L’école primaire de l’école internationale a été inaugurée lundi sur une ancienne friche industrielle à Differdange. Elle doit éviter à «des ressources intellectuelles de rester en friche».
Terminé de squatter dans un nid construit pour d’autres : cette rentrée scolaire, sa huitième, l’école primaire de l’école internationale de Differdange et Esch-sur-Alzette la fait dans un bâtiment qui lui est propre et qui lui permet d’ouvrir pour la première fois des classes de maternelle en français et en anglais.
Le directeur de l’EIDE, Gérard Zens, a salué hier «le courage» du ministère de l’Éducation nationale et du collège échevinal de Differdange d’avoir misé sur ce projet proposant une alphabétisation des élèves en plusieurs langues (anglais, français et portugais) et pas uniquement en allemand, comme c’est le cas du système scolaire luxembourgeois classique.
«L’EIDE s’adresse aux enfants et aux jeunes issus de l’immigration, aux élèves désireux d’évoluer dans un contexte international», peut-on lire sur son site internet. «Au-delà des efforts pour intégrer les élèves étrangers qui resteront au pays, l’offre de la nouvelle école internationale sera adaptée aux besoins des jeunes résidant temporairement au Grand-Duché et appelés à continuer leur parcours dans un autre pays.» Trois mille enfants qui ont commencé leur scolarité dans un autre pays sont scolarisés au Luxembourg chaque année.
Un projet salué de toutes parts. «Il revêt une importance capitale pour la commune de Differdange», a indiqué son bourgmestre, Guy Altmeisch. «L’EIDE a aussi un lycée. Le premier vrai lycée de Differdange. Il sera bientôt suivi par le lycée privé Émile-Metz. Les élèves et les professeurs vont faire revivre notre ville comme jamais auparavant.» Une aubaine pour la commune en lente déliquescence depuis le déclin de la sidérurgie. «Nous avons compris l’importance stratégique de ce projet et avons décidé de le préfinancer.»
«Plus égalitaire et plus inclusif»
Le hall de la Chiers a été abattu pour faire place à un futur campus scolaire. Selon Claude Meisch, ministre de l’Éducation nationale qui a été accueilli dans le nouveau bâtiment scolaire par des chants et des danses exécutés par les écoliers, la friche a été transformée en endroit où «les ressources intellectuelles ne seront pas laissées en friche». Ce qui risque de se produire «si nous continuons à promouvoir un système scolaire rigide». «Ce type d’établissement scolaire donne à chaque jeune du Luxembourg la possibilité de développer son potentiel», a-t-il estimé.
En tant qu’homme politique, le ministre aurait rarement été aussi convaincu d’avoir fait quelque chose de juste. «C’est un grand pas vers un système éducatif plus ouvert, plus égalitaire et plus inclusif», a précisé Claude Meisch avant de découper le ruban bleu, blanc, rouge.
«L’enseignement dispensé dans ces écoles européennes doit à l’avenir servir de base de travail à l’école publique luxembourgeoise.» Il n’exclut donc pas de mettre un terme à l’alphabétisation uniquement en allemand. L’école présente donc un caractère de modèle pédagogique dans un Grand-Duché en mutation. Sept mille élèves seraient déjà inscrits dans les écoles européennes existantes au Luxembourg. La formule plaît. Elle abolit les barrières.
La nouvelle école aura coûté 37 millions d’euros. Elle se compose de 18 salles de classe et d’autres salles pour d’autres activités, notamment sportives ou de repos pour les plus petits de l’école fondamentale. Située entre la gare de Differdange et l’ARBED, elle donne une vision moderne de la diversité culturelle qui a toujours caractérisé la commune. Ces types d’écoles et de lycées sont en train de se développer dans toutes les régions luxembourgeoises. Il en existe actuellement six. Toutes sont publiques et donc gratuites.
Un rapport sur les écoles européennes publiques de la Commission européenne souligne leur efficacité : la possibilité de recevoir un enseignement dans la langue de son choix améliore les résultats, tandis que le système d’enseignement «classique» public luxembourgeois entraîne des retards scolaires. Les élèves du système européen auraient par conséquent moins de retard scolaire.
Trois questions à Claude Meisch
L’alphabétisation des enfants à la carte n’est-elle pas un frein à leur intégration en les séparant des autres enfants?
Claude Meisch : Les études montrent que les enfants d’immigrés ont moins de chances de réussite dans le système scolaire luxembourgeois actuel. Nous devons repenser ce système. (…) Un projet pilote est en cours sur l’alphabétisation des enfants en français et en allemand, au choix, sans séparer les enfants dans les autres matières.
Elles sont données en luxembourgeois et le matériel didactique existe dans les deux langues. Le but est que les enfants puissent se réorienter dans le cycle 4.2. Certains iront dans une école internationale, d’autres en général ou en préparatoire. On constate qu’une majorité d’élèves issus de l’immigration effectue sa scolarité dans le régime préparatoire, 20 % uniquement dans un lycée classique. Nous voulons inverser ces chiffres.
Est-ce un phénomène récent dû à une population immigrée de plus en plus nombreuse ou est-ce que cela a toujours été le cas?
Les premières études remontent aux années 1960. Elles pointaient déjà une grande inégalité en matière d’enseignement. Les bons résultats scolaires dépendent énormément du contexte familial et de la langue maternelle des élèves.
Actuellement, la plupart d’entre eux sont francophones ou lusophones. Nous espérons pouvoir combler les besoins de ces enfants grâce à notre projet d’alphabétisation en français. Ils apprendront la langue allemande en deuxième langue.
Sera-t-il possible de passer d’un système à l’autre?
Le projet pilote montre que c’est possible. Au prochain gouvernement de décider s’il souhaite généraliser ces classes d’alphabétisation en français dans tous les établissements scolaires. J’y crois très fort.
Notre système scolaire doit absolument développer ce type d’offre dans tous les quartiers et dans toutes les communes du pays.