Le conducteur de la BMW qui a forcé le barrage et percuté un douanier il y a trois ans était poursuivi pour tentative de meurtre. Le passager, quant à lui, a été acquitté.
Y a-t-il eu tentative de meurtre sur le jeune douanier de 26 ans le soir du 17 octobre 2013 ? C’est la question sur laquelle se sont penchés les juges de la 9e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement. Le prévenu Jérémy L. (29 ans) au volant de la BMW série 3 le soir des faits était poursuivi pour tentative de meurtre, défaut de permis de conduire et délit de fuite. Son passager Suleyan S. (29 ans), quant à lui, devait répondre de non-assistance à personne en danger.
Retour sur les faits : ce devait être un simple contrôle de routine sur l’autoroute A6 comme il s’en pratique des nombreux durant l’année. Lors du procès, les collègues du douanier fauché avaient été formels pour dire que ce dernier se trouvait bien sur l’accotement au moment du drame. Selon eux, le conducteur de la BMW pouvait bien le voir de loin. «Sans doute, il a vu la herse et décidé de l’écraser», indiquait le premier témoin qui précisait ne pas avoir vu les feux stop du véhicule.
Après avoir fauché le douanier, les auteurs avaient pris la fuite. «Je n’avais pas de permis, des fausses plaques d’immatriculation… Je roulais dans l’illégalité.» Voilà l’explication livrée par le prévenu Jérémy L., à la barre. Quand il avait aperçu les deux douaniers des deux côtés de la chaussée, il avait décidé de forcer le barrage : «Quand j’accélère au niveau des deux douaniers, il n’y a personne dans mon champ de vision. Au bout de deux, trois secondes, je vois quelqu’un se déplacer pour pouvoir jeter la herse. Pour éviter la herse, je donne un gros coup de volant, car il y a de la place à droite. Et là, malheureusement, je touche le douanier.»
Au cours de leur plaidoirie, les avocats à la défense de Jérémy L. avaient plaidé l’acquittement pour la tentative de meurtre. «Rien ne permet de dire dans ce dossier que Jérémy L. a eu l’intention d’attenter aux jours du douanier», avait conclu Me Ahmed Harir. Pour Me Cédric Bellwald, l’avocat de Suleyan S., son client était dans «l’impossibilité matérielle de prêter secours au douanier renversé». Il était simple passager. «Ce n’est pas mon client qui a décidé de prendre la fuite.» Alors que la défense avait demandé d’écarter la tentative de meurtre, le parquet avait soulevé dans son réquisitoire «l’énergie criminelle» du conducteur Jérémy L. Pour le premier substitut Martine Wodelet, la déclaration de Jérémy L. selon laquelle le douanier se trouvait au milieu de la route n’avait aucun sens : «Pour jeter la herse, il n’a pas besoin de se mettre au milieu de la chaussée. Il était certainement plus à droite.»
Il a 40 jours pour faire appel
Le parquet avait fini par requérir 20 ans de réclusion et une interdiction de conduire de 5 ans à l’encontre de Jérémy L. Ce dernier a déjà fait de la prison en France pour un home-jacking. Contre le deuxième prévenu, Suleyan S., 36 mois de prison avaient été requis. «Il a dit que son portable était à plat. Mais Jérémy L. avait son téléphone. Il aurait pu le lui demander pour appeler les secours», avait souligné le premier substitut.
Dans son jugement, la 9e chambre criminelle n’a qu’en partie suivi les réquisitions du parquet. Lundi après-midi, Jérémy L. a été condamné à 15 ans de réclusion et à une interdiction de conduire de deux ans. Aux différentes parties civiles, il doit verser près de 677 000 euros de dommages et intérêts, dont 617 500 euros à l’assurance accident. Le douanier gravement blessé avait subi quatre opérations et était resté trois semaines en soins intensifs. Jérémy L. doit lui verser 25 000 euros à titre de provision. Un expert sera nommé pour déterminer le montant exact des dommages subis.
Le deuxième prévenu Suleyan S., passager au moment du drame, quant à lui a été acquitté.
Jérémy L. a 40 jours pour faire appel.
Fabienne Armborst