Après cinq ans sous pavillon Liberty Steel, dont deux à l’arrêt total, l’usine de Dudelange tourne une page : le géant de l’acier s’est déclaré en faillite ce vendredi.
«C’est le scénario que l’on redoutait le plus», souffle Robert Fornieri, secrétaire général adjoint du LCGB. Ce vendredi, croulant sous les dettes au Grand-Duché comme partout en Europe, la société Liberty Steel a fait aveu de faillite auprès du tribunal de Commerce de Luxembourg.
Ces derniers jours, les syndicats avaient réagi après un nouveau retard de paiement des salaires, symbole de l’enlisement provoqué par «l’obstination infernale» du magnat Sanjeev Gupta.
Avancer vite
«Les gens continuent à vivre sans salaire depuis octobre et cela devrait durer au moins jusqu’à janvier», déplore le syndicaliste, déterminé à avancer vite avec les ministères du Travail et de l’Économie, ainsi qu’avec le curateur nommé dans la matinée.
Son rôle sera notamment de permettre la reprise de l’usine dans de bonnes conditions, alors que deux repreneurs sérieux se sont déjà manifestés côté belge et lorgnent également sur Dudelange.
Les syndicats OGBL (majoritaire) et LCGB sont mobilisés pour obtenir une relance rapide des négociations entre un possible repreneur, le ministère de l’Économie et le curateur, ceci «afin de faire annuler la faillite et de faire renaître les contrats de travail.»
Faciliter une reprise
Robert Fornieri souligne en parallèle l’importance de mettre l’ensemble du site en sécurité et de préserver les équipements techniques, là encore pour faciliter la transition avec un repreneur. «Il ne s’agit pas d’une faillite traditionnelle», insiste-t-il.
«Pour les salariés, nous espérons débloquer une avance le plus vite possible. À situation exceptionnelle, décision exceptionnelle», justifie le secrétaire général adjoint. Car pour les 150 salariés restants – ils étaient 300 en 2019 lors du rachat par Liberty – la situation n’est plus tenable financièrement.
Des salariés dans le rouge
Privés de leur salaire d’octobre après avoir patienté des semaines pour toucher celui d’août et de septembre, ils ne percevront ni leur paye de novembre, ni leur prime annuelle de fin d’année.
«Pour moi qui suis le plus gros salaire du ménage, ça fait un sacré trou dans la trésorerie», pointe Sylviane, secrétaire technique, qui travaille depuis 38 ans dans cette usine. «Combien de temps encore on va rester sans sous?», s’interroge la salariée qui vient de fêter ses 57 ans.
«Le pire employeur que j’ai connu»
D’où un sentiment partagé en ce jour de faillite : «C’est un grand soulagement de se libérer enfin de Liberty, le pire employeur que j’ai connu. Et aussi beaucoup de tristesse, parce qu’il a tout laissé pourrir.»
Ancienne déléguée du personnel, elle n’a pas voulu quitter le navire et laisser ses collègues derrière elle. Et puis, pour partir où? «Je me demande qui pourrait bien m’embaucher pour les deux ans qu’il me reste avant la retraite.»
Ce qu’elle attend, c’est un soutien fort de la part du gouvernement. «J’espère qu’on pourra fêter Noël avec d’autres choses en tête», glisse-t-elle.
«J’ai l’angoisse du lendemain»
Même ressenti pour Bernard, son collègue agent de maîtrise dans la maintenance. Lui, ça fait 12 ans qu’il a intégré l’usine de Dudelange, après des années à l’Arbed.
Il a toujours voulu rester optimiste ces dernières années, même dans les moments durs. Il accuse le coup. «D’un côté, je suis soulagé. Il se passe enfin quelque chose de sérieux ! Mais en même temps, j’ai l’angoisse du lendemain», reconnaît-il.
Célibataire et sans économies personnelles – il a dû soutenir son fils après un grave accident – il compte les euros désormais, et attend surtout des mesures exceptionnelles pour aider tous les salariés à s’en sortir.