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Devenir maître de sa propre mort, une association lance le débat


Paulette Lenert et Jean-Jacques Schonckert militent pour un suicide-bilan assisté, un droit de mourir quand on le décide. (Photo : Editpress)

Le droit fondamental d’être maître de sa propre fin de vie, c’est le nouveau débat de société que veut déclencher Mäi Wëllen, Mäi Wee. L’association veut franchir une nouvelle étape.

Les sœurs jumelles et vedettes allemandes Alice et Ellen Kessler ont décidé de mourir toutes les deux le 17 novembre dernier à Grünwald en ayant recours simultanément au suicide assisté, à l’âge de 89 ans. Elles avaient prévenu, il y a une dizaine d’années, que l’une ne pourrait pas survivre sans l’autre. Elles ont décidé de partir ensemble.

«En Allemagne, il existe un vide juridique sur cette question depuis un arrêt de la Cour constitutionnelle qui s’est prononcée en février 2020 sur une loi interdisant pénalement l’assistance au suicide. Elle l’a déclarée inconstitutionnelle, ce qui est très progressiste», exprime Paulette Lenert. La députée socialiste et ancienne ministre de la Santé est active au sein de Mäi Wëllen, Mäi Wee, l’association pour le droit de mourir dans la dignité, et défend bec et ongles le droit de vouloir décider de son départ. Elle milite en faveur du «suicide-bilan».

«Nous avons la loi sur l’euthanasie et le suicide assisté, mais on vit de plus en plus vieux et se pose la question des maladies mentales, de la démence», rappelle de son côté le président de l’association, Jean-Jacques Schonckert. La question est posée : les gens ont-ils le droit, à un certain âge, de décider tout simplement de partir? Aux Pays-Bas, une proposition de loi est à l’étude qui vise à autoriser l’aide au suicide pour «vie accomplie» à partir de 75 ans, en dehors de toute condition médicale.

«Tout le monde peut toujours se suicider mais c’est hypocrite, c’est un sujet encore tabou. Des gens vont se suicider de manière atroce et c’est un échec de la société, il faut encadrer le droit au suicide avec des garde-fous. Il faut un avis médical pour voir si la personne est bien consciente, si ce n’est pas un moment de détresse», explique Jean-Jacques Schonckert. À partir de quel âge? Au Luxembourg, la loi sur l’euthanasie et l’assistance au suicide exige que la personne soit majeure et capable de prendre sa décision, c’est-à-dire qu’elle n’ait pas été jugée incapable par un tribunal. De plus, le patient doit être en phase avec une condition médicale grave et incurable provoquant une souffrance physique ou psychique constante et insupportable.

«La question de l’âge fait débat au sein de l’association», admet Paulette Lenert. «Certains jeunes se retrouvent dans une souffrance extrême à 16 ans, par exemple, mais qu’on oblige à attendre encore deux ans. Mais c’est un autre débat», précise l’ancienne ministre de la Santé. L’objectif de l’association, c’est de dire que cette loi à 15 ans et qu’il faudrait une réflexion au niveau de la population, un débat sociétal pour franchir une nouvelle étape. «Aux Pays-Bas, 80 % de la population se dit favorable à cette proposition de loi qui autorise le suicide assisté pour « vie accomplie« .». Le sujet a fait l’objet d’une conférence le mois dernier, intitulée «Ras-le-bol de la vie et maintenant?». «Le but était de faire réfléchir le public à cette idée», explique Paulette Lenert.

«Des morts évitées»

Les deux militants pour le droit de mourir dans la dignité estiment que beaucoup de gens sont encore mal informés. «De très nombreuses personnes ignorent que les souffrances psychologiques et psychiques sont couvertes par la loi», assure Paulette Lenert. Pour les médecins, rien n’est clair non plus et c’est un autre problème que nos deux interlocuteurs veulent thématiser. «En Suisse, un médecin avait été condamné, avant d’être finalement acquitté par la cour fédérale, pour avoir prescrit du pentobarbital à une épouse qui ne voulait pas survivre à son mari, gravement malade», illustre Paulette Lenert. L’octogénaire était en bonne santé, mais voulait partir avec son mari.

«Au Luxembourg il faut être malade et être dans une situation de détresse, c’est très subjectif», estime Jean-Jacques Schonckert. «Si on en a marre de la vie, le fameux bilan d’une vie accomplie, il ne faut pas obligatoirement être dans un état dépressif», ajoute-t-il. «Lors de la conférence du mois d’octobre, le Dr Marc Graas, médecin spécialiste en psychiatrie et neurologie ainsi qu’en psychothérapie, a déclaré qu’on peut être paisible, mais en avoir marre. C’est la liberté de pouvoir disposer de sa vie», déclare Paulette Lenert.

Des gens peuvent estimer avoir eu une belle vie, et décider de partir avant de tomber malade. Aujourd’hui, des gens se suicident pour ne pas être exposés à une maladie. «On aurait certainement moins de suicides spontanés, sur un coup de tête, si cette possibilité existait. Si on sait que des professionnels peuvent nous aider, il y aurait des morts évitées», est persuadée l’ancienne ministre de la Santé.

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