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Détournement de fonds publics à Hesperange : trois hommes face aux juges


Les différents édiles qui se sont succédé à la tête de Hesperange n’ont jamais remarqué la disparition des deniers publics tant l’arnaque était bien pensée. (Photo : archives LQ)

L’acte d’accusation est long, très long. Deux anciens fonctionnaires communaux de Hesperange sont suspectés d’avoir détourné des fonds publics par divers moyens entre 2000 et 2018.

Ni vu ni connu, deux hommes ont empoché des deniers publics pendant près de vingt ans. En aveux, ils doivent répondre de ces faits face à la 16e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg depuis mercredi. Des biens immobiliers et des fonds à hauteur de 5 millions d’euros ont été saisis par la justice à la suite d’une enquête notamment menée par la section infractions économiques et financières de la police judiciaire.

L’affaire a éclaté à l’été 2019. De l’argent provenant d’une assurance n’apparaît pas sur les comptes de la commune. L’enquête permet de découvrir l’ampleur du détournement de fonds présumé et le modus operandi de ses auteurs présumés, qui auraient notamment utilisé le syndicat d’initiative et de tourisme de la commune de Hesperange pour masquer leurs agissements.

Les trois hommes – deux anciens fonctionnaires communaux entretemps démis de leurs fonctions à la suite d’une mesure disciplinaire et un homme d’affaires local – sont accusés de détournement d’argent public, faux et usage de faux, fraude, abus d’argent public, vol ainsi que de blanchiment d’argent. Ils risquent des peines allant de 5 à 10 ans de prison.

Fausses factures, fraudes à l’assurance

La lecture de l’acte d’accusation par le président de la chambre correctionnelle a duré près d’une heure. Le magistrat a ensuite cédé la parole aux deux enquêteurs de la police judiciaire, qui ont détaillé avec précision le mode opératoire de l’ancien chef du service technique et de l’ancien employé du service de facturation de l’administration communale de Hesperange.

Fausses factures, vraies factures dont les montants étaient modifiés, fraudes à l’assurance, demandes de subsides auprès des ministères du Tourisme et de l’Environnement… Les deux quinquagénaires, dont l’un a souhaité rester en détention préventive, sont suspectés d’avoir abusé d’un système qu’ils connaissaient sur le bout des doigts pour s’enrichir. Et de certains passe-droits. En tant qu’agent d’assurances, l’un d’eux aurait assuré la gestion du portefeuille de la commune.

L’argent détourné était versé sur des comptes en banque qui ont notamment servi aux accusés à acquérir ou rénover des biens immobiliers, comme une maison à Itzig, un appartement au Maroc, deux appartements à Esch-sur-Alzette, une Aston Martin et une Harley Davidson, entre autres. Les deux prévenus auraient vécu au-dessus de leurs moyens, mais auraient eu de bonnes excuses pour justifier ce train de vie.

Deux sociétés fictives

Le rapport de l’enquêteur reprend les sommes détournées à la virgule près. Elles vont de quelques centaines d’euros à plusieurs milliers. Ils auraient facturé des services et des achats tout à fait plausibles de la part d’une commune comme la réparation de chaudières ou l’achat d’ordinateurs ou de jouets. Aux bénéfices de deux sociétés fictives AEARLUX SARL (Académie européenne des arts Luxembourg) et Sicoh (syndicat d’initiative de la commune de Hesperange).

Les deux anciens fonctionnaires sont accusés d’avoir profité de leurs postes clés au sein de l’administration communale et de la confiance que leur accordaient leurs collaborateurs et les édiles de la commune. Rodés et sûrs de leur coup, ils faisaient apparaître les sommes détournées pour des achats fictifs ou des assurances dans la comptabilité de la commune.

Les nouvelles normes concernant le contrôle des finances communales leur auraient compliqué la tâche, mais ils auraient toujours adapté leur mode opératoire de manière à les contourner. Jusqu’à ce qu’une fausse facture éveille des soupçons et que leurs explications ne suffisent plus à dissimuler leurs actes.

L’entrepreneur local, quant à lui, n’aurait eu qu’un rôle minime dans l’affaire. Il ne se serait rendu complice des deux autres que dans le cadre d’une seule affaire. Il prétend avoir facturé à la commune des meubles de jardin d’une valeur de 15 000 euros acquis par l’un des deux prévenus. Pris de remords, il aurait versé la somme de 18 000 euros à l’administration communale – les 15 000 euros plus les intérêts – pour la rembourser début 2022.

La salle d’audience était noire d’avocats – ceux des prévenus et des parties civiles que sont la commune et l’État – et de spectateurs venus assister au procès ainsi que de représentants de l’opposition politique de la commune. Il se poursuit cet après-midi et reprendra la semaine prochaine pour deux audiences supplémentaires.