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Écoles sans téléphones : «Nous avons retrouvé une tout autre ambiance»


En cas d’urgence, l’usage du smartphone est autorisé. 

Depuis la mise en place de l’interdiction des smartphones au sein de son établissement, la proviseure du lycée Vauban observe déjà des changements notables dans le comportement des élèves.

La sonnerie annonçant la fin des cours retentit au collège et lycée Vauban. Tandis que certains se précipitent à l’extérieur de l’établissement pour décompresser – après le stress des épreuves du baccalauréat —, d’autres se réunissent devant l’accueil. Là, ils peuvent, à la fin de la journée, déverrouiller leur téléphone portable. Depuis quelques mois, un système inédit a été mis en place au sein de l’établissement scolaire.

Certains élèves ont, en effet, l’interdiction d’utiliser leur smartphone dans l’enceinte de l’école. Le matin, ils doivent obligatoirement ranger leur appareil dans une pochette fermée par un aimant. S’ils peuvent la garder dans leur sac pendant toute la journée, impossible pour eux de pouvoir utiliser leur téléphone durant les cours, les pauses ou encore à la cantine. Seul le système de déverrouillage présent à l’accueil de l’établissement permet d’ouvrir l’étui «no phone».

Grâce à des bornes aimantées, les élèves peuvent déverrouiller leur téléphone portable à la sortie des cours uniquement.

«Nous avons commencé par les classes de 6ᵉ avant d’étendre le procédé à tous les collégiens et aux élèves de seconde. À la rentrée prochaine, les classes de première et de terminale seront également concernées. L’ensemble de nos élèves ne pourront plus utiliser leur téléphone portable», confirme Marguerite Poupart-Lafarge, proviseure du lycée Vauban. Comme dans de nombreux établissements scolaires luxembourgeois, la directrice a souhaité anticiper les mesures gouvernementales.

Annoncées il y a quelques mois par le ministre de l’Éducation nationale, Claude Meisch, ces nouvelles règles imposent trois niveaux de restriction sur l’usage du smartphone dans les écoles luxembourgeoises. Exclusion du GSM dans les cours, zones de bannissement, interdiction totale… Chaque établissement a défini de manière autonome ses propres règles. «Chez nous, cela se passe plutôt bien. Globalement, les élèves respectent l’interdiction, même si, forcément, certains arrivent à la détourner. Mais nous avons justement un surveillant qui contrôle tous les matins ces pochettes», précise Marguerite Poupart-Lafarge.

«Une génération sacrifiée»

Depuis la mise en place de cette nouvelle mesure, la proviseure de l’établissement observe déjà de nombreux changements. «Nous avons retrouvé une tout autre ambiance scolaire. Nous avons des élèves qui se parlent, qui jouent. Ils sont contents de se retrouver tous ensemble. Ils font plus d’activités, plus de sport», se réjouit la directrice de l’établissement scolaire. Une atmosphère très différente qu’elle n’avait plus connue depuis quelques années. «Dans la cour de récréation, nous avions des élèves qui s’isolaient à cause du téléphone portable. Nous avions également beaucoup de problèmes de tricherie durant les examens», complète Marguerite Poupart-Lafarge.

Pas de téléphones, mais pas forcément plus d’écrans. Car le collège et lycée Vauban continue d’utiliser des iPad durant les cours pour un usage pédagogique. «Les élèves ne les utilisent pas toute la journée. Ce sont des outils très pratiques et très appréciés des élèves, qui leur permettent d’avoir un sac de cours très allégé puisqu’ils ont leurs manuels scolaires dans la tablette», précise la proviseure du lycée Vauban.

(Photo : Hervé Montaigu)

Alors, si les écrans continuent d’être présents dans les établissements scolaires, l’interdiction du téléphone portable reste, pour elle, un moyen efficace pour lutter contre certains phénomènes émanant des réseaux sociaux, comme le harcèlement. «Depuis la mise en place de ce dispositif, nous n’avons quasiment pas traité de cas de harcèlement, contrairement aux années précédentes», confie Marguerite Poupart-Lafarge.

Aujourd’hui, avec cette mesure qui a fait consensus auprès des parents, la proviseure du lycée se réjouit de la prise de conscience quant à l’usage néfaste du téléphone portable à l’école. «Il y a une génération qui a été un peu sacrifiée par le développement sans contrôle de ces outils. L’idée n’est pas de tout supprimer ou de diaboliser le numérique, mais l’usage doit être encadré.»

Pour elle, cette nouvelle règle doit également être complétée par la prévention. «À 13 ou 14 ans, les élèves ne se rendent pas compte de l’impact que peuvent avoir les réseaux sociaux sur leur vie. Ils peuvent trouver cela plaisant de passer des heures sur leur téléphone, mais derrière, il y a un vrai impact sur leur développement», regrette la directrice du lycée Vauban.

«On a encore plus envie d’utiliser notre téléphone»

Assises devant leur établissement, Sarah et Victoria scrutent leur smartphone avec insistance. Depuis plusieurs mois, les adolescentes ne peuvent plus utiliser leur téléphone à l’école. Une mesure restrictive qu’elles jugent peu utile. «On parle du temps d’écran, mais nous utilisons presque toute la journée des tablettes ou des ordinateurs», confie l’une d’entre elles. Pour les deux jeunes filles, qui avouent utiliser leur GSM chaque jour pendant de nombreuses heures, ces nouvelles règles ne permettront pas de résoudre le problème du harcèlement sur les réseaux sociaux. «Ce n’est pas uniquement à l’école que le harcèlement peut se produire (…). Si quelqu’un veut harceler un camarade, il le fera, même sans téléphone», témoigne Sarah. «On a encore plus envie d’utiliser notre téléphone, pour rattraper ce qu’on a raté», complète Victoria.