Les viticulteurs ont commencé les premières vendanges la semaine dernière. Une précocité historique qui les oblige peu à peu à s’adapter.
De mémoire de viticulteurs, ces vendanges sont déjà historiques. En Moselle, ils sont nombreux à avoir commencé les premières récoltes depuis la semaine dernière, bien avant la date habituelle. «Nous avons commencé le 24 août, c’est trois semaines plus tôt que d’habitude!», rappelle Henri Ruppert. Le viticulteur de Schengen se focalise pour le moment sur ses raisins auxerrois qui serviront à l’élaboration du crémant. «Nous devons les vendanger plus tôt, car nous cherchons un taux d’alcool peu élevé afin que le vin garde son acidité.»
Même son de cloche chez son voisin du domaine Sunnen-Hoffman : «On a commencé la semaine dernière, c’est beaucoup plus tôt que d’habitude», affirme Yves Sunnen. «En 2018, qui était le record, nous avions commencé fin août.» Là aussi, les cépages pour le crémant sont les premiers à être récoltés afin de ne pas altérer leur fraîcheur. «Mais la sécheresse a freiné un peu cette avance», continue Henri Ruppert. «S’il y avait eu plus d’eau, on aurait dû récolter encore plus tôt.»
Des dates historiques mais pas étonnantes
Le même phénomène devrait se reproduire pour les vins rouges. La récolte de leur raisin est prévue pour le 5 septembre alors que la moyenne, depuis 1966, tourne autour du 22 septembre, selon l’Institut viti-vinicole. Mais si ces dates sont historiques, aucun domaine n’est vraiment étonné de cette précocité. La météo très ensoleillée et sèche qu’ont connue les coteaux de Moselle ces derniers mois a favorisé cette accélération qui s’est manifestée dès la floraison. «On avait déjà trois semaines d’avance à la floraison. Elles se sont logiquement répercutées sur les vendanges», indique Henri Ruppert. «Elles ont généralement lieu 90 à 100 jours après la floraison, on a donc pu calculer une date et s’adapter», ajoute Yves Sunnen.
Trois semaines d’avance, cela demande en effet de s’organiser en amont pour être prêt le jour J, en particulier avec les vendangeurs. «Nous les avions déjà informés mi-juillet, fin-juillet de la date.» Mais avec des dates fluctuantes, il peut être difficile de trouver de la main-d’œuvre notamment quand elle vient de loin (lire ci-dessous). «Nous avons une bonne équipe depuis trois ans», souligne Yves Sunnen qui ne s’inquiète donc pas pour les vendanges de ses 9 hectares.
Mais la sécheresse apporte tout de même son lot d’inconvénients. «Il peut y avoir de la perte», reconnaît Henri Ruppert. Des brûlures peuvent apparaître sur les baies, diminuant la quantité de jus et les plus jeunes vignes peuvent ne pas supporter le manque d’eau si celui-ci perdure trop longtemps. En revanche, la qualité des vins pourrait être boostée par ces températures élevées. Le stress hydrique, quand il reste mesuré, est en effet bénéfique pour la vigne, l’obligeant à puiser dans les minéraux du sol et améliorant ainsi ses caractéristiques.
«Ce sera une très bonne année»
«Quantitativement, nous serons plus faibles mais ce sera une très bonne année», se réjouit Yves Sunnen. «Nous sommes très contents sur le crémant. Nous avons fait analyser les raisins et il y a un beau potentiel de qualité.» Les viticulteurs doivent tout de même faire attention, les fortes chaleurs favorisent la maturité des raisins réduisant ainsi leur acidité. «Le vin est alors plus chargé en alcool», nuance Henri Ruppert. «Et nous cherchons à garder un certain équilibre, notamment surtout sur les crémants.»
Mais si cette année est exceptionnelle au niveau des dates, elle pourrait bientôt devenir la norme. «Avec le changement climatique, cela va continuer», assure Henri Ruppert qui risque, comme tous les viticulteurs de la région, de devoir s’adapter à cette nouvelle météo. «Pour l’instant, nous restons vigilants.» Mais la Moselle, tout comme les autres régions viticoles, pourrait bien voir la typicité de ses vins changer.
Le souci des cépages alternatifs
De nouveaux cépages, venus du sud, pourrait faire leur apparition même si cette solution reste encore hypothétique. «On parle toujours de cépages alternatifs mais quand on plante une vigne, les premiers fruits n’apparaissent qu’au bout de trois ans et il faut une dizaine d’années pour avoir un raisin de qualité», rappelle Yves Sunnen. La transition, si elle doit avoir lieu, devra donc se faire avec prudence d’autant que le climat peut encore réserver beaucoup de surprises d’une année à l’autre.
«Il y a toujours le risque du gel tardif», prévient Yves Sunnen. Malgré des années de grande sécheresse, il est en effet possible de connaître un dernier coup de froid, notamment jusqu’aux saints de glace. De quoi perdre, comme Yves Sunnen l’année dernière, une bonne partie de sa récolte. Une fois encore, le manque d’équilibre reste l’ennemi du vigneron.
Des vendangeurs de plus en plus locaux
Le bouleversement des dates des vendanges rend parfois plus compliqué les recrutements, notamment avec les étrangers. Traditionnellement nombreux, les Polonais se font plus rares d’autant qu’avec une économie nationale qui s’améliore, le travail dans les vignes luxembourgeoises est moins attrayant. Employant une vingtaine de personnes pour ses 22 hectares, Henri Ruppert note une augmentation des Bulgares et des Roumains mais aussi de gens issus de la Grande Région. Ces derniers, plus proches, présentent l’avantage d’être plus flexibles, s’adaptant plus facilement au calendrier des vendanges.