l’expérience et Jean Asselborn sait que le chancelier allemand, Olaf Scholz, va poser des conditions «au-delà de la famille social-démocrate».