Accueil | A la Une | Eaux : le TFA, un acide qui nous veut du mal

Eaux : le TFA, un acide qui nous veut du mal


Certains experts ont identifié les pesticides PFAS comme la principale source probable de pollution de l'eau par les TFA dans les zones rurales. (Photo d’illustration : didier sylvestre)

Une étude européenne démontre que l’acide trifluoroacétique (TFA) contamine les eaux souterraines et de surface. Il faut s’en alarmer, dit le Mouvement écologique, à raison.

Une étude présentée récemment par le Pesticide Action Network Europe (PAN Europe) et l’organisation environnementale Global 2000 a révélé une contamination alarmante des eaux souterraines et de surface par l’acide trifluoroacétique (TFA), un «produit chimique éternel» peu connu et largement sous-réglementé.

C’est le Mouvement écologique qui alerte sur les résultats de cette étude à laquelle il a lui-même participé en fournissant des échantillons d’eau du Luxembourg. Toutes les eaux souterraines et de surface testées dans l’étude dans dix pays de l’UE (respectivement 6 et 23) présentent des valeurs en TFA extrêmement élevées. «Une action politique est désormais nécessaire de toute urgence pour parvenir à des eaux exemptes de polluants!», revendique les écologistes.

Le TFA est un produit de dégradation connu des pesticides PFAS, des gaz F et d’autres produits chimiques à vie (PFAS). Les produits chimiques PFAS, utilisés de diverses manières, entraînent des siècles d’exposition. Ils ont des propriétés très appréciées dans l’industrie et représentent une «grande famille de plusieurs milliers de molécules», comme nous l’explique le directeur de l’administration de la Gestion de l’eau (AGE), Jean-Paul Lickes. On les retrouve dans les textiles, les emballages alimentaires, les mousses anti-incendie, les gaz réfrigérants, dans les cosmétiques et les produits phytopharmaceutiques, etc.

«Bien que le TFA soit le produit final persistant d’environ 2 000 composés PFAS, les recherches sur sa toxicité environnementale et humaine ont été assez limitées», regrette le Mouvement écologique dans un communiqué. «Tout le monde attend une évaluation faite par l’OMS qui doit être publiée dans quelques mois», indique le directeur de l’AGE. Si le caractère mutagène du TFA est révélé, il y aura de quoi s’inquiéter.

Le Luxembourg qui n’est pas épargné par les résultats de cette étude compte sur son monitoring d’une vingtaine de PFAS, absents de l’eau du robinet, du moins les valeurs sont loin en dessous des seuils de tolérance. Pour les valeurs TFA, elles sont identiques à celles révélées par l’étude de PAN Europe. «Nous faisons beaucoup de monitoring, mais avec cinq millions de molécules qui sont utilisées, on peut toujours nous reprocher de ne pas avoir cherché la bonne, a posteriori c’est facile», ajoute Jean-Paul Lickes.

Les zones rurales atteintes

La difficulté est d’identifier ou de distinguer parmi toutes ces molécules, celles qui présentent un réel danger pour l’homme. Ces produits sont réputés pour leur toxicité et leurs propriétés cancérigènes. Pour le Mouvement écologique, «il est également clair que la toxicité de chacun des plus de 10 000 produits chimiques PFAS n’a pas besoin d’être prouvée, leur dégradation à vie est suffisante pour justifier une interdiction générale». Il ne veut pas de «cet héritage toxique pour les générations futures».

Les écologistes soulignent également que les résultats de l’étude réfutent une «hypothèse vieille de plusieurs décennies» selon laquelle la contamination par les PFAS est limitée aux zones industrielles. «Il est désormais clair que la pollution est répandue et se produit particulièrement dans les zones rurales et agricoles», note le Mouvement écologique. Il relève que l’Agence fédérale allemande pour l’environnement (UBA) a récemment identifié les pesticides PFAS comme la principale source probable de pollution de l’eau par les TFA dans les zones rurales.

Mersch et Dommeldange

Pour cette étude, les rivières et les eaux souterraines de dix pays de l’UE ont été examinées séparément, avec un échantillon soumis par pays. Le Luxembourg a fait examiner un échantillon de l’Alzette et un échantillon d’une source d’eau potable accessible au public près de Dommeldange.

Les échantillons de tous les pays contenaient du TFA, avec des concentrations allant de 370 nanogrammes par litre (ng/l) à 3 300 ng/L. La concentration en TFA dans l’Alzette, près de Mersch au Luxembourg, se situait autour de la moyenne européenne à 1 220 ng/l. La concentration en TFA de la source d’eau potable luxembourgeoise était de près de 1 000 ng/l, la moyenne de tous les échantillons d’eau souterraine était de 1 025 ng/l.