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Du quartier Gare à la Lune pour le premier rover luxembourgeois


Le micro-rover Tenacious va notamment récolter du régolithe lunaire qui sera vendu à la NASA. (photo Alain Rischard)

Pour la première fois, le Luxembourg sera sur la surface de la Lune à travers un micro-rover conçu dans la capitale dont la mission dépasse l’évènement historique national.

Viser la Lune n’a plus rien d’un rêve au Grand-Duché. Ce n’est désormais qu’une question de semaines avant que s’écrive la première page de l’aventure spatiale luxembourgeoise. Une histoire dont le protagoniste a été présenté jeudi par le ministère de l’Économie et la Luxembourg Space Agency. Né à Luxembourg et pesant près de 5 kg, c’est le micro-rover Tenacious qui marquera les premières empreintes du Luxembourg sur la Lune.

Il s’agit d’un engin de 26 centimètres de haut et 55 centimètres de long et qui possède la double nationalité luxembourgeoise et japonaise. Pour cause, il a été conçu par la filiale européenne d’ispace, une société d’exploration lunaire japonaise en activité depuis mars 2017 dans le quartier Gare de Luxembourg, au sein du site de Paul Wurth. Le micro-rover est le fruit de la deuxième mission lunaire d’ispace, cofinancée par la Luxembourg Space Agency.

La présentation officielle de Tenacious était aussi l’occasion d’afficher les bonnes ententes entre le Grand-Duché et le Japon sur le plan spatial. Après le «Konnichiwa» lancé par Lex Delles, ministre de l’Économie, c’était au tour de Tadahiro Matsubara, ambassadeur du Japon au Luxembourg, de glisser un chaleureux «Moien» à l’assemblée. Les deux hommes ont salué les travaux d’ispace et surtout leurs ambitions partagées concernant la Lune dont l’histoire peut s’apprêter à changer avec la mission du micro-rover.

«Montrer ce dont on est capable»

«C’est un moment très important pour nous, c’est historique», s’est félicité Lex Delles. Pour cause, le micro-rover est le premier développé et construit en Europe, et donc au Luxembourg, à aller sur la surface de la Lune. Au-delà de l’échelle européenne, ce sera également un pionnier mondial dans l’utilisation des ressources spatiales.

Le CEO d’ispace-Europe, Julien-Alexandre Lamamy, souhaite que la mission du micro-rover ouvre un débat mondial sur l’utilisation des ressources de la Lune. Photos : alain rischard

L’une des missions concerne un client suédois, afin de lui livrer des équipements pour prendre en photo la Lune, et la seconde est la collecte donnée vers la salle de contrôle à Luxembourg. C’est la troisième mission qui est, elle, plus précurseure puisqu’elle consiste à collecter du régolithe, la poussière lunaire, pour en vendre à la NASA. En effet, en décembre 2020, ispace Europe a été choisie par l’agence spatiale américaine afin de récupérer un échantillon de régolithe puis le photographier avec la caméra HD du rover. Dans ce cadre, l’échantillon, qui ne quittera jamais la Lune, est vendu à la NASA, moyennant 5 000 dollars.

Pourtant, la présence de ressources, dont l’eau, n’est plus à prouver sur la Lune (lire ci-dessous). Si la NASA récupère le régolithe, ce n’est pas seulement pour l’étudier. «La première activité du rover, c’est de montrer ce que dont on est capable», avoue Julien-Alexandre Lamamy, CEO d’ispace Europe. Pour le savoir, il faudra attendre la fin d’année puisque les équipes d’ispace attendent pour novembre prochain une date de lancement du micro-rover à bord d’une fusée Falcon 9 de SpaceX depuis Cap Canaveral, en Floride. La durée de la mission sera d’une dizaine de jours «parce qu’après une dizaine de jours, le soleil disparaît pendant 14 jours» et le rover fonctionne seulement grâce à ses panneaux solaires.

Un débat législatif en vue

Une fois sur la Lune, la mission de Tenacious sera donc de tester les conditions techniques de la collecte de ressources mais aussi le cadre législatif autour de la collecte de ressources spatiales. Depuis 1967 et un traité sur l’espace signé par les États-Unis, l’URSS et le Royaume-Uni, les ressources spatiales sont considérées comme appartenant au patrimoine commun de l’humanité. Avec la vente d’ispace à la NASA, le Luxembourg, le Japon et les États-Unis s’apprêtent à changer l’histoire avec cette première vente de ressource lunaire.

Questionné sur une possible contestation étrangère, le CEO d’ispace Europe est transparent : «Personne ne l’a fait donc quelqu’un doit le faire, il faut essayer». Le ministre de l’Économie luxembourgeois se veut lui rassurant : «La loi luxembourgeoise est très claire. La loi américaine est très claire. La loi japonaise est très claire. Nous aurons donc un exemple concret de ce qui va se passer avec les ressources spatiales».

Lex Delles fait référence à la loi 2017 dont le 1er article stipule que «les ressources de l’espace sont susceptibles d’appropriation», permettant ainsi aux acteurs privés, avec un agrément du ministère de l’Économie, de les exploiter. Exploiter mais pas s’approprier, comme tient à la souligner Julien-Alexandre Lamamy. «La question n’est pas de savoir à qui appartient la Lune. C’est plutôt : est-ce que l’on peut extraire de la Lune certaines ressources qui permettraient un développement économique et aussi le développement de bases pour les astronautes à l’avenir ?»

L’extrait de régolithe lunaire par Tenacious et le test de la loi sont donc les premières pierres vers l’avenir économique et scientifique de la Lune. À ce stade, il est difficile d’imaginer à quel point un micro-rover sorti du quartier Gare de la capitale va possiblement marquer l’histoire de l’exploitation spatiale. «Pour une première mission, c’est beaucoup d’impact commercial, légal et technologique», reconnaît le CEO d’ispace Europe. Comme si faire les premiers pas du Grand-Duché sur la Lune ne suffisait pas.

Ispace, une société qui monte

Fondée en 2010 au Japon, ispace emploie environ 300 personnes dans le monde, dont 40 au sein de sa filiale européenne basée à Luxembourg. Cette dernière s’est installée au Grand-Duché dans la lignée de l’initiative SpaceResources.lu lancée en 2016 par le gouvernement afin d’établir un écosystème favorable au développement des activités liées à l’exploration et à l’utilisation des ressources spatiales.

Depuis, la société a pris du grade et compte multiplier les missions. Après l’actuelle mission 2 dirigée par l’entité ispace Japon, la mission 3, qui lancera l’atterrisseur lunaire APEX 1.0, est dirigée par l’entité ispace des États-Unis et devrait être lancée en 2026. La mission 6, qui utilisera l’atterrisseur de série 3, en cours de conception au Japon, devrait être lancée d’ici 2027. Ispace Europe a également annoncé qu’un nouveau projet est en cours, sans en donner plus de détails.

La Chine confirme la présence d’eau sur la Lune

Tandis que Luxembourg et le Japon s’apprêtent à faire décoller leur rover, la Chine vient de faire une découverte sur la forme de l’eau sur la Lune. Il y a deux jours, l’AFP a fait savoir que des chercheurs chinois ont publié une étude sur la présence de traces d’eau dans des échantillons ramenés lors de la mission spatiale Chang’e-5 en 2020, la première depuis plusieurs décennies à ramener sur Terre des échantillons lunaires.

Bien qu’un détecteur infrarouge de l’agence spatiale américaine (NASA) eut déjà confirmé en 2020 l’existence d’eau sur la Lune, les échantillons de Chang’e-5 fournissent de nouveaux indices sur la forme que prend l’eau. Selon l’étude, les échantillons suggèrent que «des molécules d’eau peuvent persister dans les zones ensoleillées de la Lune sous forme de sels hydratés».

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