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Dix ans après les attentats contre Charlie Hebdo, la France se souvient


Pour ce triste anniversaire, Charlie Hebdo sort un numéro spécial de 32 pages, où en Une, il se dit «increvable!».

La France commémore mardi l’attaque jihadiste meurtrière menée il y a dix ans contre l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, qui défend toujours haut et fort la liberté d’expression.

L’Allemagne partage «la douleur de nos amis français», a souligné mardi le chancelier Olaf Scholz sur le réseau social X. «L’attaque barbare» des frères Kouachi, qui a fait 12 morts dont huit membres du journal satirique, «visait nos valeurs communes de liberté et de démocratie – nous ne l’accepterons jamais», a-t-il ajouté.

Après deux jours de traque, les frères Kouachi, des Français d’origine algérienne qui avaient prêté allégeance à Al-Qaïda, avaient été abattus par une équipe d’élite de la gendarmerie, dans une imprimerie où ils s’étaient retranchés.

Journal joyeusement anarchiste et anticlérical, Charlie Hebdo était la cible de menaces jihadistes depuis la publication de caricatures du prophète Mahomet en 2006.

La France a été touchée en 2015 par une série d’attentats, de l’attaque contre le célèbre hebdomadaire satirique à celles contre la salle de spectacles du Bataclan, des terrasses parisiennes et du Stade de France le 13 novembre de cette année noire.

Le président français Emmanuel Macron a appelé lundi à poursuivre sans «répit» la lutte contre le terrorisme. Il a souligné que le risque «demeure prégnant dans nos sociétés», ce qui «implique qu’il n’y ait aucun relâchement et une vigilance collective».

Mardi, une source proche du dossier a indiqué que le chef de l’État voulait maintenir le projet de Mémorial du terrorisme, lieu d’hommage à toutes les victimes du terrorisme en France et à l’étranger, menacé d’abandon.

Emotion mondiale

L’attentat du 7 janvier avait provoqué une émotion mondiale et donné naissance à un slogan de soutien resté célèbre: «Je suis Charlie».

Le 11 janvier 2015, des manifestations avaient réuni près de 4 millions de personnes à travers la France, avec de nombreux chefs d’État et de gouvernement dans le cortège parisien.

Les commémorations de mardi seront «comme chaque année» marquées «par la sobriété, conformément au souhait des familles», a indiqué la mairie de Paris. La maire Anne Hidalgo y participera en présence de Macron et de plusieurs ministres.

Les commémorations débuteront à 11 h 30 rue Nicolas-Appert, où Charlie Hebdo avait ses locaux en 2015. Elles se poursuivront boulevard Richard Lenoir, où le policier Ahmed Merabet a été abattu par les Kouachi dans leur fuite.

Et elles s’achèveront à 13 h 10 par un hommage aux victimes du magasin Hypercasher porte de Vincennes : quatre personnes de confession juive, prises en otages, y avaient été tuées le 9 janvier 2015 par Amedy Coulibaly, qui se revendiquait de l’État islamique (EI).

Charlie Hebdo «incarne un combat pour la liberté», a souligné Fabrice Nicolino, membre de la rédaction survivant du 7 janvier 2015, mardi sur la radio franceinfo. Et de décrire une rédaction aujourd’hui protégée par «une grosse porte métallique», une série de «sas», une «pièce qui grouille de flics» ou encore une «panic room» en cas d’attaque.

Pour ce triste anniversaire, Charlie Hebdo sort un numéro spécial de 32 pages, où en Une, il se dit «increvable!».

Ce numéro comprend près de 40 caricatures sur le thème #RiredeDieu, sélectionnées dans le cadre d’un concours international lancé par l’hebdomadaire qui invitait à dessiner la «colère contre l’emprise de toutes les religions».

«Forces obscurantistes»

A côtés de Charlie Hebdo en kiosque, plusieurs quotidiens français consacrent leur Une au dixième anniversaire de l’attaque: «Liberté, Liberté Charlie!» titre Libération, alors que Le Figaro s’inquiète de voir la France «toujours sous la menace islamiste».

«La menace terroriste n’a jamais été aussi présente», affirme aussi le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau dans Le Parisien, tandis que l’ombre d’un crayon et d’une gomme trouée par une balle dessine un «10» en Une de La Croix.

Selon une étude de l’institut de sondage Ifop réalisée en juin 2024 et publiée par Charlie Hebdo, 76% des Français estiment que «la liberté d’expression est un droit fondamental» et que «la liberté de caricature en fait partie».

«Aujourd’hui, les valeurs de Charlie Hebdo, comme l’humour, la satire, la liberté d’expression, l’écologie, la laïcité, le féminisme pour ne citer que celles-ci, n’ont jamais été autant remises en cause (…) Peut-être parce que c’est la démocratie elle-même qui se trouve menacée par des forces obscurantistes renouvelées», affirme Riss, le successeur à la tête de Charlie Hebdo de l’emblématique dessinateur Charb, tué dans l’attaque.

Mais, souligne-t-il, «la satire possède une vertu qui nous a aidés à traverser ces années tragiques: l’optimisme».