La Chambre des salariés a élaboré une proposition de loi pour protéger les employés des plateformes numériques.
Depuis la pandémie, de nombreux services liés à des plateformes numériques ont envahi notre quotidien : livraisons à domicile de nourriture ou de colis, chauffeurs privés… Tout est désormais à portée de main, en un clic.
Un business de la flemme qui compte actuellement plus de 28 millions de travailleurs au sein de l’Union européenne et qui commence surtout à inquiéter la Chambre des salariés luxembourgeoise. S’il est impossible de chiffrer exactement le nombre d’employés concernés au Grand-Duché, Patrick Dury, vice-président de la CSL, souhaite toutefois prendre le problème à bras-le-corps, pour fixer un «cadre humain» dans un monde numérique «en pleine mutation».
Fixer des critères « objectifs »
Une manière donc d’humaniser ces métiers : les personnes qui travaillent par le biais d’une plateforme numérique n’ont pas ou très peu de protection en matière de droits sociaux. Un problème que la CSL pose sur la table, via une proposition de loi qu’elle soumettra prochainement à la Chambre des députés.
Concrètement, le but de cette législation est de fixer des critères «objectifs» pour distinguer le travailleur indépendant du salarié. En effet, si la grande majorité des personnes travaillant par l’intermédiaire de plateformes sont réellement des indépendants, plus de 5,5 millions d’entre eux sont considérés à tort comme des travailleurs indépendants en Europe. Un «cadre légal clair» est donc exigé par la CSL pour leur garantir un minimum de droits.
Un problème européen
Il est ainsi demandé que ces travailleurs bénéficient du «droit au salaire social minimum légal, à une durée de travail réglementée, à des congés payés ou encore une assurance sociale». Pour ce faire, la Chambre a dressé une liste de critères, qui doivent donner lieu à une «présomption de contrat de travail entre une plateforme et un individu», si au moins trois d’entre eux sont remplis :
– la plateforme s’affiche sur le marché en proposant ces services/travaux
– la plateforme fixe les conditions sur le marché en proposant ces services/travaux
– la plateforme fixe les conditions ou limites de la rémunération
– la plateforme réceptionne le paiement
– la plateforme contrôle la qualité des prestations
– la plateforme émet une classification de ceux qui agissent comme prestataires par son intermédiaire
– la plateforme se charge des échanges entre bénéficiaires et prestataires
– la plateforme peut décider d’exclure la personne prestant pour son compte et ne plus lui accorder l’accès à la plateforme.
Des critères qui permettront facilement d’identifier les «vrais contrats de travail» et d’appliquer alors les règles nationales protectrices du droit du travail.
Une « nébuleuse » au niveau législatif
Une chasse à l’«ubérisation» poussée jusqu’à la définition même du «détachement virtuel» : la CSL demande ainsi que cette nouvelle législation nationale soit appliquée lorsque le prestataire de services «travaille au Luxembourg ou à partir du Luxembourg via une plateforme, peu importe où celle-ci se situe et où se situe le bénéficiaire de la prestation/travail». Des revendications reprises dans une campagne de communication lancée mi-octobre et qui ira jusqu’à mi-novembre, pour «sensibiliser le public aux conditions de travail et à l’importante précarité» de ces travailleurs.
Une «nébuleuse» actuelle au niveau législatif que le Luxembourg n’est pas le seul à vouloir légiférer : l’Union européenne se penche actuellement sur une directive concernant les travailleurs des plateformes, qui doit «trouver le juste équilibre entre la réalisation d’une réelle amélioration des conditions de travail des personnes effectuant un travail des plateformes, indépendamment de leur statut d’emploi, et la durabilité économique des plateformes». Une mission qu’un certain Nicolas Schmit, commissaire européen à l’Emploi et aux Droits sociaux, doit réaliser d’ici à la fin de l’année.