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[Élections européennes] Alexandra Schoos : «Notre intention n’est pas de détruire le projet européen»


«On a tendance à évoquer le pire en mettant en garde contre un virage à droite», déplore Alexandra Schoos.

Présidente, députée et candidate aux européennes, Alexandra Schoos défend l’idée de l’Europe des Nations, mise en avant par l’ADR. Elle réfute tout lien avec les partis extrémistes anti-UE.

Avec Fernand Kartheiser comme tête de liste, l’ADR aborde les élections européennes du 9 juin avec le doyen de ses députés. Dans la course se retrouve également Alexandra Schoos, qui à 36 ans a été élue en octobre dernier à la Chambre avant de prendre en mars la présidence du Parti réformiste d’alternative démocratique.

Avec le député nordiste Jeff Engelen, ainsi que Sylvie Mischel (présidente des ADR Fraen), Nicky Stoffel (conseillère d’État) et Alex Penning (secrétaire général honoraire) l’objectif est clair : décrocher un tout premier siège au Parlement européen.

Vous plaidez en priorité pour le maintien d’une Europe des Nations. Quel est plus précisément le concept que vous défendez ?

Alexandra Schoos : On plaide pour qu’on ne touche pas au modèle de fonctionnement actuel. Les compétences qui incombent à l’UE doivent être maintenues tout comme celles qui sont du ressort des États membres. D’autres partis se disent favorables à une Europe fédérale.

On se positionne clairement contre un tel concept. On ne veut pas d’un gouvernement européen, où les Parlements nationaux sont mis hors-jeu. Un exécutif européen serait certes élu, mais quel serait alors encore le poids de petits pays comme le Luxembourg ? D’où notre revendication d’une Europe des Nations. On a besoin de cette coopération, notamment pour continuer à développer le marché intérieur.

L’ADR s’engage pour un Luxembourg fort en Europe. Le fait de moins miser sur le confédéralisme ne risque-t-il pas d’affaiblir justement la position d’un petit pays comme l’est le Grand-Duché, par exemple en période de crises majeures ?

Cela dépend des scénarios dans lesquels on se trouve. Dans le domaine des finances ou de la fiscalité, où le Luxembourg peut se retrouver plus isolé, il est important de pouvoir éviter qu’une décision européenne enfreigne les intérêts de notre pays.

On touche ici au principe de l’unanimité qui selon nous doit être absolument maintenu en matière de politique budgétaire, mais aussi de politique extérieure et de sécurité.

Pour permettre à l’UE d’avancer, ne faudrait-il pas mettre fin à ce principe d’unanimité ?

Si l’on se dirige vers une prise de décision à majorité qualifiée, le Luxembourg risque d’être impuissant face aux décisions prises par les grands États. Car, ce ne sera pas le seul nombre de voix qui comptera, mais le vote sera aussi conditionné par le nombre d’habitants que représente un pays.

Une minorité de pays pourrait alors prendre des décisions au nom de l’ensemble de l’UE, ce que l’ADR réfute catégoriquement dans les trois domaines clés précités. Il est préférable que les Vingt-Sept se mettent à table pour dégager un compromis.

Les opposants vont rétorquer que cela dilue trop les positions, mais cette recherche d’un consensus est l’essence même de l’UE. Notre force doit être de pouvoir discuter ensemble en tenant compte des spécificités de tous les pays membres.

Un de ces compromis atteint au forceps est celui sur le Pacte migratoire. Ce nouveau cadre visant à renforcer notamment les frontières extérieures correspond-il aux engagements défendus par l’ADR ?

Il nous importe surtout qu’un cadre légal clair sera enfin d’application. On plaide pour des procédures rapides, dignes et équitables. Les personnes qui ont un droit à l’asile sont bien entendu les bienvenues. Le respect des droits de l’homme doit être soumis à un contrôle, peu importe si les procédures sont lancées aux frontières extérieures ou dans des pays tiers.

Il est dans l’intérêt des réfugiés d’être rapidement fixés. Ce qui nous dérange est l’immigration illégale, qui encourage la fuite de cerveaux dans les pays d’origine des migrants. Ces personnes, en partie hautement qualifiées, ont besoin d’autres perspectives. Il faut davantage investir pour aider les pays concernés à se relever au lieu d’accueillir tous ces migrants en Europe.

Chaque citoyen doit avoir le choix sur comment et dans quelle mesure il s’engage pour la transition écologique

Même un Parti populaire européen (PPE), auquel adhère le CSV, ne ferme pas la porte à un « modèle Rwanda » visant à délocaliser les procédures d’asile dans des pays tiers plus lointains. L’ADR cautionne-t-il un tel modèle ?

L’idée n’est pas d’envoyer les migrants et demandeurs d’asile aux quatre coins de leur continent d’origine. Par contre, les demandeurs d’asile déboutés doivent pouvoir bénéficier d’un retour en toute sécurité.

Un des projets phares de la Commission européenne sortante est le Green Deal. En ce qui concerne la politique de protection de l’environnement, l’ADR adopte toutefois une position plus modérée. Pourquoi ?

Chaque citoyen doit avoir le choix sur comment et dans quelle mesure il s’engage pour la transition écologique. Il ne doit pas y avoir d’obligations. Les gens doivent agir par conviction. Les conditions de vie de tout un chacun sont à prendre en compte afin d’opter pour un type de voiture ou de chauffage.

De manière plus globale, nous sommes d’avis que l’on peut faire plus pour le climat en mettant davantage à contribution les pays qui figurent parmi les grands pollueurs. Les citoyens ont du mal à comprendre pourquoi, eux, ils doivent changer leurs habitudes alors que les plus grands émetteurs de CO2 sont davantage épargnés.

Dans ce même contexte, l’ADR se dit opposé à tout miser sur les énergies renouvelables. En dépit des risques de sécurité, le nucléaire reste-t-il à vos yeux une technologie viable ?

Pour le moment, le nucléaire figure toujours parmi les sources d’énergie les plus neutres en termes d’émissions de gaz à effet de serre. On ne se referme pas aux énergies renouvelables, à condition que ce soient bien ces technologies qui s’imposeront sur le marché. Pour nous, l’ouverture à tous les types de technologies doit primer.

Le captage de CO2 est une option. Mais pour revenir au nucléaire, il est très clair que la sécurité des centrales doit être assurée, en Europe, mais aussi aux abords des frontières luxembourgeoises. Il nous faut investir dans le renforcement de la sécurité, même si le risque zéro n’existe pas.

Cela vaut aussi pour l’effet que peut avoir l’exposition permanente aux batteries des véhicules électriques. On connaît déjà les problèmes liés aux ondes émises par les téléphones portables. Il faut en tenir compte.   

Il est attendu que le scrutin du 9 juin donnera lieu à un virage à droite très poussé. Les conservateurs du centre-droit flirtent avec les positions des partis populistes et d’extrême droite pour endiguer ce phénomène. Comment se positionne l’ADR sur cet échiquier ?

L’intention de l’ADR n’est certainement pas de détruire le projet européen depuis l’intérieur. En tant que Luxembourg, nous avons besoin de l’Europe et d’une Union européenne. L’ADR n’est donc certainement pas sur la même ligne que défendent certains partis qui sont opposés à l’UE.

En même temps, il faut se poser la question de savoir en quoi consiste vraiment le virage à droite qui est mis en perspective. Ces dernières années, ce fut plutôt une politique de gauche qui a dominé en Europe. Elle était peut-être trop déconnectée de la réalité, ou du moins les partis concernés n’avaient pas vraiment conscience de l’impact des politiques menées.

On a tendance à évoquer le pire en mettant en garde contre un virage à droite, mais dans les faits, il me semble normal de retrouver la nécessaire balance entre les orientations politiques.

À quelle famille politique européenne adhère l’ADR ?

On est déjà membre du groupe des Conservateurs et réformistes européens (ECR) dont le programme ne comprend aucune position anti-UE. Pour le reste, il faudra, comme après chaque élection, qu’une coalition se forme.

Il faudra voir quelles sont les positions et points défendus par les différents partis présents au Parlement européen. Et puis, il ne faut pas oublier que nos six eurodéputés ne sont pas seulement élus pour défendre les intérêts de leurs familles politiques européennes. En priorité, ils défendent les intérêts du Luxembourg.

Cette tendance des électeurs de voter plus à droite peut-elle renforcer les chances de votre parti de décrocher un tout premier siège au Parlement européen ?

Notre espoir est que nous allons pouvoir convaincre les électeurs avec nos idées et convictions. Elles peuvent être de droite, de gauche ou du centre. Les personnes qui votent ADR sont d’accord avec les points repris dans notre programme électoral et sont d’avis que l’on pourra bien représenter le Luxembourg en Europe.

Je trouve un peu simpliste d’affirmer que l’on va récolter plus de voix en raison du virage à droite qui s’annonce. On fait de notre mieux pour être présent sur le terrain lors cette campagne, aussi pour lever auprès des gens certains préjugés sur l’ADR.

Il s’est avéré que beaucoup de jeunes ont voté ADR lors des législatives. La tendance de voter plus à droite semble se confirmer pour ces européennes. S’agit-il d’un atout supplémentaire pour obtenir un siège ?

Il est clair que nous voulons aussi emmener les jeunes avec nous. Ils représentent le présent et le futur. Néanmoins, la politique européenne peut être plus éloignée aux yeux de la jeune génération que la politique nationale. Il nous faut dès lors tenir compte de leurs inquiétudes, qui sont souvent liées à des domaines nationaux.

Mais la politique extérieure et de sécurité les préoccupent également. On tente de discuter ouvertement avec eux. En même temps, nos eurodéputés doivent à nouveau se rapprocher plus du Luxembourg et de ses citoyens. La politique européenne doit devenir plus palpable, aussi pour mieux expliquer aux jeunes le fonctionnement complexe de l’UE.