Depuis onze ans, l’ASBL Plooschter Projet sensibilise au don de cellules souches et obtient des résultats probants. Rencontre avec sa cofondatrice et trésorière, Christiane Lieners.
Le Plooschter Projet a fêté ses dix ans, l’année dernière. Enfin, « fêté » n’est peut-être pas le bon terme.
Christiane Lieners : J’étais un peu comme vous, hésitante à célébrer la création de l’association. Ça me rappelle que mon fils, Yannick, est malade depuis dix ans (lire encadré). Mais on a déjà eu tellement de bonnes expériences, on a déjà enregistré tant de monde comme donneurs de cellules souches (NDLR : de 150 inscrits en 2014, l’ASBL en a enregistré 3 146 en 2024). Au Luxembourg, plus de 15 000 personnes sont désormais inscrites dans la base de donneurs mondiale et une cinquantaine ont déjà donné des cellules souches. Ce qui signifie que plus de 50 personnes ont survécu après avoir trouvé un donneur compatible que nous avions enregistré.
Votre bilan est impressionnant.
Je dirais qu’on a donné de l’espérance à beaucoup de gens. Quand on a une leucémie, si la chimiothérapie ne prend pas, la seule chance de survie c’est de recevoir des cellules souches. Les médecins regardent alors s’il y a un donneur compatible dans la famille et si ce n’est pas le cas, ils cherchent dans la base de donneurs mondiale. Mais là, la chance de trouver un donneur compatible est d’une sur un million. Un tiers des patients meurt parce qu’il n’y a pas assez de donneurs recensés. Souvent, quand quelqu’un tombe malade, sa famille nous demande si on peut mener une action.
Qu’est-ce que le Plooschter Projet?
Fondée en 2014 par Yannick Lieners, atteint d’une leucémie à 25 ans, cette ASBL (en français «le projet pansement»), encourage la population à s’enregistrer comme donneurs de cellules souches, mais aussi à donner son sang. «C’était l’époque des challenges sur internet comme l’ice bucket challenge», avait confié le triathlète dans nos colonnes en 2023. «J’ai créé une page Facebook. Je demande aux gens de se prendre en photo avec leur pansement après avoir donné leur sang, puis de poster la photo sur les réseaux pour encourager leurs amis à faire de même.»
En espérant trouver quelqu’un de compatible ?
Oui et non, parce que la chance de trouver quelqu’un de compatible sur une action comme ça, est presque nulle. C’est plutôt pour donner de l’espoir. Et puis, qu’on mène une action ici au Luxembourg ou quelque part ailleurs dans le monde, c’est la même chose. Cette année-ci, trois personnes enregistrées lors d’une action de Plooschter Projet ont été appelées pour donner.
Cela représente beaucoup de travail ?
Oui, on a mené 42 actions en 2024. Depuis l’année dernière, on a reçu un van équipé pour faire des analyses sanguines, alors quand on va dans des festivals, c’est beaucoup plus simple. Avant, on utilisait notre camping-car personnel, on piquait dans des tentes, ce n’était pas super (elle rit). Et en plus, avec l’aide de la Fondation André Losch, on a pu embaucher un mi-temps pendant trois ans pour gérer l’administratif.
Qui sont la soixantaine de bénévoles du Plooschter Projet ?
On a, d’un côté, les infirmières diplômées pour pratiquer les prises de sang. Et puis autrement, ce sont souvent des gens qui ont été eux-mêmes transplantés ou bien un membre de leur famille. D’autres nous ont rencontrés sur un stand et ont souhaité s’impliquer.
Lors de nos journées d’actions et de sensibilisation, ils informent le public et vérifient que les formulaires de santé sont bien remplis, apportent les échantillons de sang au Stefan-Morsch Stiftung, qui se charge de la suite.
Quelles maladies nécessitent une transplantation de cellules souches ?
La plupart, ce sont des leucémies, des cancers du sang.
On parle de dons de cellules souches et de dons de moelle osseuse. Est-ce différent ?
Non, mais on préfère toujours parler de cellules souches parce que moelle osseuse, ça choque tout de suite les gens, ça leur fait peur. Alors que dans 95 % des dons, c’est indolore : le donneur prend des médicaments pendant une semaine pour que les cellules souches se multiplient dans le sang et puis une aphérèse est faite, qui peut durer entre 3 et 5 heures, c’est comme un don du sang. Et dans 5 % des cas, c’est une ponction au niveau des os du bassin, sous anesthésie générale. C’est plutôt pour donner à un petit bébé ou dans le cas d’une leucémie vraiment très agressive.
Ce n’est donc pas douloureux ?
Comme je vous l’ai dit, seuls 5 % des dons seront prélevés par le bassin et si le jour J, le donneur refuse d’être ponctionné par le bassin, il n’y sera pas contraint. Marie Muller, une judokate qui a participé aux JO pour le Luxembourg, a fait un don par le bassin pour une petite fille malade au Brésil. Elle nous a dit : « Je suis restée deux jours à l’hôpital, j’ai eu une anesthésie et j’ai eu un peu mal, mais j’ai donné une chance de survie à une petite fille… ». Ceux qui ont donné des cellules souches, sont toujours très émus, et ils sont très contents de pouvoir le faire.
Est-ce difficile de convaincre les gens de devenir donneur ?
Ça dépend. On va souvent dans des lycées et là, c’est vraiment bien. Avant notre venue, les élèves ont eu une leçon de biologie avec leur professeur. On leur donne une présentation complète et après, ils peuvent encore poser des questions. Puis comme dans chaque action que l’on mène, ils remplissent un questionnaire de santé et ont leur fait juste une prise de sang. Et voilà, ils sont dans la base de donneurs mondiaux.
On sera le 28 janvier à l’hôpital au Kirchberg, mais dans les cliniques, c’est toujours délicat parce que les gens sont là pour rendre visite à quelqu’un qui est malade, ils n’ont pas beaucoup de temps. On vise plutôt le personnel, qui peut d’ailleurs se préinscrire.
Nous allons aussi dans les festivals. Quand les gens sont déjà prévenus qu’on sera là, ça se passe bien. Et depuis quelques années, les personnes nous connaissent et viennent en nous disant « ah! j’ai toujours voulu m’inscrire comme donneur, maintenant, vous êtes là, je vais le faire ».
Quelles questions vous pose-t-on le plus fréquemment ?
Souvent, les femmes demandent pourquoi, pour être donneuses, elles ne doivent pas avoir eu plus de deux grossesses. On leur explique que si c’est le cas, elles développent des anticorps qui pourraient provoquer un rejet chez le patient.
Ou bien dans les lycées, il y a des jeunes filles qui pèsent moins de 50 kg et voudraient se porter volontaire. Alors qu’avec ce poids, elles ne produisent pas assez de cellules souches. Et puis, il y a souvent des gens qui eux-mêmes étaient malades et qui demandent s’ils peuvent donner, et ce n’est plus possible.
Ah! Et il y a toujours une question sur la limite d’âge. « Vous ne voulez plus de moi, je suis trop vieux », nous dit-on. Or quand un bébé ou un petit enfant va avoir un don, s’il reçoit des cellules d’une personne qui a 40 ans, ses cellules souches auront 40 ans. Ce n’est pas super pour le bébé, même si c’est mieux que rien.
La science progresse-t-elle ?
On soutient un projet du LIH qui est très prometteur. Yannick dit toujours que quand il est tombé malade, il a eu un traitement disponible seulement depuis quelques années sur le marché. S’il était tombé malade quelques années plus tôt… c’était la plus sévère des maladies qu’on connaissait. Et maintenant? Il vit et a une qualité de vie.
On a donné de l’espérance à beaucoup de gens
Comment devenir donneur potentiel?
Il faut avoir entre 18 et 40 ans, n’avoir pas eu plus de deux grossesses, peser plus de 50 kg, être en bonne santé et posséder la nationalité luxembourgeoise ou allemande ou encore être résident au Grand-Duché ou en Allemagne. N’importe quel laboratoire d’analyses sanguines au Luxembourg peut vous inscrire après vous avoir prélevé un petit tube de sang, mais vous pouvez aussi vous rendre sur le site internet du Plooschter Projet où les dates et les lieux des actions sont indiqués. Les deux prochaines auront lieu le mardi 28 janvier de 12 h à 15 h à l’hôpital Kirchberg et le jeudi 30 janvier de 12 h à 15 h à la ZithaKlinik. La probabilité d’être un jour appelé pour donner ses cellules souches est de plus ou moins 5 %.