Une étude coordonnée par la Rehaklinik d’Ettelbruck met en lumière le mal-être et la détresse des infirmiers et du personnel de soins durant la troisième vague de la pandémie.
Une «dépression majeure» d’une grande partie de la profession. Voilà en deux mots comment le docteur Charles Benoy résume son étude portant sur la charge mentale des professionnels de santé au moment de la troisième vague de la pandémie de Covid-19.
Ce texte de dix pages, publié dans le journal renommé “Nature Scientific Reports”, révèle une charge inquiétante sur la santé mentale parmi le personnel de santé européen entre les mois de novembre 2021 et février 2022.
Si sept pays ont participé à l’étude (la France, l’Italie, la Suisse, l’Allemagne, le Portugal et l’Espagne), le Luxembourg y est toutefois fortement représenté : près de 25% des sondés travaillaient en effet sur le territoire grand-ducal au moment de sa réalisation. Un taux «plus que représentatif» aux yeux du docteur Benoy, et qui souligne surtout l’état d’esprit du personnel soignant du pays à ce moment de la crise.
Le rapport, qui a interrogé 1 400 professionnels de santé (237 médecins, 459 infirmiers, 351 autres professionnels de santé et 351 professionnels non médicaux) met en évidence une «détresse mentale sévère et généralisée», en particulier parmi les infirmiers et le personnel de soins intensifs, en première ligne sur le front durant la crise.
«Ce sont les infirmiers qui ont eu le travail le plus pénible», justifie Charles Benoy. «C’est eux qui étaient en contact physique permanent avec les patients. Ils ont dû manier des malades, les bouger, des gestes plutôt rares en soins intensifs d’ordinaire», explique-t-il.
Une «souffrance psychique constante»
Les résultats de l’étude sont préoccupants : un infirmier sur quatre indique souffrir d’une dépression sévère. Dans le détail, le personnel des soins intensifs affiche les niveaux les plus élevés de stress et d’anxiété. Les infirmiers, plus que les médecins encore, présentent des niveaux d’anxiété considérablement plus élevés.
Les facteurs de stress les plus importants sont doubles selon l’étude : d’abord l’incertitude sur la durée de l’épidémie, mais aussi l’inquiétude quant à l’impact du Covid-19 sur les familles et les proches. Une peur toujours bien présente au sein de la profession. «Ce stress était-il lié uniquement à la pandémie ou était-il pré-existant? Une chose est sûre, il y a une souffrance psychique constante dans cette profession», note le psychologue de la Rehaklinik.
Face à ces résultats, les chercheurs appellent donc à des interventions adaptées en matière de soutien psychologique pour les professionnels de santé. L’étude souligne en effet l’urgence d’un soutien renforcé afin de prévenir des séquelles psychologiques durables. Un manque criant pendant et après la pandémie, selon Charles Benoy.
«Nous avons eu peu de soutien dans les hôpitaux, que ce soit pour le personnel ou les patients. Beaucoup ont eu recours à des solutions extérieures qu’ils ont trouvé tout seul. Une majorité de personnes ne se sent pas suffisamment soutenue. Et il ne faut pas se contenter de ça.»
Une découverte importante de l’étude est le lien entre l’utilisation accrue des médias sociaux et l’aggravation des problèmes de santé mentale. Une consommation importante des réseaux semble en effet contribuer à une montée du stress et de l’anxiété parmi les soignants.
«Chercher à obtenir une information est important pour l’être humain, cela donne une illusion de contrôle sur la situation : je me renseigne, donc je sais ce qu’il se passe. Le problème avec les réseaux sociaux, c’est qu’en général, ils reflètent nos émotions. Donc si vous vivez telle émotion, vous allez forcément avoir des contenus qui lui correspondent. Et c’est là que cela peut devenir anxiogène», explique le psychologue.