C’est un demi-dieu qui fait craquer le monde entier avec « son visage rond à la beauté ravageuse, son charme de minet et sa constitution robuste », et qui aime si fort son peuple qu’il l’asservit dans des bagnes depuis déjà dix fois plus longtemps que les camps nazis.
Bref, un canular à lui tout seul.
Comment résister à l’envie de parodier un tel bouffon? Sauf que l’héritier de la grande dynastie révolutionnaire a une tare congénitale : il n’a pas le sens de l’humour. Déjà que, chez lui, le simple visionnage d’un film étranger est puni de mort (écoutez le témoignage effroyable de la rescapée Yeonmi Park), alors imaginez lorsque deux zozos yankees décident de mettre en scène l’assassinat du chatouilleux potentat!
La Corée du Nord vient de montrer qu’elle n’avait pas besoin d’armes atomiques pour frapper l’Occident. De simples légions de pirates cybernétiques ont suffi pour faire plier les studios qui ont produit la comédie The Interview.
Que Sony ait flanché en annulant la sortie du film, vendredi, cela peut encore se comprendre : une entreprise n’a pas vocation à sacrifier ses intérêts économiques sur l’autel de la moralité. Mais c’est surtout le manque de réaction politique qui est effrayant. Car cette attaque ne vise pas que le cinéma. Elle vise une arme de subversion massive : le rire.
Rire de tout, en commençant par rire de soi, comme un Desproges qui raillait son propre cancer, a toujours été dans l’histoire un puissant antidote à la barbarie humaine. Car comme l’écrivait Umberto Eco dans Le Nom de la rose, le rire, parce qu’il « tue la peur », est l’ennemi du pouvoir.
Hélas, du côté d’Hollywood, la peur a bien tué le rire. Il est à craindre que les terroristes de tout poil vont s’engouffrer dans cette brèche…
D’autant que nous les y aidons! L’essor de la peur est notre responsabilité collective. L’autocensure progresse, on s’interdit de plus en plus de rire des sujets « sensibles » – religion, communautés, homosexualité… – une crainte absurde, car cela ne fait que renforcer leur stigmatisation. Il est urgent de changer de cap : n’abandonnons pas à la peur ce qui a permis tant de progrès. Libérons le rire !
De notre journaliste Romain Van Dyck