OGBL et LCGB ont manifesté séparément, hier soir, pour le maintien des emplois des ouvriers de chantier. Les deux syndicats ne sont pas d’accord sur l’ampleur de la crise qui guette le bâtiment.
L’édito de David Marques ➡ «Formules magiques»
La situation se tend de plus en plus sur le marché du logement et dans le secteur de la construction. À cette double crise s’ajoute désormais une discorde syndicale, qui s’est révélée au grand jour, hier soir, lors de deux manifestations séparées de l’OGBL et du LCGB.
Les deux rassemblements – le premier au Casino syndical à Bonnevoie, le second au Parc Hôtel Alvisse à Dommeldange – avaient le même thème : pérenniser des emplois de qualité dans le bâtiment.
Si l’objectif est partagé, ce n’est pas le cas des instruments et moyens à déployer pour éviter le pire, à savoir une succession de licenciements et de faillites.
L’OGBL plaide pour des plans de maintien dans l’emploi ciblés et individuels, le LCGB rejoint lui la revendication du camp patronal pour négocier un plan sectoriel, qui profiterait à l’ensemble des acteurs de la construction et de l’artisanat, indépendamment de leur situation financière.
Les patrons appelés à boycotter l’OGBL
L’OGBL ne nie pas que «depuis plusieurs mois, le secteur de la construction se trouve dans une phase de ralentissement». Jean-Luc De Matteis, secrétaire central du syndicat Bâtiment, dénonce toutefois que depuis 2022, «le patronat ne cesse de crier au loup afin d’obtenir, par tous les moyens possibles, des aides massives de l’État».
Il fait allusion au plan de maintien dans l’emploi sectoriel, refusé par l’OGBL, en raison de l’hétérogénéité des entreprises de construction. «Elles ne sont pas toutes touchées de la même manière du coup d’arrêt momentané. Il est dès lors inconcevable que ceux qui ne sont pas dans le besoin mettent la pression pour toucher ces aides. L’État ne doit pas remplir les poches des acteurs qui ont pendant au moins une décennie gagné des centaines de milliers d’euros sur le dos des ouvriers», clame le syndicaliste.
Pour l’OGBL, il est plus opportun de conclure des plans selon les besoins des entreprises. Or, les fédérations patronales tenteraient de bloquer cette stratégie en mettant la pression sur les chefs d’entreprise.
«Nous avons eu connaissance de lettres envoyées dans laquelle les entreprises sont appelées à ne pas conclure de plans individuels, surtout pas avec l’OGBL. C’est tout simplement dégueulasse comme démarche», fustige Jean-Luc De Matteis.
Partant de là, le secrétaire central ne peut cautionner la décision du LCGB de s’engager pour un plan de maintien dans l’emploi sectoriel. «On se sent un peu seuls, car l’autre syndicat a décidé de se rallier entièrement au patronat. Cela est inacceptable et incompréhensible», martèle Jean-Luc De Matteis.
Une heure plus tard, et à quelques kilomètres de distance, son homologue Robert Fornieri lui répond en soulignant que «chaque organisation syndicale digne de ce nom se doit de s’engager pour ses membres».
Le syndicat chrétien estime que la crise dans le secteur de la construction n’est plus à nier. «Toutes les entreprises ne sont pas touchées de la même manière, mais il est clair que le temps qui passe n’arrange en rien les choses», affirme Robert Fornieri.
«Il nous faut remédier à la situation avant qu’elle ne s’aggrave davantage. Tous les mois, des entreprises tombent en faillite ou se trouvent en défaut de paiement. Ça suffit maintenant», enchaîne le secrétaire général adjoint du LCGB.
«Irresponsable de ne pas préparer la reprise»
Son argumentation diffère de celle de l’OGBL. En priorité, le nouveau gouvernement devrait «sans tarder passer aux actes», en prenant les mesures fiscales censées redynamiser le secteur. «Mais, vu le temps que cela va prendre pour que ces mesures produisent leurs effets, il nous faut tout entreprendre pour éviter, en attendant, des licenciements. D’où notre revendication claire de négocier un plan de maintien dans l’emploi sectoriel», développe Robert Fornieri.
En l’absence d’une telle mesure, le secteur risquerait de manquer de ressources lors de la reprise conjoncturelle. «Il serait irresponsable de ne pas s’y préparer. Sans action, on risque de tomber dans une crise inversée, avec des entreprises qui ne seraient plus capables de répondre à une forte reprise. On insiste pour que gouvernement et employeurs prennent leurs responsabilités», met en garde le syndicaliste.
La convention collective toujours au point mort
Cette discorde syndicale, en pleine crise du logement et de la construction, intervient à un moment où les négociations pour renouveler la convention collective du secteur sont depuis désormais deux ans au point mort.
Ici, OGBL et LCGB sont sur une même ligne pour obtenir enfin une revalorisation du lourd travail fourni par les ouvriers de chantier. «Les patrons estiment que vous ne méritez pas d’augmentation de salaire alors que c’est vous qui formez la colonne vertébrale du secteur», tranche Jean-Luc De Matteis.
Le LCGB lie les négociations sur la convention collective avec celles sur un plan de maintien dans l’emploi. «L’effort à consentir pour pérenniser l’activité du secteur doit aller de pair avec une revalorisation des conditions de travail des ouvriers», souligne Robert Fornieri.
Syndicats et patronat se retrouvent ce matin pour dresser un état des lieux.