La Commission consultative des droits de l’Homme fustige la pratique des tests osseux et celle des examens et photographies des organes génitaux au Grand-Duché, pour l’identification des mineurs demandeurs de protection internationale.
«Merde alors.» C’est l’expression qu’a lancée le président de la Commission consultative des droits de l’homme, Gilbert Pregno, au moment d’évoquer la partie du rapport sur les procédures mises en place par le Grand-Duché pour identifier les demandeurs de protection internationale mineurs. En effet, selon le rapport de la CCDH, «les autorités publiques continuent d’utiliser des tests osseux pour procéder à l’identification des mineurs» et l’organe consultatif «réitère ses réserves quant à l’utilisation de ces techniques, dont la fiabilité est fortement contestée». Mais la CCDH se montre beaucoup plus catégorique en ce qui concerne la deuxième partie des tests médicaux opérés par les autorités publiques pour la détermination de la minorité des demandeurs de protection internationale.
«Plusieurs sources ont affirmé que des examens et prises de photographies des organes génitaux seraient également utilisés pour la détermination de l’âge au Luxembourg, souligne le rapport de la CCDH. Cette pratique constitue une atteinte à l’intégrité physique et morale et à la dignité humaine des personnes concernées» que la CCDH «condamne avec véhémence. Elle est particulièrement traumatisante pour les mineurs qui ont subi des violences sexuelles et doit être abandonnée étant donné qu’elle est éthiquement inconcevable et médicalement injustifiée.»
«Elle m’a pris en photo. Tout mon corps»
«Cette pratique est choquante et inacceptable, commente Gilbert Pregno. C’est un « no go » pour nous. Cela ne doit pas avoir lieu au Luxembourg. Il faut que cette pratique cesse.»
Il y a quelques semaines, nous avions rencontré un demandeur de protection internationale originaire de Guinée* qui avait subi ces tests médicaux. «À la direction de l’Immigration, je leur ai dit que j’avais 16 ans et je leur ai donné ma date de naissance, mais ils ne me croyaient pas et ils m’ont demandé d’aller voir le docteur, nous expliquait-il. Ce jour-là, je suis entré dans une première pièce. J’ai dû mettre mon bras sur une table, il y avait une machine (NDLR : une radiographie de la main et du poignet). Après je suis allé dans une deuxième pièce, le docteur m’a touché le haut de mon corps, mon torse et mes côtes. Je suis allé ensuite dans une troisième pièce, il y avait une dame. Elle m’a demandé d’enlever ma chemise. Elle m’a pris en photo. Elle m’a ensuite demandé d’enlever mon pantalon, mon caleçon. J’ai dit que « je ne peux pas me déshabiller devant vous ». Elle a insisté et dit que si je ne le faisais pas, cela signifiait que je n’étais pas mineur. Je me suis déshabillé totalement et elle m’a pris en photo. Tout mon corps. C’était très difficile. Je me sentais vraiment très mal.»
Guillaume Chassaing
* Notre témoin a souhaité conserver son anonymat.
Quand «un doute sérieux sur l’âge existe»
Face aux critiques formulées par la Commission consultative des droits de l’homme, le ministère des Affaires étrangères et européennes a réagi en début de soirée jeudi. «L’article 20(4) de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire prévoit explicitement que le ministre peut ordonner des examens médicaux afin de déterminer l’âge du mineur non accompagné lorsqu’il a des doutes à ce sujet, rappelle le communiqué du ministère.
Dans ce contexte, le Laboratoire national de santé (LNS) a développé une telle expertise médicale. Il y a tout d’abord lieu de rappeler qu’un tel examen médical n’est pas pratiqué sur tous les mineurs non accompagnés, mais seulement sur les mineurs qui ne sont pas en possession d’un document d’identité et pour lesquels un doute sérieux sur l’âge indiqué existe. Avant 2015, l’expertise médicale se limitait à une seule radiographie du poignet. Cette pratique avait été critiquée, à juste titre, pour ne pas être exhaustive et fiable pour déterminer un âge probable. Par conséquent, un examen en deux temps a été mis en place, à savoir d’abord une radiographie du poignet et de la main. Si par la suite une minorité peut être supposée, un rapport médical est rédigé sans procéder à des examens complémentaires. Ainsi, le doute profite au mineur. En revanche, si un soupçon sérieux sur la majorité de la personne persiste, il sera procédé à un examen physique complet, y compris des parties génitales. Cet examen est complété par une radiographie de la clavicule et un panoramique dentaire.»
En conclusion, le ministère souligne que «les photographies prises lors de cet examen sont strictement confidentielles et ne servent qu’à la rédaction du rapport par le médecin expert. Elles ne figurent donc ni dans le rapport d’expertise du LNS ni dans le dossier administratif du demandeur de protection internationale tenu par le ministère».