Buveuse quotidienne puis fondatrice d’une ASBL afin de promouvoir la sobriété, Jessica Weis a subi la pression sociale autour de l’alcool et fait face à l’absence d’accompagnement au Grand-Duché.
Le mois de janvier vient de s’achever et avec lui une bonne résolution pour les consommateurs d’alcool. À l’occasion du Dry January, ce mois sans alcool né en 2011 en Angleterre, ils sont nombreux à arrêter de boire afin de faire le point sur leur consommation. Sur les réseaux sociaux, de nombreux messages d’encouragement circulent afin de soutenir ceux qui se lancent dans ce qui s’apparentent à un défi pour certains.
Au Grand-Duché, c’est le cas de l’ASBL Sober Socials Luxemburg, qui a encouragé ses abonnés afin qu’ils tiennent bon. Pourtant, sa fondatrice, Jessica Weis, n’a jamais réussi un Dry January. «Après un mois de décembre bien arrosé, la dernière chose que j’avais envie de faire était de ne pas boire en janvier», plaisante-t-elle aujourd’hui. «Mais c’est un bon début, cela peut aider les gens à prendre conscience de leur relation avec l’alcool et faire une pause permet d’en ressentir un peu les bénéfices.» Elle connaît le sujet comme peu, puisque, avant d’encourager à la sobriété toute l’année, «l’alcool faisait vraiment partie intégrante de (s)on quotidien».
Une addiction causée par le travail
Un soir de septembre en 2021, cette mère de deux enfants arrive à la goutte de trop. «Honteuse» et «dégoûtée» par ce rythme de vie, elle rentre chez elle et vide la bouteille de vin du frigo dans l’évier en guise de vœu de sobriété. Rien d’évident, puisqu’elle vient alors de rompre un cercle infernal d’une vingtaine d’années.
Consommatrice dès ses 19 ans, elle quitte le Luxembourg pour Londres en 2000, où elle découvre le lien unissant l’alcool et la vie professionnelle. «Après le boulot, tout le monde va au pub et même les directeurs encourageaient les gens à boire, à rester le soir et à retourner au bureau le lendemain, même avec la gueule de bois.» De retour dans son pays natal 19 ans plus tard, les pubs ont disparu, mais l’alcoolisme, qui ne dit pas son nom, est resté.
«Quand je rentrais du travail, c’était la façon la plus efficace de vite redescendre de ma journée et j’ai appris à gérer mon stress ou mes angoisses avec l’alcool», témoigne-t-elle. En semaine comme le week-end, elle «trouvai(t) toujours une excuse pour boire un verre. J’étais comme un hamster dans une roue.»
«Au Luxembourg, on est encore en retard »
Le jour suivant sa prise de conscience, en rentrant du travail, elle est «déjà angoissée à l’idée de quoi faire pour ne pas reprendre cette routine». Chaque jour, l’envie d’être plus productive et plus présente en tant que mère et de se sentir physiquement et mentalement mieux l’empêche de replonger. En revanche, elle ressent vite le besoin d’être accompagnée, car «je me sentais assez seule, puisque mes amis et ma famille aiment beaucoup l’alcool».
En s’informant, elle découvre des communautés de personnes sobres qui se réunissent et se soutiennent dans leur démarche. «Je me suis dit que cela devait exister au Luxembourg. Et je me suis rendu compte que non.» Hormis les Alcooliques anonymes, où elle ne se sent pas à sa place, aucune structure n’est dédiée aux personnes sobres. «J’étais un peu surprise», confie-t-elle. «Je ne comprends pas pourquoi il n’y a pas plus de sensibilisation, pourquoi on n’en parle pas plus. Au Luxembourg, on est encore en retard.»
Depuis le lancement de sa page Sober Monkey en 2022, qui donnera naissance à Sober Socials Luxemburg par la suite, le constat est le même. «Aujourd’hui, en 2025, il n’y a pas plus de groupes et de campagnes.»
«Les gens se sentent mal à l’aise»
L’absence d’accompagnement qu’elle déplore s’explique certainement par la place de l’alcool dans le pays. Selon Eurostat, en 2019, le Luxembourg était en troisième position parmi les pays européens qui ont un taux de consommation excessive. Jessica Weis en est témoin : «Au Luxembourg, l’alcool est tellement ancré dans la société.» Les remarques et les jugements qu’elle récolte lorsqu’elle annonce qu’elle a arrêté de boire en attestent. «Il y a des gens qui se sentent remis en question par ce choix. Quand je parle de ma sobriété, souvent ils justifient leur consommation d’alcool. Cela les met mal à l’aise», constate-t-elle.
Très vite, elle voit son entourage changer. «Il y a des amis qui ne le sont plus. On ne se fait plus inviter. Les gens se sentent mal à l’aise. C’est très dur à accepter au début.» Heureusement, elle peut désormais compter sur les gens rencontrés lors des activités ou soirées organisées via Sober Socials. «Ce n’est pas un truc énorme, nous ne sommes pas des centaines», tient-elle à préciser. «Bien sûr, j’espère arriver un jour à ce niveau, mais c’est très tôt encore au Luxembourg. C’est très nouveau tout ça», dit-elle, entre espoir et résignation.
Facebook : Sober Socials Luxemburg; Instagram : sobermonkey_4seasons
