Dix ans après le référendum national du 7 juin 2015, l’Association de soutien aux travailleurs immigrés a tenu une conférence de presse pour alerter sur le besoin de discuter à nouveau sur les questions d’alors et le système démocratique global.
Non au droit de vote dès 16 ans à 80 %, non au droit de vote des étrangers à 78 %, non aux mandats ministériels limités à dix ans à 70 %. Le 7 juin 2015, le rejet des électeurs envers les trois propositions du référendum national avait profondément marqué les esprits et la vision de la démocratie au Grand-Duché.
À l’aube des dix ans du triple non, l’Association de soutien aux travailleurs immigrés (ASTI) a organisé ce lundi une conférence de presse afin d’alerter sur le déficit démocratique qui se creuse depuis le référendum. Sérgio Ferreira, son directeur politique, lance un appel solennel aux partis politiques luxembourgeois afin qu’ils relancent d’urgence les discussions autour du système démocratique.
Au vu du non massif d’il y a dix ans, pourquoi vouloir revenir sur les questions posées à l’époque, notamment sur le droit de vote des étrangers ?
Sérgio Ferreira : Dix ans après, l’électorat a changé et la réalité du Luxembourg aussi. Selon nous, il faut rediscuter, et pas seulement autour de la question du droit de vote des étrangers. Il s’agit d’essayer d’avoir une discussion, sans tabou ni échéances électorales proches, sur la question de la démocratie luxembourgeoise et sur sa qualité.
Évidemment, presque la moitié de la population est au cœur de nos revendications, mais nous sommes aussi préoccupés par la façon dont les démocraties sont attaquées en Europe et ailleurs dans le monde. Il est important que nous anticipions ces discussions afin que la démocratie reste notre régime et que plus de monde ait voix au chapitre.
Une discussion sans tabou ni échéances électorales
Pour ce faire, vous réclamez la création d’une Chambre des citoyens.
Oui, car il y a aussi une question de représentation générale. Même si l’on tient juste compte de la population qui a la nationalité, la Chambre des députés ne représente pas la population. Il y a très peu de gens qui sont issus du secteur privé, il n’y a plus d’ouvriers, il y a plus d’hommes que de femmes. Et donc tout cela pose aussi des questions de représentation et de qualité de la démocratie, au-delà du droit de vote des étrangers.
Nous pensons qu’une Chambre des citoyens similaire à celle qui existe dans le Parlement de la Communauté germanophone de Belgique (NDLR : Assemblée citoyenne) pourrait être une piste. Encore une fois, ce que l’on veut, c’est provoquer la discussion, sans tabou, et que d’autres propositions puissent aussi venir sur la table.
La démocratie n’est pas totalement inclusive
Vous avez réalisé des sondages (lire encadré) qui démontrent un changement de mentalité par rapport à 2015. Un nouveau référendum serait-il une bonne solution pour changer la donne ?
L’ASTI n’était déjà pas favorable au référendum de 2015, donc non. Les spécialistes en droit constitutionnel et en droits humains disent d’ailleurs que l’on ne peut pas soumettre des droits à un référendum. C’est une fausse approche à nos yeux. Même si nous savons qu’il y a des blocages constitutionnels qui peuvent empêcher de faire ce pas sans réforme de la Constitution.
Sentez-vous le gouvernement prêt à discuter ?
Nous savons que les deux partis au gouvernement ne sont pas chauds, mais rien n’empêche que la discussion puisse se faire. Il ne s’agit, encore une fois, pas que du droit de vote des étrangers et je pense que le CSV et le DP peuvent apporter leur contribution au débat. Nous sommes réalistes, nous savons qu’il n’y aura pas un projet de loi du jour au lendemain, mais nous sommes aussi réalistes lorsque nous disons que l’on ne peut ignorer le fait que notre démocratie n’est pas totalement inclusive.
C’est un besoin urgent et je prends l’exemple du logement. Il y a huit ans, c’était un problème qui concernait surtout les étrangers et les immigrés. Comme cela ne concernait pas l’électorat, le gouvernement n’avait pas bougé. Aujourd’hui, cela affecte tout le monde, mais le pays est en retard, car il n’a pas pris en compte les intérêts d’une certaine tranche de la population.
Le oui l’emporte en 2025
Commandé par l’ASTI, un sondage a été réalisé en avril dernier par l’Ilres auprès de 1 012 personnes résidentes et âgées d’au moins 16 ans. Les deux questions du référendum de 2015 sur le droit de vote des étrangers et à partir de 16 ans leur ont été posées.
Contrairement à une décennie plus tôt, une majorité absolue (68 %) approuve l’idée de permettre aux non-Luxembourgeois de voter aux législatives, sous la condition de résider dans le pays depuis dix ans et d’avoir déjà voté aux élections communales ou européennes.
Pour le droit de vote à 16 ans, ils sont moins nombreux, mais ils représentent tout de même une majorité relative (46 %) à avoir opté pour le oui.