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Dudelange fête «son» peintre


Alors que la ville était en pleine mutation industrielle, certains des paysages de Dominique Lang éludent volontairement les détails de cette industrie naissante. (photo : Ville de Dudelange - Christian Mosar)

Dans le cadre du centenaire du décès de Dominique Lang (1874-1919), la ville de Dudelange célèbre en grand – et dans quatre lieux – ce personnage singulier, figure artistique essentielle au Luxembourg.

Malgré trois premières rétrospectives (1939, 1953 et 1994), revenir au «cas» Dominique Lang est toujours salutaire, cet artiste étant toujours «difficile à le cerner», précise Marlène Kreins, en charge des Centres d’art de Dudelange, et qui s’est penchée sur la vie et l’œuvre du peintre durant quelques mois. Il faut dire que pour cette nouvelle mise en lumière, la Forge du Sud a vu les choses en grand, proposant d’investir quatre lieux pour mieux saisir un homme, singulier, en décalage par rapport à ses origines et son époque, celle de la révolution industrielle qui changera à jamais l’image et la composition de son fief.

Des œuvres trouvées après un appel à la population

L’homme, à sa manière, y aura laissé des traces, parfois troubles, que la curatrice a suivies jusqu’au cœur même de collections privées, à la suite d’un «appel à la population» lancé en décembre dernier pour obtenir quelques prêts en vue de cette exposition «XXL». Elle mettra ainsi la main sur «19 tableaux ou photos jamais montrés jusqu’alors», garnissant une belle réunion de près de 60 œuvres, 40 clichés, des lettres et plusieurs objets. Mais sa quête ne fut pas une sinécure. «Beaucoup de gens se demandaient si la toile qu’ils avaient chez eux était bien une de Dominique Lang, dit-elle. Il faut savoir que la plupart d’entre eux l’avaient reçue en héritage, et que souvent, elle n’était ni datée ni signée.» D’ailleurs, il n’est pas rare de tomber sur des productions d’autres peintres – contemporains de l’artiste de Dudelange – comme Guido Oppenheim, Eugène Mousset et Camille Nicolas Lambert, visibles aussi dans l’exposition afin «de les opposer, les comparer pour mieux saisir les orientations artistiques de l’époque».

Dans une avancée didactique, «Dominique Lang et son époque» aborde ainsi le personnage, de ses racines paysannes à ses influences, en passant par ses nombreux voyages. L’histoire singulière d’un homme, Dudelangeois de souche, qui préfère la contemplation de la nature au travail de la terre, se heurtant non seulement à l’incompréhension de son père, mais aussi à l’esprit d’une époque imprégnée de vitesse et de révolution. Toujours Marlène Kreins : «L’industrie s’est construite dans ces années-là. La ville changeait, et l’innovation était partout. Mais lui éclipsait ça de son art.» Pourtant graphiste des certificats de l’Arbed, groupe sidérurgique qui deviendra Arcelor, le peintre refuse d’être le témoin de cette mutation, au point que certains de ses paysages éludent volontairement les détails d’une industrie naissante. «Peut-être qu’il ne voulait pas peindre quelque chose d’omniprésent», ose-t-elle.

Un artiste rebelle pétri de contradictions

Artiste sans le sou, fervent catholique, soutenu par l’abbé Bernard Frantz avec lequel il entretient une vaste correspondance (qui lui allège le sort en passant commande de copies de tableaux célèbres), Dominique Lang, qui n’est pas à une contradiction près, fréquente parallèlement le quartier italien, ses bordels, ses cafés, celui des travailleurs et dans lequel «les gens du village» ne mettent pas les pieds. Mieux, c’est là qu’il rencontre Umberto Cappelari et s’ouvre à un art naissant, la photographie, dont il «participe (au) développement».
«Un rebelle» qui, même dans son approche picturale, ne fait rien comme les autres. De ses voyages, nombreux (Anvers, Munich, Paris, Rome, Londres…), il s’appropriera les tendances et les développera au pays. D’abord le symbolisme, puis l’impressionnisme, dont il sera l’unique représentant au Luxembourg à partir de 1907 – alors que Picasso invente le cubisme la même année avec Les Demoiselles d’Avignon. «Il se distingue des autres, c’est un pionnier!», lâche Marlène Kreins.

Il y a dix jours, le vernissage, dans une belle procession entre les Centres d’art, l’église paroissiale et le Centre de documentation sur les migrations humaines – «quatre lieux pour quatre facettes» – a eu son petit succès. Et permis à la curatrice d’en apprendre encore un peu plus sur le «mystère» Dominique Lang. «On a d’ailleurs retrouvé une partie de la famille grâce à l’exposition», révèle-t-elle avant de déclarer : «Les recherche continuent!».

Grégory Cimatti

«Dominique Lang et son époque»
Centre d’art Nei Liicht
Centre d’art Dominique Lang
Centre de documentation sur les migrations humaines
Église paroissiale Saint Martin – Dudelange
Jusqu’au 15 décembre