Le timing est parfait. Alors que la 22e Coupe du monde de football, cernée par les menaces de boycott, démarre la semaine prochaine au cœur du si décrié Qatar, Netflix a décidé de remettre un peu de sucre sur la dent cariée et de rafraîchir les mémoires avec la série FIFA Uncovered.
Ce long et étayé documentaire (divisé en quatre épisodes) rappelle les faits, de l’envol à la chute de l’instance mondiale du sport le plus suivi de la planète, et le plus lucratif aussi. Avec, en son centre, Sepp Blatter, son «intouchable» président durant 17 ans.
Réalisé par Daniel Gordon, apparemment fan de ballon rond (on lui doit The Game of Their Lives sur le parcours de l’équipe de Corée du Nord en 1966), l’objet ne révèle pas de scoop majeur mais raconte en détail, entre images d’archives et récentes interviews (dont celle de Sepp Blatter lui-même), comment la FIFA est devenu ce «monstre» à double face. Avec côté pile, visible, la volonté d’ouvrir son sport aux endroits les plus reculés (et pauvres) de la planète par le biais de programmes de développement.
Côté face, dans les vestiaires, loin de cette image d’ONU du football, l’avidité et la «toxicité» de ses représentants, vendus et ventrus, qui voient l’instance comme un énorme «buffet à volonté». Bien que pour le coup, c’est sous la table qu’il faut regarder, à condition d’avoir l’estomac solide : blanchiment, comptes cachés, entreprises écrans, paradis fiscaux, pots-de-vin, enveloppes secrètes, racket, chantage, accords et enjeux géopolitiques…
Une affaire vertigineuse, digne d’une organisation criminelle
Même le FBI – qui a mené l’enquête et procédé aux arrestations spectaculaires de quatorze dirigeants à Zurich fin mai 2015 – parle d’une affaire «vertigineuse», digne «d’une organisation criminelle» de type «mafia ou cartels de la drogue».
Si le documentaire débute justement avec ce coup de filet médiatique, il remonte l’histoire jusqu’à 1974, époque où la FIFA n’avait même pas de siège social en Suisse, et rien dans les caisses. La révolution arrivera avec João Havelange, industriel brésilien qui va faire de l’instance une entreprise et du football un produit.
Dès lors, la politique et le capitalisme entrent dans la partie, attirant différents sponsors (avec en tête de gondole Horst Dassler, patron d’Adidas et d’ISL) lorgnant sur la mirobolante promesse qu’est la télévision (avec ses juteux droits). Sepp Blatter, le second, prendra le relais en poussant le premier en 1998, bien décidé à ne pas freiner la machine, pour devenir le tout-puissant «parrain» de cette famille où tous les coups sont permis, surtout les plus bas. En tout cas jusqu’en 2015 et son démantèlement.
Dans ce panier de crabes, qui cherche aujourd’hui à se racheter une image avec le lisse Gianni Infantino, le documentaire ballotte entre deux élections : celle du président de la FIFA et celle de l’hôte de la Coupe du monde. Pour la première, il pointe du doigt un système incohérent, bien qu’égalitaire : avec un vote attribué à chaque pays membre de la FIFA, la confédération d’Amérique du Nord, centrale et des Caraïbes se retrouve ainsi avec trois fois plus d’électeurs que celle d’Amérique du Sud. L’équation est simple : pour être élu, il faut «séduire» les responsables de la modeste Concacaf, soit Jack Warner et Chuck Blazer, deux figures centrales à cette corruption massive.
Au bout, trois heureux
Pour la seconde, c’est sensiblement les mêmes entourloupes, sauf qu’il s’agit de convaincre un groupe plus restreint : les vingt-quatre membres du comité exécutif de la FIFA qui, selon les témoignages, «ne parlent pas de football» mais de gros sous. Si l’attribution de la Coupe du monde à la Russie en 2018, également polémique, n’est que brièvement abordée, les autres oui, de la France à l’Afrique du Sud en passant par la lointaine Argentine en 1978. Par contre, pour ce qui est de celle qui arrive, le documentaire lui consacre un chapitre entier, et il est édifiant.
Elle est montrée, selon les intervenants (dont des journalistes du Guardian et du New York Times), comme étant un projet politique porté par un État et non une fédération. Trois fédérations africaines auraient été soudoyées et des accords (autour du gaz) menés avec la Russie et la Thaïlande. En France, Michel Platini, alors influent patron de l’UEFA, «tombe dans le piège» dressé par le président Nicolas Sarkozy. Au bout, trois heureux : Airbus, BeIn Sports et le Paris Saint-Germain. De quoi avoir les jambes coupées avant le début d’une compétition déjà entachée de virulentes critiques sur les conditions d’organisation (humaines, écologiques). Espérons que le jeu prenne le dessus. Vivement Qatar-Équateur dimanche…
Dans la vie les plus gros criminels en tout genre, ce ne sont pas ceux habillés en jogging ou avec des vêtements sales, non!!! Les plus gros criminels se sont ceux en costumes cravate… mais ceux là, la justice y est allergique apparemment….