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Double homicide à Niederkorn : pour la défense, l’accusé a été poussé au crime


Pour la défense, José a été poussé au crime par ses victimes. (photo archives LQ)

José n’aurait pas dû tuer ses voisins, mais il ne serait pas passé à l’acte s’il n’avait pas été harcelé. Avec des si, la défense les met en bouteille et invoque leur coresponsabilité.

«Je n’ai pas tué par plaisir», a déclaré José. «Mes nerfs étaient tellement à bout que je n’ai pas pu contrôler ma tête.» Le septuagénaire d’origine portugaise a abattu ses voisins, qui lui auraient fait subir un «calvaire» pendant cinq ans. Les faits, abondamment commentés après leur commission le 17 octobre 2022 dans la rue des Trévires à Niederkorn ainsi que ces derniers jours face à la 12e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, relèveraient d’une impulsion, d’un coup de colère, selon sa défense. «Il a agi sous l’emprise de la rage (…) dans un délire induit par une accumulation de provocations.»

Dans sa plaidoirie, Me Frank a décrit mardi après-midi un homme «harcelé et torturé», à la recherche de solutions face à «des victimes sans scrupules prêtes à rendre fous leurs voisins» et à faire «dégénérer le conflit». Bruits incessants, actes malveillants, dénonciations calomnieuses… José et sa famille auraient tout enduré en silence. Les tentatives de médiation n’auraient jamais abouti du fait des victimes. «Sept familles avaient quitté l’appartement situé sous celui des victimes» avant que le prévenu n’y emménage, soulève l’avocate.

Certaines, venues témoigner à la barre de la chambre criminelle la semaine dernière, ont confirmé les nuisances et apporté de l’eau au moulin du prévenu qui risque la réclusion à perpétuité pour assassinat si le tribunal choisit de retenir la préméditation, comme l’avait fait le parquet vendredi avant de requérir une peine de 20 ans de prison contre le prévenu. Une peine relativement basse qui tient compte des circonstances entourant le geste du prévenu.

Responsabilité partagée

«Je n’avais pas d’autre solution», a reconnu José, 76 ans, mardi. Pour Me Frank, ce sont cette «impuissance», ce «profond sentiment d’injustice» et «de ne pas être cru» qui ont mené à cet «acte contre nature» du prévenu, alors empreint d’«une colère aiguë». Un homme certes impulsif, mais d’ordinaire pas violent et qui «évitait les conflits». Las de cette situation, il avait mis son appartement en vente, souligne l’avocate, qui souligne que dans cette affaire, selon elle, «les responsabilités sont partagées».

La provocation a entraîné une mauvaise réaction qui, Me Frank le martèle, n’était pas préméditée ou planifiée. Elle demande au tribunal, lors de ses délibérations, de prendre en considération les nombreuses circonstances atténuantes, dont la provocation et l’altération des capacités de discernement du prévenu au moment des faits. Son client ne devrait pas être condamné à une peine excédant les 15 années de réclusion et devrait pouvoir bénéficier d’un sursis le plus large possible étant donné son âge avancé et son casier judiciaire vierge.

L’avocate de la défense s’est, entre autres jurisprudences, appuyée sur le cas d’un fratricide à Schifflange. Une jeune femme avait été condamnée en mai 2023 par la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg à une peine de 18 ans de prison, dont cinq ferme, pour le meurtre de son frère en mai 2021. Les juges d’appel ont confirmé la peine, mais l’ont assortie du sursis intégral. La Cour avait retenu des circonstances atténuantes dans son chef. Pendant des années, la victime, un homme malade et tyrannique, consommateur de stupéfiants et d’alcool, avait fait vivre un calvaire à son entourage. Elle aussi, à bout de nerfs, avait commis l’irréparable.

Le 17 octobre 2022, José a tiré cinq balles sur un couple de son voisinage avec un fusil de chasse, dont deux à bout portant pour les exécuter, en pleine rue. Il avait ensuite scié le canon de son fusil et avait attendu les policiers en nettoyant l’entrée de sa maison. Il n’est pas question pour la défense d’excuser ce geste ou de le minimiser. Juste de le contextualiser.

Le prononcé est fixé au 7 novembre.