Les prévenus auraient détourné moins d’argent, si la commune avait remarqué leurs agissements plus tôt. L’argument avancé par la défense ne passe pas auprès de la partie civile.
Pendant près de 20 ans, deux anciens fonctionnaires communaux ont détourné par divers moyens des fonds publics à hauteur de 5,2 millions d’euros. Jusqu’au jour où une employée du service de la recette communale a soulevé un lièvre. Un énorme lièvre. Ces derniers jours, l’énergie criminelle qu’a nécessité une affaire d’une pareille envergure a été soulignée à plusieurs reprises face à la 16e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. Notamment par le parquet qui a requis lundi des peines de huit et cinq ans de prison assorties de sursis à l’encontre des prévenus.
Pourtant, même si leurs clients sont en aveux, les avocats de la défense ont tenté hier après-midi dans leurs plaidoiries d’obtenir des peines plus confortables pour leurs clients. Particulièrement au civil. Le remboursement des sommes détournées ainsi que le paiement de dommages moraux de plusieurs milliers d’euros pour avoir entaché la réputation de Hesperange pendent au nez des deux prévenus. Leurs avocats ont plaidé en faveur d’une responsabilité partagée entre la victime présumée, l’administration communale, et les deux anciens fonctionnaires. Selon eux, leurs clients n’auraient pas agi pendant près d’une vingtaine d’années si les finances communales avaient été correctement administrées.
«Mon client a commis une erreur du point de vue pénal. Il le reconnaît», explique Me Marc Lentz qui défend le principal accusé et a notamment contesté l’association de malfaiteurs, l’accusation de détournement de fonds ou la fausse déclaration de subsides qui ne seraient, selon lui, pas données à son encontre. «Au civil, il existe un concept de la responsabilité partagée. Une victime peut avoir contribué à son propre dommage par négligence ou par erreur. Cela peut avoir causé ce dommage ou l’avoir aggravé. L’administration communale de Hesperange porte une part de culpabilité évidente parce qu’elle n’a pas mis en place les procédures et les mécanismes de contrôle nécessaires pour éviter ce type de fraudes.» «La culture d’entreprise au sein de la commune était telle qu’elle a facilité le travail à des personnes comme les prévenus», a noté quant à lui Me Noesen qui défend l’ancien chef du service technique. La commune les aurait donc poussés au crime.
Les prévenus attendent leur sort
La défense a également contesté la demande de préjudice moral et demandé que les deux prévenus soient, le cas échéant, condamnés à l’euro symbolique. «Dans deux ans, plus personne ne parlera de cette affaire. Les chiens aboient et la caravane passe», avance Me Noesen. Me Pierret, qui représente Hesperange, a vivement contesté les plaidoiries de la défense. «Nous avons affaire à deux grands criminels à qui on reproche d’avoir enfreint les deux tiers du code pénal», lance-t-il avant de rappeler qu’un fonctionnaire communal doit être suffisamment honnête et compétent pour que les élus communaux puissent se reposer sur son expertise et lui faire confiance. Il a balayé l’argument de la responsabilité partagée et défendu le système de gestion des finances communales «qui fonctionnait très bien» avant que les deux prévenus reconnaissent avoir abusé.
Me Noesen a estimé que son client «ne devrait pas être puni pour ce qu’il n’a pas fait». Et selon lui, il n’aurait joué qu’un rôle secondaire dans cette affaire. «Objectivement, il n’a fait que signer une facture une fois par mois. Son coprévenu n’est pas philanthrope. Il ne l’a pas embarqué là-dedans par générosité», a tenté d’argumenter l’avocat. Il a d’ailleurs empoché trois fois moins que son ancien ami et n’aurait pas participé à toutes les infractions. «Ils ne devraient pas être condamnés de manière solidaire», estime-t-il. «Du moins au civil. Mon client n’a aucune chance de pouvoir rembourser les sommes demandées.» «Sans sa contribution, les détournements n’auraient pas pu continuer après 2009», a rétorqué le représentant du parquet. «Il a effectué une quarantaine de faux au moins. On ne peut pas prétendre que son rôle a été moindre. L’énergie criminelle reste la même, bien qu’il ait empoché moins d’argent.»
«Il ne me reste rien d’autre à faire que d’attendre ma peine», a très justement conclu l’ancien chef du service technique après avoir redit ses regrets et présenté ses excuses à la commune.
Le prononcé est fixé au 16 mars.