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Echternach : la nature retrouve ses droits


Le parterre encadré de buis n’attend plus que sa broderie centrale. (Photos : fabrizio pizzolante)

En partie détruit par les inondations de 2021, le parc d’Echternach commence à récupérer de sa superbe. Cette restauration, présentée jeudi par le ministre de la Culture, Eric Thill, signe aussi la fin des querelles entre son ministère et la commune.

Lors des crues de juillet 2021, le parc municipal d’Echternach subit des dégâts considérables. Un an après, le bourgmestre de l’époque, Yves Wengler, s’impatiente du statu quo des travaux, en engage quelques-uns sans demander l’aval de l’État, propriétaire du terrain, qui les interrompt illico. L’édile exprime alors son mécontentement et fait planter un panneau dans le parc sur lequel est écrit : «En raison d’une étude historique du ministère de la Culture, nous ne pouvons actuellement pas réparer les dégâts causés par l’inondation.»

Près de deux ans après cette interruption, d’autres panneaux, huit précisément, signés par le ministère de la Culture et l’Institut national pour le patrimoine architectural (INPA) attirent le regard du promeneur. En les lisant, on comprend mieux pourquoi les travaux, débutés en 2022, n’ont pas été entrepris tout de suite après la crue.

Les panneaux du ministère de la Culture fourmillent d’explications sur cette restauration.

Car avant d’entreprendre les travaux de remise en état de ce jardin classé au patrimoine national culturel – l’un des rares au Luxembourg –, un état des lieux a d’abord été effectué. Puis une analyse historique et architecturale des principaux aménagements du parc depuis le XVIe siècle a été réalisée en deux mois et demi par Marc Schoellen, historien de jardin, tandis qu’Emmanuel d’Hennezel, architecte de jardin, définissait un schéma directeur. «Ce document précise les actions à entreprendre, explique-t-il. Il nous a permis de voir les atouts et les faiblesses du parc par rapport au passé et détermine les actions à poursuivre.»

«On procède en douceur»

Ces études ont toutes deux mis en avant la nécessité de restaurer le parc comme l’avait planifié l’architecte-paysagiste Henri Luja, en 1946, après la Seconde Guerre mondiale. Les lieux avaient été entièrement détruits lors de la bataille des Ardennes et Henri Luja avait alors entrepris de les reconstruire en s’inspirant de ce qui se faisait au XVIIIe siècle. Il avait créé un jardin à la française, avec une fontaine centrale, un pavillon rococo, des gloriettes, sans oublier des parterres rectangulaires, encadrés de bordures de fleurs. Il avait aussi pioché dans l’aspect du parc des années 20 et avait façonné une allée de tilleuls le long de la rivière.

Recréer le parc de la sorte est un travail de longue haleine, progressif. «On a voulu faire ça avec parcimonie, détaille Emmanuel d’Hennezel qui se remémore les débuts de la restauration en 2023. On a choisi une zone test en reprenant les deux parterres pour analyser et améliorer toutes les compétences des jardiniers. On procède en douceur, sans couper aucun arbre.» Des travaux sont alors effectués sur les deux parterres, le bassin de la fontaine et l’urne commémorative qui avait presque disparu entièrement dans la végétation : les bordures de buis en mauvaise santé sont arrachées, les ifs taillés, un gazon semé…

Des inondations mémorables

Si les stigmates laissés par la dernière montée des eaux dévastatrice de la Sûre sont encore apparents, l’INPA en a recensé d’autres sur son site internet. Des «crues mémorables ont bien été répertoriées sur une longue période du XVIe au XXe siècle. Celles survenues le 4 février 1892 et le 16 janvier 1918 ont détruit les murs d’enceinte du jardin.» Et là aussi, les travaux de réparation avaient tardé. «Un siècle avant, c’était exactement la même chose, avec les mêmes arguments», dit en souriant Marc Schoellen, historien de jardin, qui raconte qu’il aura fallu attendre 1924 pour les voir reconstruits, car pendant six ans, les querelles avaient enflé entre «le directeur des travaux publics, l’architecte de l’État, l’architecte du district, l’ingénieur en chef, le conducteur des travaux…». Cela aura pris moins de temps cette fois-ci.

«Nous nous sommes donné tous les deux comme obligation d’avoir à la fois une gestion écologique et biologique», précise Marc Schoellen, regrettant que la gestion des espaces verts n’ait pas toujours été faite comme il l’aurait fallu par le passé. «C’est vraiment très important de ne pas retourner à une idée d’hygiénisme. Nous encourageons la régénération naturelle à l’intérieur des bosquets», appuie-t-il. «On voit aussi qu’il y a beaucoup trop de transparence dans le parc. Il y a des endroits qui sont vides et d’autres saturés. Si vous regardez les photos anciennes, vous verrez que le parterre est beaucoup plus resplendissant, plus grand. Nous avons encore des contraintes nombreuses, notamment du point de vue de la conservation de la nature, donc on ne peut qu’avancer progressivement.»

«On va créer une forêt odorante, persistante, comme au XVIIIe siècle, s’enthousiasme Emmanuel d’Hennezel. La nature retrouvera ses droits avec des plantes vivaces, de la faune dès cet automne.» Et cette année, devrait aussi réapparaître dans le parterre principal, près du pavillon rococo, la broderie centrale de buis. Un travail là aussi minutieux : «On commencera par dessiner, puis on quadrillera la terre avec des piquets et de la ficelle, avant de la piqueter. Et un jardinier, au centre, plantera un à un les buis», explique-t-il encore.

Il faudra attendre 2027 pour voir la restauration du parc achevée. Quant au risque de futures crues, il n’est pas négligeable, surtout dans le contexte actuel de réchauffement climatique. La nouvelle bourgmestre d’Echternach, Carole Hartmann, bien consciente des risques et de sa marge de manœuvre somme toute assez limitée face aux éléments, compte sur la construction d’un troisième système d’évacuation d’eau en fin d’année. Pour profiter encore longtemps de la beauté du parc.

D’autres menaces

Une analyse phytosanitaire a été menée par le Dr Julia Engels en 2022, pour prendre la mesure de la santé des arbres du parc, plantés pour la plupart vers 1940. De nouveaux agents pathogènes fongiques et parasites invasifs sont apparus récemment, s’alarme l’INPA. Les frênes, presque tous sans exception, sont atteints de nécrose et meurent. Les châtaigners sont attaqués par une chenille dévastatrice qui dessèche le feuillage dès la fin de l’été, recense encore l’institut qui rappelle en outre que toutes les plantations de buis ont été infestées par, là aussi, des chenilles et des maladies fongiques. C’est pourquoi «on a sélectionné un buis qui est plus résistant que les autres», sourit l’architecte de jardin Emmanuel d’Hennezel. En 2026, il est prévu d’étudier un plan de gestion global pour assurer l’entretien du parc qui tienne compte de toutes ces contraintes.

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