Après la présentation du Plan national d’action envers les personnes LGBTIQ+, l’ASBL Intersex & Transgender Luxembourg affirme que le Grand-Duché peut aller encore plus loin.
La ministre de l’Égalité des genres et de la Diversité, Yuriko Backes, a présenté lundi son plan d’action national (PAN) LGBTIQ+. Après une première version publiée en 2018, cette nouvelle mouture comporte 81 mesures et 147 actions qui doivent permettre d’améliorer la situation des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans, intersexes, queers et autres au Grand-Duché.
Dans un communiqué publié dans la foulée de cette présentation, l’ASBL Intersex & Transgender Luxembourg (ITGL) a d’abord tenu à saluer la mise en place de certaines mesures comme le projet de loi relatif à l’interdiction des pratiques de conversion. «Toutes ces pratiques, qu’elles soient dans un cadre médical ou non médical, doivent être interdites. Il faut protéger les jeunes», affirme le Dr Erik Schneider qui reste tout de même prudent. «Il faut encore regarder le texte concret de la loi.»
La possibilité pour les personnes non-binaires d’utiliser la qualification «neutre» dans leurs documents d’identité ou encore la suppression de la mention du sexe sur les documents où elle n’est pas pertinente sont également des évolutions positives.
«On jette de l’argent par les fenêtres»
Mais l’association regrette aussi que certaines mesures n’aient pas été retenues dans ce nouveau PAN, comme la dépsychiatrisation des personnes trans et abinaires. Pour pouvoir bénéficier de mesures médicales de transition, ces dernières doivent présenter deux rapports psychiatriques : un pour le traitement hormonal et un autre pour la chirurgie.
Pourtant, la plupart des personnes concernées, n’ayant pas de maladie mentale, n’ont pas besoin de consulter un psychiatre. «Cela a des effets néfastes, précise le Dr Erik Schneider. On ne peut pas chercher des problèmes psychologiques chez des personnes en bonne santé, ça ne fonctionne pas comme ça» Sans fondement médical, ces entretiens n’apportent généralement aucun soutien et sont plutôt vécus comme des humiliations.
Cette obligation monopolise donc inutilement les psychiatres, déjà peu nombreux dans le pays. «On jette de l’argent par les fenêtres pour des personnes en bonne santé alors que d’autres en ont réellement besoin.»
Cette psychiatrisation contrevient également à plusieurs normes internationales, notamment celles de l’Organisation mondiale de la Santé et de la World Professional Association for Transgender Health. Celles-ci ont établi que les soins de santé pour les personnes trans devaient être administrés sans pathologisation, sur la base de l’autodétermination et d’un consentement éclairé.
Le Luxembourg en retard
L’asbl dénonce aussi l’absence de loi protégeant les enfants intersexués et ceux présentant des variations des caractéristiques sexuées (un terme à préférer à «caractéristiques sexuelles», voir encadré). Le plan ne mentionne qu’une analyse du cadre légal des autres pays de l’UE, étude qui existe déjà, et l’instauration d’un groupe de travail coordonné par le ministère de l’Egalité des genres et de la Diversité.
Une terminologie qui doit évoluer
Au-delà des actions concrètes à mettre en œuvre, les mots employés ont aussi leur importance. L’ASBL Intersex & Transgender Luxembourg préconise donc l’utilisation du terme « variations des caractéristiques sexuées » plutôt que
« sexuelles » afin de ne pas entretenir de confusion avec la sexualité.
Une réponse insuffisante pour l’ITGL qui redoute que ces groupes de travail ne servent de substitut à l’action de l’État et retardent la mise en oeuvre des mesures nécessaires. Pour l’association, il est urgent de protéger ces enfants par une loi comportant des sanctions pénales.
Le Luxembourg a donc encore du chemin à faire, d’autant qu’il commence à accumuler du retard par rapport à ses voisins, notamment sur la dépsychiatrisation. «En Allemagne et en Belgique, il n’y a plus de rapport psychiatrique. En France, c’est un peu différent, le certificat existe encore mais il n’est plus obligatoire partout, regrette le Dr Erik Schneider qui s’étonne de voir que cette mesure, pourtant prévue dans le PAN de 2018, ait disparue du nouveau plan. «Nous étions en retard et maintenant avec ce plan nous sommes bloqués.»