Deuxième jour du procès de deux anciens fonctionnaires suspectés de détournements de fonds publics. Le principal suspect dénonce «des pratiques usuelles dans les communes à l’époque».
Le procès des détournements de fonds dans la commune d’Hesperange a à nouveau fait salle comble. En ce deuxième jour d’audience, la moindre place assise était occupée dans la petite salle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg et de nombreux spectateurs se tenaient debout.
Deux anciens fonctionnaires communaux de Hesperange sont entre autres accusés d’avoir détourné des millions d’euros pendant près de vingt ans. Entre 3 et 5 millions au total.
Le principal accusé aurait empoché plus de 3 millions d’euros et 800 000 euros ont été retrouvés sur le compte en banque de son ancien collègue. «Des systèmes identiques ont eu cours dans d’autres communes», tente-t-il pour justifier ses actes. «Quand on est à la source, on se sert.»
«Il faut un certain esprit criminel pour le faire pendant vingt ans ou du moins ne pas se gêner», constate le président de la 16e chambre correctionnelle qui lui reproche d’avoir été «un fonctionnaire criminel» plutôt qu’ «un employé responsable» en qui les supérieurs peuvent avoir confiance.
«Tout le monde s’en est moqué pendant 20 ans», rétorque le prévenu qui avance que sa grande créativité artistique avait besoin de s’exprimer après que le président lui a reproché de se victimiser et de rejeter sa responsabilité sur les autres «pour des crimes que vous avez commis».
L’audition du prévenu est lunaire. Certains propos provoquent l’hilarité dans la salle. Il prétend reconnaître «son erreur» sans expliquer ses motivations et accepter les conséquences. «Je n’ai plus rien à perdre. Je m’en moque. L’homme s’adapte à tout. L’homme n’est qu’un sale menteur», lance-t-il au magistrat.
Il serait même prêt à endosser toute la responsabilité pour disculper son codétenu et dénonce un certain laisser-aller dans certaines administrations avant les années 2000. «Il serait ridicule de prétendre que cela me désole d’avoir fait tout cela», note-t-il. «Je suis coupable. Crucifiez-moi! »
Le prévenu se trouve toujours en détention préventive depuis l’été 2019. Il a refusé toutes les possibilités de remise en liberté. «Je suis bien en prison. Prendre un bain me manque», lance-t-il.
Le service de recette communale de Hesperange a découvert le pot aux roses au printemps 2019 grâce au courrier d’une entreprise d’assurance l’informant qu’elle venait de verser une indemnité. L’employée ne se souvient pas avoir inscrit la somme perçue dans la comptabilité.
Elle tire le fil et découvre des entreprises fictives, des numéros de téléphone et des adresses qui n’existent pas. Ainsi que les premiers montants perçus indûment. Le service infractions économiques et financières de la police judiciaire a pris le relais.
Moins de gains à partir de 2009
Les deux prévenus ont profité de leurs positons au sein de l’administration et d’une gestion financière basée sur la confiance pour faire de fausses factures ou déclarations de sinistres aux assurances, ainsi que des demandes de subsides ou d’aides de l’État.
Jusqu’en 2009, les deux hommes qui occupaient des postes au service technique et au service financier ont encaissé de grosses sommes. Après, Marc Lies a pris le contrôle de la commune et modernisé l’organisation du service financier, ce qui aurait considérablement limité les libertés et les pouvoirs de deux hommes.
Mais pas freiné leurs ardeurs, même si les montants détournés diminuent. Un montant de 100 euros aurait particulièrement choqué les juges.
Le duo reconnaît les faits. Les deux hommes ont également profité du fait qu’avant 2009, l’administration communale ne demandait pas systématiquement tous les subsides d’État possibles. Comme le prouverait une facture concernant l’installation de cellules photovoltaïques établie par une entreprise dont le dirigeant est également prévenu dans l’affaire, selon une ancienne employée de l’entreprise à la barre de la 16e chambre correctionnelle hier après-midi.
Cette facture aurait remplacé une note de crédit. L’entreprise aurait également facturé plus de 34 000 euros en travaux de jardinage à la commune alors que l’argent aurait servi à rénover la maison d’un des deux prévenus qui prétend que sa maison était bien équipée d’une telle installation photovoltaïque.
Un doute subsiste cependant pour une partie de cette somme, soit 19 000 euros. Aucune facture n’attestant qu’ils ont été facturés à la commune n’a été retrouvée, mais l’employée reste formelle même après que le président lui a rappelé qu’elle déposait sous serment.
Le magistrat a également cherché à comprendre le rôle des échevins en charge des finances communales. Il veut savoir s’il leur incombe de vérifier que les budgets sont bien tenus. Les deux employés communaux lui ont répondu que c’était au service financier d’assurer ce contrôle.
Le procès se poursuit la semaine prochaine pour deux nouvelles audiences fixées lundi et mardi.