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Éducation : les troubles «dys» mieux repérés grâce à des tests sur-mesure


Une avancée «historique» vers un traitement plus équitable de tous les élèves en difficulté, a jugé le ministre. (Photos : Fabrizio Pizzolante)

Les professionnels pourront désormais s’appuyer sur des tests adaptés au multilinguisme du Luxembourg dans le dépistage de la dyslexie ou la dyscalculie chez les enfants.

Les professionnels du secteur éducatif et psychosocial les réclamaient depuis longtemps : de nouveaux tests standardisés pour mieux dépister les troubles d’apprentissage chez les élèves sont maintenant disponibles.

Grâce à un travail scientifique mené par l’Université du Luxembourg et le Centre pour le développement des apprentissages (CDA), ils sont à présent taillés sur-mesure pour s’adapter au contexte multilingue du pays.

LuxLeseTest et LuxMatheTest, ce sont leurs noms, font partie d’une palette de nouveaux outils mis à disposition des centres de compétences et des psychologues, pédagogues et orthophonistes des équipes de soutien des élèves à besoins spécifiques (ESEB), tout comme un test baptisé Flux, centré sur les capacités cognitives de l’enfant.

Le travail d’évaluation facilité

De quoi faciliter le travail des évaluateurs et améliorer le repérage de la dyslexie, la dyscalculie ou la dysorthographie, aussi appelés troubles «dys», ou encore le déficit de l’attention (TDAH).

Car jusqu’ici, la situation linguistique très particulière du Grand-Duché compliquait considérablement la prise en charge précoce de ces élèves.

«On était obligés d’utiliser des batteries de tests allemandes ou françaises, ce qui posait problème puisqu’on comparait les scores d’enfants natifs avec ceux d’enfants qui ne parlent pas ces langues-là à la maison, mais le luxembourgeois, le portugais ou une autre langue», explique Charel Bleser, pédagogue au CDA, qui a participé à l’élaboration de ces tests. «Avec la conséquence directe de sur-évaluer ou sous-évaluer les compétences des élèves.»

Des formations sont prévues en mai et juin pour les professionnels de l’éducation.

Dans son travail, il rencontre autant d’enfants dont la langue maternelle est le luxembourgeois, que d’écoliers portugais ou originaires des Balkans : «Ces langues sont très éloignées de l’allemand qu’ils apprennent à l’école, et ça peut générer de lourdes difficultés. De notre côté, on a ensuite du mal à savoir si elles sont dues à un trouble d’apprentissage ou à un problème de langage.»

En effet, les résultats des épreuves standardisées montrent que les élèves ne parlant pas le luxembourgeois ou l’allemand à la maison présentent assez tôt des écarts de performance par rapport à leurs camarades.

Ces nouveaux tests intègrent cette composante : proposés en allemand (principale langue d’alphabétisation), leurs consignes ont été raccourcies et simplifiées, avec la possibilité de changer la langue des instructions sans falsifier les résultats. 

2 800 élèves mobilisés

Autre apport majeur : l’établissement de nouvelles normes, essentielles pour l’interprétation du score final. Pour cela, les chercheurs de l’Université ont travaillé durant quatre ans, en s’appuyant sur des données collectées auprès de 2 800 enfants du cycle 3.1 inscrits dans 69 écoles aux quatre coins du pays.

Quatre groupes ont été constitués :

  • les enfants parlant le luxembourgeois ou l’allemand à la maison,
  • ceux parlant le français à la maison,
  • ceux parlant le portugais à la maison,
  • ceux y parlant toute autre langue.

«On va pouvoir réellement comparer les performances d’un enfant par rapport au score obtenu par les autres enfants du même âge et du même groupe linguistique», se réjouit le pédagogue.

Conçus pour le cycle 3.1

Si ces tests sont conçus pour le cycle 3.1, c’est parce que c’est à cet âge que la majorité des signalements parviennent au CDA. Le LuxLeseTest explore la maîtrise de la langue écrite et le LuxMatheTest les compétences en calcul et les habiletés numériques de base. En parallèle, le Flux pourra évaluer les capacités cognitives en tenant compte du contexte multiculturel.

Le Prince Louis, lui-même dyslexique, était aux côtés du ministre Claude Meisch, hier à l’École nationale de santé à Strassen.

De quoi faire apparaître les troubles potentiels de manière plus équitable et favoriser l’inclusion des élèves concernés, a insisté hier le ministre de l’Éducation nationale, Claude Meisch, lors de la présentation officielle de ces instruments, en présence du Prince Louis, diagnostiqué dyslexique à l’âge de 10 ans et engagé dans cette cause depuis 2016.

Des formations prévues

Prochaine étape : former les professionnels à l’utilisation de ces nouveaux outils. Le CDA, en collaboration avec l’Université et l’Institut de formation de l’Éducation nationale (IFEN), organisera une série de sessions en mai et juin pour détailler et expliquer les batteries LuxLeseTest et LuxMatheTest et en simplifier l’interprétation.

Enfin, le ministère ajoute que, dans le cadre du Projet Alpha qui prévoit d’introduire le choix d’une alphabétisation en français ou allemand, il envisage de développer des tests standardisés en langue française.

Le diagnostic, un processus complexe

Le diagnostic d’un trouble spécifique de l’apprentissage ne se résume pas à une simple enquête, souligne le ministère de l’Education nationale : c’est un long processus au cours duquel différents acteurs et experts de plusieurs disciplines sont mobilisés. Ainsi, en plus des tests standardisés auprès de l’élève, d’autres éléments viennent s’ajouter, comme des observations, analyses des progrès, un soutien spécifique, mais aussi des entretiens avec l’entourage (parents, intervenants en classe, professionnels du secteur médical) et d’autres évaluations.

L’accompagnement commence à l’école : l’équipe pédagogique (titulaire de classe, I-EBS) identifie les difficultés de l’enfant et met en place des aides pédagogiques. Sans progrès notables, des spécialistes au niveau régional réalisent des évaluations plus approfondies. Si nécessaire, la Commission nationale d’inclusion peut saisir l’un des huit centres de compétences en vue d’obtenir un diagnostic spécialisé. Après analyse interdisciplinaire, une prise en charge axée sur les besoins spécifiques de l’élève est proposée.