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Drag au Luxembourg : le Barnum en danger


Le Barnum plonge le public dans un univers chaleureux et excentrique, à l’image de la décoration qui fourmille de détails. 

Le seul restaurant-cabaret dédié à l’art du drag au Grand-Duché est dans une situation critique. Ses fondateurs tentent tout pour le sauver.

Le temple du drag au Luxembourg lance un cri de détresse. Depuis lundi, le Barnum, seul cabaret dédié à l’art du drag au Grand-Duché, a rendu public sur les réseaux sociaux sa situation financière plus que préoccupante.

«Nous sommes en phase terminale… sans vous, il ne nous reste qu’une semaine de vie.» Pour les fondateurs du lieu, Alex Goedert et Ian Lejeune, plus connu sous le nom de Madame Yoko, le temps presse. Dans un long message publié sur Facebook, ils dépeignent les difficultés qui les ont amenés à ce moment critique.

Créé en 2019 à Redange-sur-Attert, le Barnum a été durement plombé par la crise du Covid-19. Une crise dont l’établissement ne s’est jamais réellement relevé et sur laquelle sont venues se greffer de nouvelles difficultés.

La flambée des tarifs de l’énergie, la hausse des prix des marchandises et les frais générés par les prestations de ce type d’activité ont fini de creuser la tombe de cet espace de spectacles et de convivialités.

«Le facteur géographie a aussi joué. Nous sommes loin et, aujourd’hui, avec les travaux dans la commune, c’est très difficile de nous rejoindre, analyse Ian Lejeune. Aussi, je pense que nous devons revoir ce que nous proposons au niveau de la restauration et axer plutôt sur le divertissement.»

Nous devons imaginer une grosse restructuration

«Nous sommes à deux doigts de la fermeture pour manque de trésorerie.» Dos au mur, le duo de fondateurs doit, à présent, payer les loyers en retard et les arriérés des fournisseurs. Dans le cas inverse, la remise des clés au propriétaire est prévue pour la semaine prochaine.

Au total, 65 000 euros sont nécessaires pour remonter la pente, imaginer un avenir et sauvegarder les emplois. Les premières mesures de survie ont déjà été appliquées avec le licenciement de deux des quatre personnes employées par le Barnum«Nous devons également imaginer une grosse restructuration», ajoute Ian Lejeune. 

La solidarité fait son effet

Loin de se décourager et prêts à se battre pour continuer à faire exister leur rêve, les deux hommes ont mis en ligne une cagnotte sur une plateforme de crowdfunding. En deux jours, la somme récoltée est de 8 790 euros sur les 65 000 nécessaires.

Quatre-vingt-douze personnes y ont déjà participé avec des dons allant de cinq à mille euros. «Je suis très surpris du soutien de la part des gens. Je ne m’y attendais pas du tout!», s’émeut celui qui, une fois en drag-queen, porte le nom de Madame Yoko. «Qu’importe le montant du don, chaque pierre aide à monter l’édifice.»

Première drag-queen luxembourgeoise à participer à l’émission Drag Race (voir encadré), Madame Yoko a aussi profité de sa notoriété dans le milieu du drag pour communiquer sur la situation critique du Barnum.

Une stratégie qui a trouvé un écho considérable dans la communauté. «J’ai été très soutenu par les artistes qui ont fait l’émission avec moi et même d’autres artistes, que je ne connais pas mais qui me voient à travers les réseaux sociaux. Il y a un véritable effet de solidarité.»

Une nouvelle organisation

Malgré cette aide déterminante, l’avenir reste terriblement flou pour Alex Goedert et Ian Lejeune. Entre fermeture et réinvention, le duo évolue en pleine confusion. «Nous avons déjà contacté le propriétaire pour négocier. Nous proposons de verser une première somme rapidement puis de payer à échéance régulière.»

En attendant la réponse de l’intéressé, les fondateurs du Barnum misent sur un nouveau concept pour relancer leur entreprise. Au niveau de la restauration, là où, auparavant, la clientèle pouvait se sustenter du mardi au dimanche, le calendrier se réduit. Bientôt, le restaurant ne proposera des plats que du jeudi soir au dimanche soir.

Nous sommes la référence du drag dans la Grande Région

Aussi, l’accent va être mis sur la terrasse de l’établissement, l’une des plus belles de la région. Inaugurée dès le 1ᵉʳ juin, celle-ci devrait être ouverte les après-midi. Enfin, encore plus que par le passé, les spectacles seront l’attraction principale du lieu.

«Il faut qu’il y ait quelque chose tous les week-ends, nous sommes la référence du drag dans la Grande Région. Mais je suis ouvert à proposer la scène à d’autres artistes que des drags. Par le passé, ça n’a pas toujours pris, mais pourquoi pas», indique Ian Lejeune. 

Étendard de la diversité

En quelques années, Ian et Alex sont parvenus à placer Redange-sur-Attert sur la carte du drag en programmant des drag-queens de l’Europe entière sur leur scène.

Cette petite salle aménagée sous les toits pouvant accueillir 60 personnes a vu se serrer des spectateurs venus de tout le Luxembourg et des pays voisins pour découvrir ce qu’il se passe derrière les murs de ce lieu unique. «C’est un véritable pèlerinage vers le drag», appuie Ian Lejeune.

Endroit incandescent et chaleureux, «safe place pour les queers et tout le monde», le Barnum représente un rêve devenu réalité pour ses créateurs, «un étendard de la diversit黫Nos shows ne sont rien, si vous n’êtes pas avec nous. Nous avons besoin de vous», conclut Ian Lejeune. 

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Drag Race : Madame Yoko, première Luxembourgeoise

Ian Lejeune dont le nom drag est Madame Yoko est la première Luxembourgeoise à avoir participé au concours de drag-queens, Drag Race. En avril dernier, elle est apparue dans la déclinaison belge du programme américain culte RuPaul’s Drag Race.

Durant celui-ci, les candidates sont soumises à différents défis. Chaque semaine, l’une d’entre elles est éliminée, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’une qui remporte alors le titre de «nouvelle reine du drag belge».

Notre représentante luxembourgeoise finira sa course, éliminée au troisième épisode, après avoir défilé, enveloppée dans une robe émeraude style Art nouveau, la tête coiffée de plumes de paon. «C’est une fierté d’être la première Luxembourgeoise à participer à Drag Race, d’autant plus que c’était une très chouette expérience. J’ai fait de belles rencontres, il y avait une bonne connivence avec les queens.»

«Le drag a toujours fait partie du quotidien des Luxembourgeois», assure Ian Lejeune, ici sous les traits de Madame Yoko. Photo : fabrizio pizzolante