ÉLECTIONS FLF Le 15 octobre, les clubs renouvelleront-ils depuis Strassen la confiance à Paul Philipp et à son équipe, ou mèneront-ils une petite révolution en confiant les clefs à Claude Kremer ? Rencontres (1/3).
Dix-huit ans que Paul Philipp a pris la présidence de la fédération des mains d’Henri Roemer. Depuis, il n’a dû que résister à la candidature d’Yves Bourgnon en 2010. C’est donc un petit évènement que de le voir opposé, pour l’élection du 15 octobre, à un futur ex-membre de son conseil d’administration, Claude Kremer.
Le moment est important puisque le challenger défend l’idée que la FLF n’a pas pris le tournant du modernisme, notamment en termes de communication et de marketing. Alors que Paul Philipp dit être conscient de ces problématiques, avancer lentement mais sûrement et «surtout penser au jeu», Claude Kremer assure qu’il est vital de s’y pencher maintenant et avec force. Bref, l’un attaque, l’autre défend. Un programme d’un côté et un bilan de l’autre ? C’est un peu comme ça qu’ils se vendent l’un l’autre. Normal, donc, que l’un parle plus que l’autre.
Pourtant, rencontrer les deux candidats, aujourd’hui, est excessivement riche de réflexions. D’autant que les préoccupations immédiates de l’un ne sont pas forcément celles de l’autre. Aussi avons-nous décidé de découper ces interviews en thématiques bien distinctes afin d’appréhender tous les sujets. Et cela prendra quelques jours…
LE MARKETING
CLAUDE KREMER
La nécessité de mettre en œuvre un concept marketing concret est au cœur de votre stratégie. Pourquoi ?
Claude Kremer : Parce que l’image que la FLF donne d’elle-même est au point 0. Un exemple concret : en futsal, Differdange, mené 3-0, l’emporte 3-4 (NDLR : fin août, contre les Albanais de Tirana, pour accéder au tour principal de Ligue des champions). C’es un exploit d’un des membres de la famille du foot luxembourgeois Ce match a lieu le 27 août. On publie l’information sur le site… le 31. Et pas un texte qui vient de chez nous, non : la publication du FCD03 ! En termes de communication, c’est une catastrophe. La volonté de communiquer, dans ce monde qui désormais ne fait que ça, est absente. Mais on manque de personnel – on est clairement en sous-effectifs à la fédération – et on n’a jamais pris le chemin que l’on devait prendre. Il nous faut quelqu’un pour s’occuper de ça.
À quel point la FLF vous semble-t-elle être en retard sur le sujet ?
Quand je vois ce que font des clubs comme le F91, le RFCU, le Progrès… Eux se sont bien emparés de la chose et en sont à un niveau encore plus élevé que leur propre fédération. D’ailleurs, on n’arrive pas du tout à suivre.
Regardez notre nouveau site internet : il est arrivé un an après avoir été annoncé et j’ai déjà entendu plein de clubs se plaindre et regretter l’ancien. Il a même d’ailleurs été lancé juste avant un week-end sans en avertir qui que ce soit et Mondercange a été assailli par les coups de téléphone des clubs qui ne parvenaient pas à remplir les feuilles de match parce que l’extranet était bloqué.
Bref, à ce niveau, on est en retard de dix ans si l’on compare par exemple à une fédération comme Malte, qui a un dizaine de publications par jour, des informations, des interviews… Nous, on a du mal à mettre plus que le score et les buteurs pour les matches internationaux… Il nous faut donc une personne de plus. C’est la vie qui manque à nos médias sociaux. On est au point mort.
Bref, vous voulez mieux vendre le produit ?
Oui. On a un produit, c’est le foot. Le foot, on y a joué, on y joue, on y jouera et peu importe qui sera président, le 16 octobre, mais on doit mettre en avant le produit, créer une vie autour de tout ça. C’est l’âme qui manque, en ce moment, à la fédération.
En matière de communication sur les réseaux, le gain est-il supérieur au coût ?
PAUL PHILIPP
M. Philipp, entendez-vous les critiques sur la marge de manœuvre énorme dont jouit la fédération en termes de marketing et de communication?
Paul Philipp : Ah mais on peut toujours faire mieux. Concernant le marketing, il y a actuellement chez nous un étudiant de la Lunex (NDLR : l’université du sport, basée à Differdange). Il est là depuis trois semaines, en stage pratique, pour étudier ce qu’on doit et peut faire mieux sur les réseaux sociaux, au niveau de la communication.
On peut améliorer aussi notre nouveau site, qui vient d’être créé, même si c’est avec un peu de retard, qui n’est pas de notre fait. Mais on a aussi un budget à respecter et il convient d’étudier l’intérêt que cela présente. Le gain est-il supérieur au coût ? Nous allons attendre ses conclusions.
Claude Kremer aimerait mettre plus de moyens humains dans ce domaine.
On a engagé deux nouvelles personnes qui ont commencé le 1er septembre pour ce qui est de la gestion des calendriers du football national. Nous en sommes désormais à 21 personnes. Ce nombre a plus que doublé depuis mon arrivée à la fédération, en 2004. Est-ce que cela peut encore beaucoup croître ?
LES STATUTS ET RÈGLEMENTS
CLAUDE KREMER
Les deux candidats évoquent des modifications nécessaires dans les statuts et règlements. Simplification, digitalisation, adaptation à l’époque. Que voulez-vous faire dans ce domaine ?
Claude Kremer : Déjà, ça me fait rire qu’un candidat propose une mise à jour alors qu’il est là depuis 18 ans déjà. Or jusque-là, on a juste fait des ajustements ponctuels mais le football moderne va très vite et il faut tout réadapter le plus vite possible. Notamment parce que nos statuts ne sont pas conformes aux situations que nous rencontrons sur le terrain.
On a des aberrations du genre : actuellement, en vue du congrès, si un club a, disons treize voix, il lui faut trouver treize personnes qui signent un document pour valider chacune de ces voix, quitte à courir après ces gens, le comité n’ayant parfois même pas treize membres. J’ai demandé à quoi ça servait, nos services m’ont dit « mais c’est comme ça, cela fait quarante ans qu’on le fait« . J’ai dit que ce n’était pas ma question et là, on m’a répondu qu’effectivement, on ne voyait pas l’intérêt.
Alors, on supprime ! C’est aussi ça la simplification. Comme répondre encore aux référendums par courrier avec accusé de réception, ce qui force certains bénévoles à aller faire la queue dans un bureau de poste et à perdre deux heures de leur temps alors qu’on pourrait répondre par ordinateur !
Là, c’est plus une question de digitalisation.
Aujourd’hui, en termes de digitalisation, on a dix ans de retard ! Il faut faire en sorte que nos bénévoles n’aient plus besoin de se battre comme ça au niveau administratif.
Vous voulez aussi vous attaquer au problème du statut des joueurs.
Pourquoi est-ce qu’on n’arrive pas à fixer un vrai statut les concernant ? À partir de quand faut il payer des impôts, des charges sociales, faire en sorte qu’en cas de blessures, ils soient couverts au niveau de la CNS via leur club et non pas via le travail qu’ils ont à côté ? Il va falloir discuter avec beaucoup de gens, mais c’est crucial. Alors il y a des élections l’année prochaine (il sourit) donc peut-être peut-on en profiter, mais c’est tellement important et complexe que je pense que cela va durer largement plus de deux ou trois ans.
PAUL PHILIPP
Vous avez, vous, un autre cheval de bataille en matière de statuts, c’est la pondération des voix des clubs.
Nous avons entamé des discussions sur la question en nous rendant compte que de nos jours, avec ce règlement du « une équipe engagée, une voix« , il ne faut pas une majorité de clubs derrière une réforme, mais une majorité de voix. Et des fois, les écarts sont énormes. Mais ce système existe depuis une quarantaine d’années et on en vient à se demander s’il ne faut pas un meilleur équilibre en la matière. Nous avons déjà posé les bases de la discussion et on va présenter un projet de réforme.
Une chance qu’il soit accepté par les clubs de l’élite, qui y perdront en influence alors qu’une grande partie de la réussite de ce « rééquilibrage« passe par leur bon vouloir ?
Je crois que les gros peuvent dire oui, effectivement. C’est d’ailleurs pour ça que nous avons créé un groupe de travail : pour poser les bases de la discussion. Mais vous savez, contrairement à ce qu’on pourrait croire, il n’y a jamais d’opposition réellement frontale entre les grands et les petits. Tout se fait en bonne intelligence. Les uns savent qu’en donnant quelque chose à un moment, ils obtiendront quelque chose en retour un peu plus tard et inversement.
D’autres modifications des statuts qui vous tiennent à cœur pour les années à venir ?
On propose trois nouveaux changements en octobre, mais on ne peut pas s’amuser à tout changer tout le temps non plus! C’est surtout la digitalisation qui nous occupe en ce moment mais pour revenir au football, parce que cela doit rester au cœur de nos préoccupations, si vous voulez savoir si on montera à 18 joueurs sur les feuilles de match ou si on octroiera cinq changements comme un peu partout dans le monde désormais, je vous répondrai que si c’est ce que les clubs souhaitent, d’accord. Mais ce genre de changements est-il souhaitable ou ne profitent-ils qu’à certains clubs seulement? Tout cela, on le verra mais ce n’est pas à nous de les proposer.
Il faudrait la gratuité pour les matches des dames pour ne pas décourager le public
LE FOOTBALL FÉMININ
CLAUDE KREMER
L’un de vos chevaux de bataille, à vous, l’ancien président de la commission des dames, serait l’intégration des filles à l’école de foot de Mondercange.
Claude Kremer : On doit arriver à l’égalité hommes-femmes et commencer à les accueillir ici. En tout cas, celles qui le veulent et le peuvent doivent trouver leur place. Nous devons pousser les murs pour elles.
Et comment soutenir encore plus le football féminin ?
Eh bien déjà, en acceptant les sponsors qui souhaitent mettre de l’argent exclusivement pour le foot féminin! J’ai deux exemples de partenaires qui seraient venus donner des sommes mais qui ne voulaient s’engager que dans le foot féminin. Il leur a été répondu qu’on ne pouvait pas sélectionner comme ça. Ils ont été bloqués parce qu’on demande aux sponsors de s’engager envers TOUT le football luxembourgeois. Il y a aussi un aspect qui me tient à cœur : alors que certains supporters râlent déjà d’avoir à payer dix euros pour voir un match de DN, je pense qu’il faudrait la gratuité pour les matches des dames pour ne pas décourager le public.
PAUL PHILIPP
Les dames rentrent depuis cette saison au Sportlycée. Suffisant à vos yeux ? Ou doivent-elles intégrer à terme le CFN ?
Paul Philipp : Le Sportlycée, c’est un premier pas mais pas une fin en soi. L’idée, c’est que de toute façon, il leur faut des heures de jeu en plus et l’on constate que grâce aux efforts des dernières années, elles arrivent déjà bien moins tard au football et qu’on leur apprend le football comme aux garçons. Pour les intégrer, toutefois, il faut trouver un terrain, des créneaux… Y aura-t-il un jour une école de foot pour jeunes filles. Il ne faut pas brûler les étapes comme l’UEFA a pu le faire en intégrant les petites nations aux éliminatoires qui viennent de s’achever.
Et qui vous ont en partie déçu ?
On a vu énormément de score à deux chiffres dans cette campagne. Dans notre groupe et dans d’autres. Je me demande si cela n’a pas fait plus de mal que de bien. Attention, je suis content pour nos filles et je les félicite pour leur campagne mais je me demande si un système comme la Nations League, avec système de montées et descentes, ne serait pas à l’heure actuelle plus indiqué.
Demain : le futsal, les aides financières, les infrastructures