Faire barrage à l’extrême droite et réussir la transition énergétique sont les leitmotivs du programme du DP et de sa jeune tête de liste, Amela Skenderović.
Lors des élections européennes de 2019, le DP avait fait sensation en gagnant un deuxième siège, au détriment du CSV. L’objectif pour 2024 est de conserver cet acquis en misant sur l’eurodéputé chevronné Charles Goerens et un nouveau visage peu connu du grand-public, Amela Skenderović. Fervente défenseuse des droits des femmes, cette enseignante âgée de 28 ans s’appuie sur son profil hors des cases et son rapport aux jeunes générations pour convaincre les électeurs.
Le slogan du DP pour cette élection est « L’Europe. Renforcer ce qui nous protège« . En quoi l’Europe a-t-elle besoin d’être renforcée? L’Europe est-elle en danger ?
Amela Skenderović : Nous voulons absolument que la liberté des Européens soit garantie, que leur position dans la société soit consolidée, je pense notamment aux agriculteurs, aux entrepreneurs, aux étudiants…
J’ai l’honneur de relever ce défi avec Charles Goerens qui est un spécialiste des institutions européennes. Ensemble, nous pensons que certains mécanismes de ces dernières sont désuets et doivent être renouvelés pour garantir un meilleur fonctionnement.
Nous avons également besoin de renforcer les valeurs européennes mises à mal par la croissance des partis de l’extrême droite. Je pense à la liberté, la solidarité, l’État de droit… Je suis enseignante, pour moi, il est très important de donner aux générations futures toutes les chances pour construire leur avenir.
Est-ce que l’Europe est en danger? Pour la première fois, l’Union européenne va être constituée de partis d’extrême droite qui vont probablement former la coalition. Ce sont des partis qui, dans leur rhétorique, colportent des propos eurosceptiques, xénophobes, et là, nous pouvons véritablement nous poser la question de ce que sera l’Europe après ces élections.
Comment le DP dans son programme compte lutter contre la montée des partis d’extrême droite ?
Les partis d’extrême droite proposent toujours des solutions très simples à des problèmes complexes ou, parfois, nient des faits qui sont bien réels, par exemple le changement climatique. Ce que nous voulons faire, c’est proposer des solutions concrètes pour les problèmes présents et à venir.
Nous n’allons pas nous éloigner de nos engagements envers le Green Deal ou envers les accords de Paris. Nous allons devoir assumer notre rôle et nous placer en première ligne en ce qui concerne la transition énergétique.
L’environnement est le sujet qui, pour les Luxembourgeois, est prioritaire. Est-ce que vous pouvez préciser à nos lecteurs, comment vous comptez défendre ce sujet ?
Comme dit, nous sommes très attachés à nos engagements envers le Green Deal et aux accords de Paris. Nous devons absolument veiller à ce que d’ici à 2030 nous atteignons la neutralité carbone. Pour ce faire, nous devons adopter quelques changements. Par exemple, je pense que nous devons davantage investir dans l’industrie des voitures électriques.
Nous devons aussi motiver nos entreprises à se lancer dans la transition écologique. Ce défi environnemental doit être abordé par tout le monde, non seulement par les gouvernements et les citoyens, mais aussi par les entreprises.
Nous allons devoir nous placer en première ligne en ce qui concerne la transition énergétique
Comment le DP compte aider les agriculteurs dans cette transition énergétique ?
Charles Goerens est agriculteur, il comprend parfaitement ce milieu. Ce qui ressort des manifestations, c’est que les agriculteurs sont insatisfaits avec la politique qui se fait à Bruxelles. Une politique qui ne les prend pas en compte.
Nous voulons que la politique agricole soit faite main dans la main avec eux, parce qu’ils garantissent notre approvisionnement alimentaire. Nous devons mobiliser des fonds pour les aider, notamment les jeunes agriculteurs, dont le nombre est en nette diminution. Il s’agit d’une de nos priorités.
Nous devons aussi nous protéger des dangers des pays tiers. Nous devons implanter des clauses miroirs où les producteurs et des agriculteurs de pays tiers respectent les mêmes normes que les agriculteurs et les producteurs européens.
Accueillir de nouveaux États membres au sein de l’Union européenne fait partie des points majeurs de votre programme. Selon vous, qu’est-ce que cela pourrait apporter de bénéfique à l’UE ?
Mes parents sont originaires du Monténégro. Ce pays fait partie de ceux qui ont les meilleures chances pour devenir un État membre et, selon moi, les efforts doivent venir des deux côtés. D’un côté, l’Union européenne doit se réformer pour mieux fonctionner. Je pense au principe de l’unanimité par exemple, qui, peut-être, doit être repensé. Quant aux pays candidats, ils doivent faire de leur mieux pour s’approcher des 14 critères de Copenhague.
Qu’est-ce que ça peut avoir comme bénéfice ? Si je pense aux pays des Balkans, ils peuvent être des partenaires géostratégiques très intéressants. Ils sont à côté de la Méditerranée et les intégrer nous permet de ne pas risquer de les perdre au profit de puissances comme la Russie, la Turquie ou la Chine.
Je pense que l’accession à l’Union européenne doit être faite en plusieurs étapes. On doit pouvoir les intégrer dans notre marché intérieur, puis dans la zone Schengen et dans notre zone monétaire.
Au niveau européen, quels sont les efforts à mobiliser pour mettre en avant les femmes et les jeunes ?
Dans quelques pays, le droit à l’avortement a été remis en question. L’Union européenne doit veiller à ce que cela reste un droit pour toutes les femmes, tout comme l’accès aux services médicaux.
Quant aux jeunes, on observe une tendance dans tous les pays européens où ils sont de plus en plus attirés vers les partis de l’extrême droite. C’est là où, nous, les partis du centre, nous devrions nous remettre en question : qu’a-t-on fait ou ce qu’a-t-on oublié de faire ? Nous devrions, par exemple, revoir notre communication.
Enfin, je travaille dans une école de commerce où l’entrepreneuriat est toujours mis en valeur. Il faut mettre en avant le statut de jeune entrepreneur, comme cela a été fait en Belgique, et développer cela au niveau européen pour ne pas perdre de talents.
Pouvez-vous décrire les points forts de votre duo avec Charles Goerens ?
Je crois que c’est une tendance qu’on voit dans beaucoup de partis. Avec d’un côté, une personne plus établie et de l’autre côté, un nouveau visage. Charles Goerens est un expert des institutions européennes. C’est un homme qui a beaucoup d’expérience.
Je n’ai pas cette expérience politique, mais j’apporte des perspectives plus jeunes aux problématiques d’aujourd’hui. Aussi, j’ai ce contact quotidien avec les jeunes dans mon travail dans lequel je vois vraiment quels sont leurs problèmes. On peut regarder les sondages et les rapports, mais moi, je suis à la source, je parle avec mes élèves. C’est un feed-back que je peux apporter aussi à notre campagne électorale.
En 2019, Monika Semedo, tête de liste du DP, avait pesé dans les résultats. Comme vous l’avez dit, votre visage est un peu moins connu du grand public. Comment vivez-vous la comparaison et qu’est-ce que vous apportez ?
Je ne ressens pas le besoin de me comparer avec madame Semedo. Le résultat qu’on a eu en 2019 a été fantastique et l’on sort de deux campagnes électorales couronnées de succès. On voit que les gens s’identifient au DP.
Notre équipe est dynamique, la vie de nos candidats a été, d’une manière ou de l’autre, marquée par ce thème européen. Il faudra voir les résultats, mais je crois que les retours que nous avons reçus jusqu’à présent sont très positifs. Nous avons une équipe qui trouve beaucoup de résonance avec le grand public et j’espère voir cela dans les résultats du 9 juin.
Je n’ai pas un nom de famille qui est très connu. Je ne viens pas d’une famille politique établie. Mes parents sont des réfugiés qui sont venus ici pendant la guerre en Yougoslavie. C’est un parcours pas commun, mais c’est quelque chose de super pour les habitants du Luxembourg qui peuvent s’identifier.
Si seulement l’UE pouvait cesser tout simplement de fonctionner et de ficher la paix aux gens.
Oui, réduire les salaires et donner plus de pouvoirs aux pays membres et surtout définir ce qui est une question européenne et ce qui est une question nationale. Et pour les questions vraiment européennes, introduire un système de vote plus simple pour accélérer les décisions.